Vie aquatique (La)
The Life Aquatic with Steve Zissou
États-Unis, 2004
De Wes Anderson
Scénario : Wes Anderson, Noah Baumbach
Avec : Cate Blanchett, Willem Dafoe, Anjelica Huston, Bill Murray, Owen Wilson
Durée : 1h58
Sortie : 09/03/2005
Le célèbre océanographe Steve Zissou mène la dernière expédition de sa carrière sur les traces du fameux requin-jaguar, animal qui aurait causé la perte de son ancien associé.
LA CROISIERE S'AMUSE
Quel enfant n'a jamais rêvé d'embarquer à bord de la Calypso du Commandant Jacques-Yves Cousteau? Qui n'a jamais rêvé de découvrir une nouvelle espèce animale, d'être le premier explorateur d'une contrée inconnue? En suivant les pas de Ned Plimpton (Owen Wilson parfait), Wes Anderson nous convie à une étrange odyssée, le dernier voyage d'une équipe d'hurluberlus, lointains cousins du professeur Tournesol ou de Jules Verne, prête à tout pour quitter la terre ferme et trouver l'aventure. Ancien membre du Club Zissou comme on l'était autrefois du Club Picsou, Ned Plimpton découvre à trente ans passés la difficulté d'être le fils d'un océanographe aux méthodes originales et discutables, plus proche de la piraterie que du code de la marine. Il découvre l'envers du décor, les stagiaires que l'on maltraite, les seconds couteaux que l'on oublie, les petits arrangements avec la loi... A l'image du magique plan de coupe sur le Belafonte, le navire de Zissou, Wes Anderson dissèque la personnalité de chaque membre de l'équipage, met à nu les ambiguïtés et les fêlures, saisit les manques et les non-dits pour, au final, nous émouvoir durablement.
ADIEU BABYLONE
Tel Don Quichotte dont il est le digne descendant, Steve Zissou semble poursuivre une chimère. "On" remet en cause la mort de son ami Esteban, l'existence de ce fameux requin-jaguar, la véracité des faits exposés dans ses documentaires (hilarantes séquences qui singent les films du genre avec une distance ironique irrésistible). Le monde semble s'écrouler autour de lui. Les fonds manquent, l'épouse s'éclipse, l'ancien hôtel de luxe est devenu un nid de bandits mal renseignés. Pourtant, l'éternel enfant refuse de devenir un adulte et d'abandonner ses jouets. La découverte sur le tard d'un possible rejeton fortuné lui offre le plaisir de se replonger une dernière fois dans ses souvenirs. Il refuse d'être appelé "papa" devant la caméra mais les rapports humains deviennent peu à peu plus chaleureux et plus sincères. Et le miracle a lieu. Wes Anderson nous invite à croire en l'existence d'un cinéma artisanal, aussi noble que celui produit par Hollywood: la possibilité d'envisager un jour le triomphe des rêveurs sur les réalistes et les cyniques.
CINEMA PLAYMOBIL
Film après film, le réalisateur américain Wes Anderson construit un univers cohérent et immédiatement identifiable. L'auteur de La Famille Tenenbaum possède un style unique pour raconter les aventures tragi-comiques d'individus toujours hors du commun. Il maîtrise parfaitement l'art du contre-pied, du gag visuel imprévu qui surgit au bord du cadre après une révélation dramatique, donnant ainsi une teinte salée sucrée à son cinéma. Avec La Vie aquatique, il pousse ce système à son paroxysme, en développe le rythme épisodique et aléatoire. Impossible de deviner ce qui va suivre l'aveu d'un adultère ou d'une paternité refoulée. Une effusion, un coup de poing, une crise de larmes? Les trois à la fois? Wes Anderson jongle avec les ambiances et les sentiments, privilégie toujours l'atmosphère à une narration linéaire. Ses films reflètent bien l'image publique de Bill Murray, son acteur Pygmalion, ours mal léché toujours prêt à sortir les griffes mais à la sensibilité exacerbée, fidèle parmi les fidèles d'une troupe de comédiens qui suivent le jeune réalisateur sur chacun de ses projets. Bercée par la douce voix de Seu Jorge et la musique planante de Sigur Ròs, La Vie aquatique s'impose comme le petit bonbon acidulé de ce mois de mars qui, sous ses aspects de comédie décalée, cache de nombreux cœurs brisés à réparer.