THX 1138: The George Lucas Director’s Cut

THX 1138: The George Lucas Director’s Cut
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Au 25e siècle, il est interdit de ressentir. Sous l’œil de robots policiers, les humains, drogués, travaillent à la chaîne, construisant leurs propres gardiens. Sous l'impulsion de sa compagne LUH 3417, THX 1138 cesse de prendre ses pilules et découvre un monde de sensations.

U.S.C. QUE CHOISIR

Dans les années 60, les grands maîtres du Nouvel Hollywood tentent comme tout un chacun de réussir leurs examens. Les blockbusters estivaux n'arriveront pas avant dix ans, et l'élite professorale de l'University of Southern California est le premier souci des surdoués de demain. C'est dans ce chaudron de talents que naît le concept de THX 1138. En vérité, sa toute première occurrence n'a rien à voir avec George Lucas. Camarades de promotion, Matthew Robbins (Le Dragon du Lac de Feu) et Walter Murch achèvent en octobre 1966 le premier jet de ce qui devait être leur film de fin d'études: THX 1138: 4EB, "EB" signifiant "Earth Born". L'estimant trop "underground", ils l'abandonnent à Lucas, qui reprend le script et réalise en 1967 THX 1138: 4EB (Electronic Labyrinth). Grâce à son court métrage (disponible sur le DVD du film), Lucas remporte le meilleur prix et le prix spécial du festival de fin d'année. Sa petite oeuvre impressionne par son travail sur l'environnement sonore, ses manipulations de l'image et l'énergie cinétique de sa mise en scène. La technique est d'autant plus frappante qu'elle anime une histoire dépourvue de dialogues. En un quart d'heure, Lucas propose une vision novatrice façon Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley. Tout ceci n'échappe pas à Francis Ford Coppola, qui recherche à l'USC de nouveaux réalisateurs, et propose à Lucas de transformer son court en long. Lucas peinera sur l'écriture, et s'associera avec Walter Murch pour aboutir à une version correcte. Le scénario est achevé en juin 1970, et le tournage débute en septembre pour un budget de 777.000 dollars et 77 cents.

LUMIERE ET MAGIE INDUSTRIELLES

THX 1138 annonce tout ce qui fait le George Lucas d'aujourd'hui, cette tension entre une démarche d'auteur, aux thèmes familiers, et la hantise du succès commercial. Car THX 1138 ne rentre pas dans cette catégorie de films comestibles et contient pourtant les thèmes qui ont fait le succès des premiers Star Wars. A l'instar d'American Graffiti, d'Un nouvel espoir ou de La Menace fantôme, il s'agit pour le héros de lutter contre un univers contraignant, systématique (dirons-nous "empirique"?), en s'échappant vers une autre existence. THX (Robert Duvall) est l'ancêtre de Curt Henderson/Luke/Anakin, et le dernier plan du film annonce le double coucher des soleils de Tatooine. On remarque aussi cette immanence de la technique dans la mise en scène, ce poids de l'artifice dans l'artistique qui n'a jamais quitté George Lucas. Mais dans le domaine plus général qu'est l'économie du cinéma, THX 1138 joue un rôle déterminant. C'est parce qu'il déçoit commercialement Coppola et Warner que Lucas sera poussé à plaire et à dégager des bénéfices: il réalisera American Graffiti dans cette optique. Les décennies suivantes ont prouvé que Lucas oscille toujours entre ses ambitions d'auteur et les obligations de rentabilité qui les répriment. En témoigne ce director's cut de THX. A l’instar de ses retouches sur la trilogie Star Wars, Lucas revisite 33 ans plus tard un univers trop étriqué à son goût. Il prolonge la perspective dans quelques arrières-plans (l’usine de robots), élargit l’espace public (la station de métro) et ajoute une longue séquence à la fuite motorisée du héros. Rien de choquant, si ce n’est des "shell dwellers" en images de synthèse, qui s'ajoutent à leur unique représentant (une petite personne barbue) de l'époque. L’intégration est de grande qualité, certes, et la restauration impeccable de l’image et du son est l’occasion pour les néophytes de découvrir le premier long métrage de Lucas. Mais l'on tique tout de même face aux retouches constantes d'un éternel insatisfait. Néanmoins, THX 1138 reste un authentique chef d’œuvre de science fiction.

LETHARGIC FANTASY

La grandeur de THX réside dans l’approche systématique et consciencieuse d’un univers d’anticipation aseptisé. George Lucas et Walter Murch ont créé un film à des lieues de la viabilité cinématographique, ancré solidement dans l’expérimental lourd. Lucas souhaitait inverser les rôles traditionnellement confiés à la musique et aux effets sonores. Jusqu'à la fin du film, la musique est discrète, ne dépassant jamais le statut de compagnon sonore. La partition de Lalo Schiffrin s'efface aux profits des créations de Walter Murch: le son est l’architecte principal de ce monde. Un monde où la musique n'a pas sa place, un univers de systèmes, de fonctions, de procédures, maelström de consignes où l’initiative est proscrite, et par conséquent l’imagination, l'art, le rêve et les sentiments. Les ordres froids et métalliques sont déformés par les transmissions radio, légions incohérentes de conversations artificielles. Les bruits agressent, aigus et froids, synthétiques, niant tout plaisir auditif. La déshumanisation du film est un exploit de tous les instants, et fait de THX 1138 un film essentiellement intellectuel, tant il est absence de sensations. Un non-spectacle en somme, mais une expérience de l’humanité à la hauteur de 2001: L’Odyssée de l’espace. Car espoir il y a, Lucas ne cédant pas complètement à l'atmosphère des seventies, contestataire et dépressive. THX fuit la blancheur annihilante de son univers sous-terrain pour retrouver la lumière, les couleurs et l’harmonie musicale. Dans une extase de musique classique, l’individu se hisse face au soleil majestueux, s'échappant enfin, dans un plan final bouleversant. Six ans plus tard, George Lucas privilégiait l'équilibre en entamant un opéra spatial. Avec Star Wars, de nouveaux sons vivraient en symbiose avec une musique wagnérienne. THX 1138 est l'ouverture magistrale d'un auteur en quête d'harmonie. En espérant qu'il l'atteindra un jour, réjouissons-nous de cette symphonie cinématographique.

par Benjamin Hart

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