Thriller
Suède, 1974
De Bo Arne Vibenius
Scénario : Bo Arne Vibenius
Avec : Christina Lindberg
Photo : Andreas Bellis
Musique : Ralph Lundsten
Durée : 1h44
Après avoir été violée quand elle était enfant, Madeleine est devenue muette. Aujourd'hui, elle est une belle jeune fille qui vit dans une ferme avec ses parents. Alors qu’elle veut se rendre en ville, elle rate son bus et croise le chemin d’un prédateur sexuel…
DIABLE, ELLE EST DEVENUE COMPLÈTEMENT TOQUÉE
La Suédois Bo Arne Vibedius a débuté comme assistant, excusez du peu, d’Ingmar Bergman, sur Persona (1966) et L’Heure du loup (1968). Et n’a pas trop tardé à signer son premier long métrage, intitulé Hur Marie träffade Fredrik. Mais celui-ci, sorti en 1969, sera un échec dont le cinéaste mettra quelques années à se remettre. Cinq ans plus tard, Bo Arne Vibedius revient avec Thriller (parfois titré They Call Her One Eye) et décide de taper fort. A son mentor, il emprunte le rape and revenge, sous-genre horrifique initié par La Source (où le viol et le meurtre d’une blonde jeune vierge vont déclencher une vengeance sanglante), film qui fut par ailleurs le modèle de Wes Craven pour sa Dernière maison sur la gauche. Ici, une jeune femme, traumatisée par le viol qu’elle a subi étant enfant, est piégée par un homme qui la drogue de force et la prostitue. Mais, minutieusement, elle prépare sa revanche… Toute la première partie du film joue sur l’attente, la répétition des scènes, froide cruauté avant l’explosion de rage.
Madeleine, l’héroïne géniale de Thriller (interprétée par Christina Lindberg, visage de poupée et corps de Playmate) s’inscrit comme l’une des mères de nombreuses vengeresses à l’écran. Deux ans auparavant, au Japon, Meiko Kaji est La Femme scorpion de Shunya Ito, icône décidée elle aussi à se faire justice elle-même. Des années plus tard, Madeleine a évidemment influencé Tarantino pour son personnage d’Elle Driver dans Kill Bill, borgne comme elle et portant un bandeau sur l’œil. Mais plus proche d’elle encore est sûrement Thana, l’héroïne-titre de L’Ange de la vengeance, un des premiers (et un des meilleurs) Abel Ferrara. Thriller et L’Ange… sont deux purs rape and revenge, deux fables féministes où la soumission des femmes, l’exploitation du corps, la violence des hommes trouvent une réponse pour le moins extrême.
Pourtant, la violence, dans L’Ange de la vengeance comme ce Thriller trouve une représentation quasi-abstraite. Dans le mémorable dernier acte de L’Ange…, Thana enfile une tenue de bonne-sœur pour assouvir sa vengeance dans un bal costumé. Ange de la vengeance, littéralement, et simulacre de punition divine au ralenti. Les meurtres commis par Madeleine seront, eux aussi, filmés au ralenti, selon un procédé qui joue sur une implacable répétition, pas une violence brute mais une sorte de décharge abstraite, inéluctable courroux. Le puzzle de vengeance préparé avec soin (cours de karaté, de tir, de conduite) se construit alors, jusqu’à la dernière touche de sadisme, jusqu’au duel de cowboy, et que l’orage cesse. Evidemment décrié à sa sortie mais devenu absolument culte, Thriller a créé la polémique (le gros plan de l’œil crevé est celui d’un véritable cadavre), s’est vu charcuté (des plans explicites de pornographie ont été ajoutés selon les montages), destinée hors du commun pour un film adhoc.