Syriana

Syriana
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Syriana
États-Unis, 2006
De Stephen Gaghan
Avec : George Clooney, Chris Cooper, Matt Damon, Amanda Peet, Christopher Plummer, Jeffrey Wright
Durée : 2h06
Sortie : 22/02/2006
Note FilmDeCulte : *****-

Les destins croisés d’hommes et de femmes liés à l’industrie du pétrole au Moyen-Orient.

THE BATTLE FOR THE OIL

Serait-on de retour dans les années 70? On n’avait pas vu ça depuis trente ans mais Hollywood semble se réveiller. Quelques semaines après Lord of War et Good Night, and Good Luck, un nouveau thriller politique engagé débarque sur les écrans français. Les tensions actuelles au Moyen-Orient faisant écho à la guerre du Vietnam et les scandales des mégacorporations renvoyant à la défiance de l’institution politique post-Watergate. Construit comme un film chorale, Syriana marque la nouvelle collaboration entre Steven Soderbergh (qui produit le film avec George Clooney) et Stephen Gaghan déjà auteur du scénario de Traffic. Refusant de sombrer dans le politiquement correct, Gaghan et ses producteurs attaquent de front leur Amérique dans ce qu’elle a de moins avouable, sortant de l’ombre sa part des ténèbres. Le message est simple: les Etats-Unis sont dépendants de la totalité de l’industrie pétrolière et s’ils désirent conserver leur suprématie, ils doivent contrôler les pays de l’OPEP. A partir de ce canevas impropice à la narration, Gaghan brode un film intense, haletant et moral, joue avec les destins et construit des hommes et des femmes de fiction, mais tangibles dans leurs motivations et leurs choix. Chaque fil apportant sa couleur et sa texture à une histoire en apparence compartimentée.

THERE’S A CLOUD ON THE NEW YORK SKYLINE

Si le film déclare n’être qu’une fiction, chacun des événements fait référence à une réalité bien palpable. La démarche du réalisateur s’impose simplement en décrivant un exemple type, peut-être décalé, mais se voulant révélateur de la situation. Il cherche à dévoiler une certaine réalité, occultée et oubliée par le grand public, où la CIA n’est pas un repère d’espions romantiques mais plutôt des VRP de l’ombre des intérêts commerciaux et politiques américains. Dans un univers multipolarisé, leur mission n’est plus idéologique, mais mercantile, soumise à la loi des grands groupes pétroliers, visant à maintenir un statu quo artificiel dans une région secouée par sa propre biologie. Toute la force de Syriana est contenue dans l’exposition rigoureuse de cette mécanique disséquée, photographiée, depuis l’huile qui grippe jusqu’à l’explosion finale. Chaque destin - un agent de la CIA désabusé incarné par un Clooney épaissi, un spécialiste des ressources énergétiques, un jeune avocat ambitieux de Washington ou un jeune ouvrier pakistanais qui perd son job – témoigne des relations fantôme qu’il entretient avec l’autre. Comme des dominos, les actes des uns auront une influence sur la vie des autres. Mais Gaghan refuse précisément de rendre cette mécanique trop évidente, préférant s’occuper de chacun séparément, quitte à ne jamais les faire se croiser.

CAN SOMEBODY TELL ME WHO IS THIS TERRORIST?

L’une des thèses les plus marquantes et les plus impitoyables de l’œuvre reste l’assertion impliquant les Etats-Unis dans la création des terroristes qui les harcèlent. Sans justifier l’acte barbare, Syriana montre (peut-être de façon trop succincte) le chemin d’un jeune homme pas fanatique pour deux sous, happé par la machine intégriste alors que des intérêts le dépassant lui avait fait perdre son travail de misère dans une raffinerie de gaz naturel contrôlée par des Américains. Le portrait d’une Amérique n’ayant finalement pas tiré les leçons du 11 septembre, ou mieux encore, s’étant carrément trompé de conclusions. Exigeant, le film de Stephen Gaghan s’avère être complexe et requiert toute l’attention du spectateur. Sa morale décide de n’épargner personne, car personne n’est totalement clean. Rigoureux et documenté, Syriana ausculte les démons d’une Amérique et des moyens dont elle a abusés pour en arriver là. Mais c’est encore une fois la preuve de l’extraordinaire puissance des images utilisées par des artistes honnêtes, soucieux de faire passer un message sur les maux de leur société gangrenée par la corruption et le libéralisme aveugle, où les intérêts publics et privés se confondent. Après un Good Night, and Good Luck passionnant, George Clooney ici acteur-producteur peut se vanter d’être un peu le nouveau Redford: la belle gueule engagée.

par Nicolas Plaire

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