Une journée en enfer

Une journée en enfer
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Une journée en enfer
Die Hard With a Vengeance
États-Unis, 1995
De John McTiernan
Scénario : Jonathan Hensleigh
Avec : Graham Greene, Jeremy Irons, Samuel L. Jackson, Bruce Willis
Photo : Peter Menzies
Musique : Michael Kamen
Durée : 2h11

John McClane est cette fois-ci aux prises avec un maître chanteur, facétieux et dangereux, qui dépose des bombes dans New York.

DIE HARD 3 : DIE HARDEST

Certes moins tardive que le quatrième épisode de la franchise, Une journée en enfer arrivait déjà cinq ans après le second volet de la saga, au milieu des années 90 soit dans une époque déjà bien différente pour le cinéma d’action. Il est intéressant de voir d’ailleurs comment la licence a évolué au cours des années et des films, depuis un huis clos avec finalement très peu d’action en 1988 jusqu’à la surenchère digne d’un film de Michael Bay que propose Die Hard 4. Entre temps, il y aura une suite sous forme de banale resucée du premier volet, réalisée par Renny Harlin, mais surtout, il y aura eu le retour de John McTiernan, l’initiateur de cette tétralogie inattendue. Là où Harlin se cantonnait à recycler la formule de son prédécesseur, tout en adaptant un autre roman (Piège de cristal est librement adapté de Nothing Lasts Forever de Roderick Thorpe tandis que 58 minutes pour vivre s’inspire du livre éponyme de Walter Wager), McTiernan oublie le concept premier de son propre film (un flic pris par hasard dans une affaire d’otages dans un lieu restreint) pour s’avérer finalement plus fidèle à lui-même qu’on ne pouvait le croire. Ainsi, l’auteur propose un renouveau à la série mais également au genre en faisant preuve notamment d'une évolution dans son approche esthétique envers son registre de prédilection. Au génie de la gestion de l’espace et des plans millimétrés succèdent l’arrivée de la caméra à l’épaule et un certain sens de l’urgence créé par un montage plus nerveux, plus moderne.

THINK FAST. LOOK ALIVE. DIE HARD.

Pour ce troisième opus, la révolution Die Hard se joue donc sur deux niveaux, en commençant par le scénario. A l’origine, le manuscrit intitulé Simon Says de Jonathan Hensleigh intéresse les producteurs de L’Arme fatale pour un potentiel quatrième chapitre de leur franchise (à l’époque encore limitée à trois films), ce qui n’est pas étonnant vu sa qualité de buddy movie. Cependant, ce n’est pas de ce point de vue que le script de Hensleigh s’avère intéressant (bien qu’il exploite au mieux l’antagonisme entre McClane et Zeus Carver, rappelant sans répéter la coopération entre le héros et son allié black Powell dans le premier film) mais de par son pitch, fort ludique. Un dénommé Simon oblige le protagoniste principal à exécuter tel ou tel exercice de son choix sous menace de faire exploser des bombes implantées un peu partout dans New York. En s’appropriant ce postulat de départ, les producteurs de la franchise trouvent un canevas parfait pour y transposer l’univers de John McClane. Non pas qu’il soit tant que ça régi par des codes immuables (après tout, chaque film provient d’une source autre à la base, même le dernier) mais il est amusant de voir l’originalité avec laquelle l’ouvrage justifie certains stéréotypes du genre ou de la série elle-même. Ainsi McClane n’est plus là par hasard, "toujours au mauvais endroit au mauvais moment", mais au contraire est-il "élu" par le méchant de service lui-même, qui se révèle n’être autre que le frère du méchant du premier film. Mais alors que cet artifice aurait pu s’avérer aussi pauvre que dans toutes ces déclinaisons de séries B, il est contourné par la révélation finale, faisant écho à celle de Piège de cristal: les terroristes ne sont que de simples pilleurs de banque. L’argument de la vengeance n’est qu’un prétexte tout comme les attaques à la bombe ne sont qu’illusions.

THE MOST DANGEROUS GAME

Ce rapport récréatif ne se limite pas à des clins d’œil à la précédente participation de McTiernan à la saga (comme le combat contre l’homme de main musclé ou le coup des deux balles restantes dans le revolver pour battre l’adversaire) mais impose également un point de vue post-moderne sur le film d’action en adoptant les règles d’un jeu (vidéo), complètement assumé depuis même le titre initial, équivalent anglo-saxon du français "Jacques a dit". Et McClane d’évoluer alors sur un terrain de jeu à l’échelle d’une mégalopole (qui conserve alors malgré elle un caractère restreint, au même titre que le gratte-ciel ou l’aéroport des deux précédents films), se rendant de téléphone en téléphone comme l’on se rend à un point précis dans un jeu vidéo afin de recevoir les informations nécessaires concernant la prochaine épreuve à résoudre, qu’il s’agisse d’une course en taxi ou d’une bombe à désamorcer ou tout simplement d’un problème mathématique. Le récit a donc l’intelligence de légitimer le cahier des charges imposé par le cinéma d’action (ou même à s’en moquer comme en témoigne l’énigme des bidons d’eau), un genre qui ne peut plus se permettre le huis clos à suspense du premier tome. Et pour les mêmes raisons, l’œuvre ne peut non plus se limiter à une mise en scène eighties et opte alors, en bon précurseur, pour la prochaine forme à venir, caractérisée par l’usage intensif de la caméra portée. En cela, Une journée en enfer annonce déjà en partie la charte visuelle choisie, six ans plus tard, par la série 24 ou la trilogie Jason Bourne (La Mémoire dans la peau, La Mort dans la peau, La Vengeance dans la peau), marquant également un tournant dans le cinéma d’action des années 90 (depuis Speed en 1994 jusqu'à Armageddon en 1998 en passant également par Rock en 1996 et Volte/Face en 1997).

par Robert Hospyan

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