Shock Treatment
États-Unis, 1981
De Jim Sharman
Avec : Charles Gray, Jessica Harper, Patricia Quinn
Durée : 1h35
En 1981, le Rocky Horror Picture Show s’approche de son plus haut niveau de popularité, et le disque Audience participation, enregistré dans une salle à New York, allait bientôt être commercialisé. Le système des séances de minuit est déjà bien en place et le culte du film est depuis longtemps évident. Tout succès cinématographique appelant nécessairement une suite, les producteurs du Rhps ne tardent pas à faire les yeux doux à Richard O’Brien et à Jim Sharman, les deux créateurs du premier film. La logique voudrait que cette suite embraye directement sur Brad et Janet, au fond du cratère fumant laissé par le décollage du château des transylvaniens. Mais Richard O’Brien, en bon artiste refusant les compromis commerciaux, choisit d’oublier la logique. C’est ici que tout se complique
Il est aisé d’imaginer la tête des dirigeants de la Twentieth Century Fox face au script de ce qui allait devenir la suite officieuse du Rhps, Shock Treatment: pas le moindre travesti, ni même la moindre allusion au premier film, pas d’extra-terrestre, ni de château... Alors que le Rhps était une parodie des films de série B et des vieux films de science-fiction, Shock Treatment est une satire des jeux télévisés américains -une grande connaissance de ces jeux est d’ailleurs nécessaire à la bonne compréhension du film; l’histoire est donc carrément obscure pour tout non-américain et non-anglophone. O’Brien choisit d’éviter soigneusement son chef d’œuvre et écrit une suite totalement originale. Le problème qui se pose alors aux dirigeants de la Fox est le suivant: un film culte est indissociable de son auteur et une suite ne peut être envisagée sans lui sans que les producteurs risquent leur peau. O’Brien peut donc tout se permettre, les dirigeants sont prêts à financer tous ses délires, y compris celui-ci.
Le film se passe à Denton, plus que jamais "the home of happiness". La ville est devenue un gigantesque studio de télévision dans lequel se déroulent des jeux plus bizarres les uns que les autres. Brad et Janet font partie du public constitué majoritairement de Dentoniens, et si Janet est enthousiaste, Brad, lui, a l’air complètement ailleurs. Tirés au sort, ils seront les premiers à tenter leur chance au "Mariage Maze", le jeu le plus réputé… et le plus redouté. C’est à ce moment que Brad est déclaré mentalement dérangé et envoyé chez le médecin du jeu, Cosmo McKinley. Le traitement de choc commence, sous l’œil des spectateurs attentifs et de Janet, de plus en plus dévergondée et attirée par le monde de la télévision. Nos deux héros ignorent que dans l’ombre du studio se cache Farly Flavors, le pire ennemi de Brad, et sponsor du jeu.
Une première constatation s’impose: certains personnages reviennent dans les deux films, ce sont Brad, Janet, Ralph et Betty Hapschatt (les deux jeunes mariés du premier film). A l’exception de Ralph (de nouveau joué par Jeremy Newsome), ils sont tous joués par des acteurs différents qui ne retrouvent à aucun moment la saveur originale des acteurs du Rhps. Cela est d’autant plus vrai pour Cliff De Young dans le rôle de Brad, particulièrement absent. Quant à Jessica Harper, si elle reste une excellente chanteuse (elle jouait Phoenix dans The Phantom of the Paradise, et tenait le premier rôle dans le splendide Suspiria de Dario Argento), elle ne parvient pas à égaler Susan Sarandon en Janet (qui le peut?). On retrouve en revanche dans Shock Treatment Richard O’Brien dans le rôle énigmatique de Cosmo et Pat Quinn dans celui de sa sœur, Nation. Little Nell joue le rôle d’une infirmière (nurse Ansalong), et le criminologue Charles Gray celui d’un juge commentateur des événements.
A priori, Shock Treatment n’a que peu de rapport avec son illustre prédécesseur et se veut une œuvre totalement différente. Pourtant il existe quelques études sur le net démontrant que les deux films se suivent bel et bien. Certains pensent en effet que les problèmes de Brad sont survenus à la suite de son aventure avec les Transylvaniens, et qu’il a besoin ainsi d'une cure dans un hôpital psychiatrique. On peut aussi imaginer que Cosmo et sa sœur Nation ne sont en fait que Riff et Magenta redescendus sur terre (en effet, l’ordinateur de Denton-Télévision ne trouve aucune information sur eux), et que Charles Gray, criminologue dans le premier film, a pris du galon dans le second après son enquête réussie sur l’affaire Rocky Horror. Selon la petite histoire, les spectateurs de l’émission télé du second film sont joués par les Transylvaniens du Rhps. Egalement, une bonne partie des costumes des Transylvaniens sont dans la chambre des costumiers de Denton TV. Enfin, comme petite anecdote, on peut ajouter que Sal Piro, président du fan club international du Rhps, fait une apparition au début du film. Autre petit amusement: relever les phrases communes aux deux films. Ainsi, les premiers mots que dit Janet à Brad sont "It’s all right Brad, everything’s gonna be all right". C’est exactement ce que dit Brad à Frank quand celui-ci, dans le premier film, pénètre dans sa chambre déguisé en Janet. La pub "Denton, the home of happiness" est également souvent répétée...
On peut facilement énumérer les défauts de Shock Treatment. Les chansons (le disque est disponible à la commande au fan club officiel du Rhps, quant à la vidéo, elle n’est plus commercialisée depuis longtemps) sont belles mais peu entraînantes, à l’exception peut être de la première, Denton USA, et de la chanson qui donne son titre au film. Les décors ne retrouvent à aucun moment la folie et les couleurs du château de Franck et restent trop souvent d’un blanc immaculé. La mise en scène est banale même si la scène d’ouverture laisse augurer d’amples mouvements de caméra à la manière du De Palma de Phantom. Surtout, le délire parait un brin trop calculé; ni Sharman ni O’Brien ne se laissent aller. Enfin, le scénario laisse souvent à désirer et la révélation finale (qui est vraiment l’énigmatique Farly Flavors?) sombre quelque peu dans le ridicule et la facilité (à moins de voir là une petite référence à la série culte Le Prisonnier où le principe "Nous sommes tous prisonniers de nous même" était tout de même autrement mieux démontré). De ce fait, il devenait évident que Shock Treatment n’obtiendrait qu’un succès médiocre dans les salles, en vidéo, et encore plus pendant les séances de minuit. Le film a néanmoins des adorateurs, et un fan club a même été créé récemment (Shock Treatment Fan club, 216 Filbert street, Roselle, NJ 07204, USA). Si le cœur vous en dit. Pour les curieux, sachez que Brad rencontre son propre frère durant le jeu. Un amusement de plus, pour un film quasi invisible, au statut irrémédiablement culte.