Wallace et Gromit
A Grand Day Out, The Wrong Trousers, A Close Shave
Royaume-Uni, 1989
De Nick Park
Scénario : Bob Baker, Nick Park
Avec : Anne Reid, Peter Sallis
Musique : Julian Nott
Durée : 23m
Un pique-nique sur la lune. Un pingouin conspirateur. Un complot de pelotes de laines. Deux Anglais sur le qui-vive. Une grande excursion, Le Mauvais Pantalon, Rasé de près. Ou la première trilogie culte en pâte à modeler.
HOME SWEET HOME
62, West Wallaby Street. Intérieur anglais. Papier-peint anglais. Wallace, Anglais, lit un journal anglais dans un fauteuil anglais près d’une cheminée anglaise. Pendant que notre fin gourmet et bricoleur compulsif savoure des crackers dans son living-room, Gromit, fidèle compagnon à quatre pattes, expert en tricot et fondu d’électronique, enquête sur un mouton glouton, un pingouin travesti en gallinacé ou un mystérieux suspect canin. Désopilant et virtuose, Wallace et Gromit ne recule devant aucune fantaisie formelle. Des courts métrages d’animation aux réminiscences hitchcockiennes, des figurines rondes et avenantes dirigées comme de vrais acteurs: épaulé par les studios Aardman, Nick Park élargit l’univers comprimé de la pâte à modeler et le sort de ses réflexes décrépits. De la biscotte au grille-pain, du tube de dentifrice aux serviettes de bain brodées, Nick Park reconstitue avec une précision maniaque les objets du quotidien. Bienvenue dans le cabaret de l’absurde et du pastiche. Celui de Crime et châtiment par Fido Dogstoïevski, de La République selon Pluto, du coffre-fort dissimulé sous un tableau représentant un cochon-tirelire et du gant en latex comme accessoire clé de déguisement.
MONOMANIE
Né d’un projet de fin d’études, Une grande excursion, la première aventure de Wallace et Gromit, rivalise avec les prouesses d'Hercule. 72 mois de labeur, dont 13 consacrés à la seule fusée de Wallace, pour 23 minutes de réjouissances. Après une année d’angoisse et de patience décuplées (une journée d'efforts produit en moyenne 3 secondes d’animation effectives), Nick Park réalise qu’il n’a filmé qu’une demi-page de scénario. Seul maître à bord, Park éprouve ses dons d’ubiquité et cumule les casquettes de story-boarder, script ou animateur. Repéré entre-temps par les studios Aardman avide de jeunes talents, Park poursuit ses expérimentations méticuleuses et retourne une face inexplorée du cinéma d’animation. Pour le personnage de Wallace, Nick Park s’inspire du tempérament de son père, adepte du tournevis. A son actif: une caravane pour sept montée de ses propres mains. La fusée cosy de Wallace réveille ainsi de vieux souvenirs d’enfance. Compagnon félin à l’origine, Gromit devient un chien muet suite à un resserrement budgétaire, mais pourvu d’une incroyable gamme d’expressions. Son plissement de front restera comme l’une des Sept Merveilles de la pâte à modeler.
TOUT TOUT POUR MON TOUTOU
Une seule vision des courts métrages de Nick Park ne suffit pas à relever toutes les références distillées en chemin. Le réalisme des décors et l’environnement familier sont constamment subvertis par des détails incongrus. Tex Avery et les Monty Python se croisent dans un séjour anglais. En vrac: une course-poursuite en petits trains, une échelle de moutons secourant un prisonnier ou une attaque aérienne par flocons d’avoine interposés. Rois du millimètre et des perspectives malignes, les studios Aardman travaillent à la loupe les intensités de lumière et les ombres projetées. Aisément identifiable, la méthode Park repose sur une science exacte du montage, couplée à une bande-son attractive et une explosion de couleurs. Entre le maître et le chien, l’avantage revient au quadrupède, plutôt Lucky Luke que Rantanplan. Creature Comforts inaugurait le bestiaire pas bête, la trilogie Wallace et Gromit réussit à marier la comptine et le second degré. Nick Park interpelle tous les âges, en jonglant avec la comédie, le polar et le fantastique. A défaut de se procurer du Wensleydale, les aficionados peuvent d’ores et déjà repenser la décoration de leur cuisine avec le tire-bouchon Gromit, le mug Wallace ou le presse-agrumes Shaun. Et continuer d’user leur DVD.
En savoir plus
NICK PARK, LA MAIN A LA PATE
Né en 1958 d’un père photographe et d’une mère couturière, Nick Park grandit à Preston dans le Lancashire. Passionné de maquettes et de science-fiction, il prend l’habitude d’inventer ses propres jouets et rêve déjà de construire une fusée. La découverte d’une caméra dans le grenier de ses parents le pousse à la réalisation. Il monte ses premiers films d’animation à l’âge de treize ans, en s’aidant de flip-books, bricolant de-ci de-là avec les ustensiles mis à sa disposition. Parmi ses nombreux essais: Walter the Rat, fabriqué à partir de bobines de fil, et Archie’s Concrete Nightmare. Après un diplôme des Arts de la Communication à la Sheffield Art School, il entre en 1980 à la National Film and Television School de Beaconsfield. Son devoir de fin d’études s’intitule Une grande excursion. En février 1985, il rejoint l’équipe d’Aardman Animations et collabore à des publicités ou des génériques d’émission pour enfants. Deux clips réalisés par les studios Aardman sont restés célèbres: Sledgehammer de Peter Gabriel et My Baby Just Cares for Me de Nina Simone.
AARDMAN ET LE REVE AMERICAIN
Fondé à Londres en 1972 par deux amis d’enfance, David Sproxton et Peter Lord, le studio emménage à Bristol quatre ans plus tard. Cousin éloigné de Superman, Aardman est le sobriquet de leur premier personnage. En 1976, ils se spécialisent dans l’animation en pâte à modeler. Leur série Morph remporte un vif succès à la télévision. Avec Animated Conversations (1978) et Conversation Pieces (1982), ils s’orientent vers un public plus adulte, en combinant fictions en plasticine et témoignages réels de la vie de tous les jours. En 1989, Channel Four leur passe commande d’une nouvelle série. Réalisé à partir de documents sonores, le projet Lip Synch donne naissance à Creature Comforts de Nick Park, regard décalé sur le monde du zoo, où les animaux en cage empruntent leurs voix à de véritables employés et s’épanchent sur leurs conditions de logement. Le court métrage reçoit l’Oscar du meilleur film d’animation en 1990, l’année de la nomination du premier Wallace et Gromit. En 1992, le duo revient à Noël sur la BBC pour une seconde aventure, Le Mauvais Pantalon. Deuxième Oscar en 1994. La critique est dithyrambique, le succès public étourdissant. Pour le troisième épisode, Rasé de près, le budget alloué passe de 650 000 à plus d’un million de livres. L’équipe technique s’agrandit de 5 animateurs, 3 assistants et emploie une quarantaine de personnes. Julian Nott dispose pour la bande-originale d’un orchestre de 65 musiciens. Et Nick Park remporte son troisième Oscar en 1996. Co-produit par DreamWorks, Chicken Run inaugure en 2000 une carrière hollywoodienne parrainée par Mel Gibson et Jeffrey Katzenberg.
CRACKING CONTRAPTIONS
Parallèlement au tournage du Mystère du lapin-garou, le premier long métrage de Wallace et Gromit, Nick Park et les studios Aardman ont offert aux fans une poignée d’inédits, les formidables Cracking Contraptions (anciennement Wallace’s Workshop). Diffusée sur la BBC, la série compte 10 épisodes d’environ 2 minutes chacun. The Soccamatic, partie de foot à deux inéquitable, est toujours proposé en téléchargement gratuit sur le site de la chaîne. Consacrée aux inventions improbables de Wallace et bien évidemment indispensable, cette mini-série recense les petits couacs de la vie quotidienne et la grande paresse de tous les matins: comment se passer de la télécommande (The Tellyscope, à hurler de rire), comment ne pas se lever de table (The Turbo Diner), comment concevoir un bonhomme de neige sans se salir les moufles (The Snowmanatron), comment dompter l'aspirateur fou dans un salon transformé en Far West (The 525 Crackervac)... The Snoozatron, Shopper 13 (qui marque le retour de Shaun l'adorable mouton), The Bullet Proof Vest, A Christmas Cardomatic et The Autochef complètent le tour d'horizon. Cracking Contraptions figure parmi les bonus de l'édition DVD américaine zone 1 des trois courts métrages de Wallace et Gromit.