Marais Film Festival: Studio 54 Director's Cut
États-Unis, 2015
De Mark Christopher
Scénario : Mark Christopher
Avec : Neve Campbell, Salma Hayek, Mike Myers, Ryan Phillippe
Durée : 1h44
Shane, 19 ans, réalise son rêve en parvenant à pénétrer dans ce club mythique, le 54. Côtoyant les plus grandes stars, il découvre un univers unique et extravagant, où se mêlent décadence et excès. Un tourbillon étincelant et enivrant dont il ne pourra bientôt plus se passer...
GAY OK
La destinée du film Studio 54 est assez unique : ce n'est pas la première fois qu'un film est charcuté sur la table de montage, ça n'est pas non plus la première fois qu'un director's cut vient rétablir la vision originelle de son auteur. Mais la pratique est généralement réservée à de plus grands réalisateurs et on prend assez peu la peine de se pencher sur le sort de films un brin oubliés comme 54. Cette résurrection est assez fascinante. D'abord parce qu'il est effectivement incongru de voir resurgir un film dont on pensait ne plus entendre parler et qui, entre sa chanson d'Ultra Nate et son casting acceptable in the 90s, date d'avant-hier mais semble déjà appartenir à une autre époque. Ryan Philippe incarnait une sorte d'inégalable perfection physique dans des slashers ou teen-movie où il prenait des douches ou des bains et se dandinait abdos ou fesses à l'air. Neve Campbell était l'héroïne d'un des films d'horreur les plus emblématiques de la décennie et s'encanaillait dans des thrillers sexy pour la Fête du cinéma. Salma Hayek était une poupée dansant avec un serpent sur les épaules ou jouant à l'infirmière chez Robert Rodriguez et Mike Myers caracolait au box-office américain. Leur âge d'or à tous semble appartenir au passé, ce qui ajoute une touche d'intérêt extra-filmique dans ce récit crépusculaire.
L'autre objet de fascination, ce sont les cicatrices visibles à l'écran. On peut imaginer la douleur d'un créateur qui voit son film transformé par ses producteurs avant d'être ensuite au mieux ignoré, au pire conspué lors de sa sortie en salles. Ce Studio 54 est vraiment différent : ce n'est pas une quarantaine de minutes qui ont été ajoutées au montage existant mais quarante minutes remontées dans un film dont la durée reste sensiblement la même - son récit est tout simplement autre. Il y a quelque chose d'émouvant, presque expérimental, à voir cette texture d'image différente et brute sur certains ajouts récupérés in-extremis, comme on distinguerait les cicatrices sur un visage raccommodé. Pour être honnête, le film ne se transforme pas non plus d'un coup en un ample rise & fall dirigé par Martin Scorsese. Mais il est moins lisse que l'original qui donnait l'impression que le 54 était, en gros, la même chose que le Nelly's, la boite préférée d'Hélène et de ses garçons.
En creux, le film en dit beaucoup – et de manière plus surprenante que prévue – sur le traitement de l'homosexualité et de la marginalité dans le cinéma américain. On est désormais habitué à un cinéma prétendument indé qui adore prendre des sujets dans les marges pour les concasser dans un traitement hyper formaté. C'est le syndrome Little Miss Sunshine : on choisit une famille dysfonctionnelle mais on lisse suffisamment pour donner l'illusion d'une aspérité tout en offrant du cinéma calibré où les freaks rentrent malgré eux dans la norme. Raconter l'histoire du 54, d'un haut lieu nocturne et queer, en évacuant en grande partie les références à la drogue et surtout à l'homosexualité/bisexualité est évidemment un contresens dans lequel a foncé la version 1998. La nouvelle version est moins pudibonde, sans être trash pour autant. C'est bien là le pire de la version charcutée des années 90: le director's cut permet de se rendre compte que montrer les tendances homosexuelles ou bissexuelles d'un personnage, sans scène de cul explicite, est déjà inacceptable pour les producteurs de l'époque. C'est léger ? C'est déjà trop – on n'est évidemment pas homophobes mais on préfère quand même quand on ne vous voit pas, semble dire Miramax au réalisateur.
A l'époque, le rôle de Neve Campbell (crédible en demoiselle en détresse chez Craven ou danseuse chez Altman mais pas du tout en star glamour et mystérieuse) avait été étoffé pour qu'on n'imagine quand même pas que Ryan Philippe aimait la queue. Elle passe désormais complètement au second plan dans ce director's cut. On ne pensait peut-être pas qu'un film à la base aussi anecdotique que Studio 54 pouvait, presque 20 ans plus tard, délivrer un tel témoignage politique, où l'homosexualité, même dans les sous-sols d'une boite des 70s, demeure irregardable et inconcevable pour des producteurs de cinéma. Rien que cela justifie la mise en lumière de ce nouveau – et désormais seul – montage.
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Studio 54 Director's Cut est diffusé ce mardi 15 novembre à 20h au Marais Film Festival.