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"Je vois les comic books comme notre dernier lien à une historiographie ancestrale. Les Egyptiens dessinaient aux murs. A travers le monde, on transmet le savoir de façon picturale. Pour moi, les comic books sont une forme d'Histoire que quelqu'un a sentie ou vécue. Depuis, cette Histoire a été remâchée par la machine commerciale. Relookée, rendue émoustillante et cartoonesque pour vendre."
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Face à la caméra, une plaque semblable aux tables de la Loi, couverte de
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hiéroglyphes, derrière lui, le personnage de Samuel L. Jackson tient ce discours aux spectateurs, potentiellement aussi incrédules que le protagoniste incarné par Bruce Willis, dans le manifeste de M. Night Shyamalan, Incassable. Par ailleurs, le film s'ouvre sur un carton exposant quelques informations sur le statut du comic book aux Etats-Unis, évoquant notamment le nombre de numéros vendus chaque année, indiquant d'entrée l'importance d'un
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support plus ou moins négligé depuis sa première apparition. Devant la recrudescence d'adaptations au cinéma de titres reconnus, il est important de retracer le chemin parcouru jusqu'à cette nouvelle notoriété actuelle. A travers le temps, la bande dessinée a évolué du stade de comic strip vulgairement recalé aux dernières pages de quotidiens, à celui d'art véritable.
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On appelle communément "âge d'or" les années 30-40 durant lesquelles les comics éclatèrent de manière assez considérable. Sans pour autant être sur le devant de la scène, les périodiques se multiplient. Flash Gordon (crée par Alex Raymond), Dick Tracy (de Chester Gould), The Spirit (de Will Eisner) et The Shadow (de Walter Gibson) avaient pavé le chemin, mais l'explosion peut se dater à l'arrivée des deux justiciers, aujourd'hui encore légendaires, qui naquirent dans les pages de "Action Comics" et "Detective Comics", respectivement Superman (de Joe Shuster et Jerry Siegel, juin 1938) et Batman (de Bob Kane, mai 1939). On assiste alors à une profusion de super-héros, tous dotés de pouvoirs plus fous les uns que les autres, l'homme-
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faucon (Hawkman), l'homme-feu (La Torche Humaine), l'homme-eau (The Submariner); le suffixe "Man" se greffe à toute racine qui puisse permettre le déploiement de facultés extraordinaires de la part des protagonistes qu'elle baptise. Tous les animaux et les éléments se retrouvent conjugués de cette manière. Nous sommes alors dans une ère, à l'issue de la crise économique et en pleine Seconde Guerre Mondiale, où les sociétés vont chercher le profit dans le besoin d'évasion de l'Américain moyen. On assiste à la guerre des illustrés d'où émergent plusieurs maisons qui disparaîtront ensuite assez vite, laissant derrière elles quelques créations en la personne de leurs héros les plus célèbres, ainsi que de nombreux auteurs et dessinateurs. La radio, le
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cinéma et la télévision s'emparent du phénomène débutant, nourrissant un temps leurs serials, ces métrages d'environ une heure qui se terminaient sur un cliffhanger, laissant le suspense jusqu'à la semaine suivante où les spectateurs se précipitaient en salles découvrir le dénouement tant attendu. Le comic book se révèle au grand jour.
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C'est cette époque que choisit Michael Chabon comme toile de fond pour son roman Les Extraordinaires Aventures de Kavalier et Clay, lauréat du prix Pulitzer en 2001. S'inspirant quelque peu de Shuster et Siegel, enfants d'immigrés juifs qui créèrent Superman, l'auteur présente deux adolescents qui vont grandir à New York pendant le conflit mondial, atteignant la prospérité avec leur héros nommé "l'Artiste de l'évasion", avant que la vie ne les rattrape. Près de 60 ans après son éclosion, la bande dessinée peut prendre place aux côtés des
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autres formes d'expression qui constituent les plus élogieux courants artistiques, tels que la peinture, la littérature et le cinéma. C'est à ce curieux amalgame des trois que l'écrivain donne ses lettres de noblesse. Par le biais de références au septième art, en particulier celle à l'illustre Citizen Kane d'Orson Welles, Chabon montre le comic book comme aussi important que le cinéma. Lointain cousin de celui qu'on qualifie généralement de forme d'art la plus propre au 20e siècle, ce storyboard plus élaboré commence à évoluer dans les années 60-70 avec le règne de "Marvel". Autrefois appelée "Timely Comics", la "Maison aux Idées" devient l'autre grand nom du comic book face à "DC Comics" (abréviation de "Detective Comics", la plus célèbre des revues de la société-mère) avec la venue du jeune scénariste Stan Lee. Avec le dessinateur Jack Kirby, il est le père de tous les géants de la boîte : Les Quatre Fantastiques, Spider-Man, Hulk, les X-Men,etc; des
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personnages auxquels il décide de poser des problèmes, dans l'intention de rompre avec l'éternelle invulnérabilité des super-héros et de rendre plus complexe ces protagonistes. On lui attribue également la pérennité de la popularisation de la continuité dans les histoires, conférant aux diverses séries un flot narratif et créant un univers où coexistent les différents personnages de "Marvel". Le comic book atteint donc un autre niveau grâce à Lee, mais également grâce aux autres artistes qui apparaissent à ce moment-là, comme le scénariste Chris Claremont (qui demeure la personne la plus longuement engagée à l'écriture d'un seul titre, en l'occurrence les X-Men des années 70 aux années 90) ou le dessinateur John Byrne, et qui succèdent aux initiateurs que furent Steve Ditko et John Romita pour ne citer qu'eux.
à suivre...
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