Les Sept Mercenaires
The Magnificent Seven
États-Unis, 1960
De John Sturges
Scénario : William Roberts
Avec : Charles Bronson, Yul Brynner, Horst Buchholz, James Coburn, Brad Dexter, Steve McQueen, Robert Vaughn, Eli Wallach
Photo : Charles Lang
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 2h08
Le fin tireur et baroudeur Chris est embauché par les habitants d'un village mexicain pour les défendre contre Calvera, un bandit qui pille régulièrement leurs récoltes. Ensemble ils recrutent six autres mercenaires qui se lancent dans l’aventure pour des raisons personnelles différentes…
Lorsque Les Sept Mercenaires est mis en chantier début 1960, le western classique sur grand écran est déjà bel et bien passé de mode; pourtant le film va marquer le paysage cinématographique et engendrer deux suites. Derrière ce succès se trouvent une réalisation classique mais somme toute efficace de John Sturgess (Règlement de compte à OK Corral), une bande originale omniprésente signée Elmer Bernstein, qui recevra l’Oscar en 1961, mais surtout un casting à la distribution sans faille et une thématique qui fera date dans l’histoire du western.
THE MAGNIFICENT EIGHT
Le western connaissait sa première agonie à l’aube des années soixante, malgré la production occasionnelle de films de qualité (La Prisonnière du désert, Rio Bravo). Avec l’avènement de la télévision, les maisons américaines vivent au rythme du Far West et le public n’éprouve plus le besoin de se déplacer pour voir les exploits trop conventionnels de ces cow-boys qu’ils connaissent par cœur. Un amour pour le petit écran que la production va tourner à son avantage en donnant quatre des huit rôles principaux à des acteurs de séries télévisées. En tête d’affiche, bien évidemment Steve McQueen, qui fait chavirer les cœurs des ménagères et impose sa classe depuis 1958 en prêtant ses traits au chasseur de prime Josh Randall dans le show western Wanted: Dead or Alive. La petite histoire raconte que l’acteur aurait simulé un accident de voiture pour pouvoir s’absenter du plateau et participer au tournage du film au Mexique. Et si McQueen était déjà apparu dans des longs métrages entre temps, Les Sept Mercenaires, seul western d’entre eux, se plaçait réellement comme l’arrivée de Josh Randall sur grand écran.
On y retrouve également James Coburn (outre son rôle récurent dans Wanted il était apparu dans une trentaine de shows entre 1958 et 1960), Charles Bronson (premier rôle de la série Man with a Camera qu’il avait décroché en 1958 après la sortie du film policier Machine Gun Kelly) et Brad Dexter (que l’on avait pu voir entre autres dans les séries western Wanted, Have Gun, Cimarron City, Colt 45.…). Pour tenir les quatre autres rôles: Yul Brynner (Le Roi et moi - Oscar du meilleur acteur -, Les Dix Commandements, Anastasia), Eli Wallach (qui avait fait ses débuts sur grand écran avec le controversé Baby Doll d’Elia Kazan et apparaissait régulièrement dans les pièces de théâtre filmées Television Playhouse), Robert Vaughn (tout juste auréolé d’une nomination à l’Oscar pour The Young Philadelphians) et la jeune star allemande Horst Buchholz. Cela ne faisait alors aucun doute, l’atout principal du film résidait dans ce casting de choix. Huit acteurs impeccables dans des rôles comme taillés sur mesure que l’on apprend à connaître au cours des quarante premières minutes du film.
Une introduction à nos sept mercenaires qui contient deux scènes désormais cultes. Tout d’abord la rencontre dans la ville du poste frontière entre les deux stars Brynner et McQueen, Chris et Vin, le leader et son futur bras droit. Inconnus solitaires tout juste arrivés en ville, les deux hommes acceptent de braver la milice locale en menant au cimetière le corps d’un Indien. Juchés sur un corbillard, ils remontent la rue principale, Chris tout de noir vêtu aux rênes, Vin en ange gardien la carabine à l’épaule. Le charisme des deux hommes et la durée de cette traversée de la ville (trois minutes) confèrent à l’ensemble une tension plus que palpable qui préfigure les astuces de mise en scène qui seront développées par la suite dans le genre. Également culte, la séquence du lancer de couteau, qui sert de présentation au personnage interprété par James Coburn. En seulement deux mots et quatre minutes de métrage, l’acteur y impose son physique filiforme et sa démarche reptilienne, donnant ainsi corps à la réputation de Britt, le chasseur de prime le plus rapide de l’Ouest.
WE LOST. WE ALWAYS LOSE.
Autre façon d’attirer l’attention sur ce nouveau western: son scénario atypique. Adapté du fameux Sept Samouraïs de Aki Kurosawa (1954), il apporte non pas un mais sept chasseurs de prime, personnages dont le public est devenu friand depuis l’avènement de la télévision une fois de plus. Les Sept Mercenaires se plaçait ainsi non seulement dans l’air du temps mais également résolument en contrepoint avec le western classique des années quarante et cinquante. En effet, les œuvres de l’époque mettaient généralement en scène un héros unique qui se battait pour des valeurs purement américaines, défendant son honneur, celui de ses proches, de sa ville, pour la beauté du geste. Ici il est présenté de prime abord comme un être mercantile, sans aucune attache, prêt à se battre pour n’importe quelle cause pourvu qu’il y ait de l’action et quelques dollars à la clé. En ce sens, le fait que Chris et Vin défient l’ordre établi lors de leur rencontre et que par la suite nos mercenaires soient embauchés par un village mexicain accentuent la notion de rupture avec l’âge d’or du genre.
On se trouve ici en plein mouvement révisionniste du western ou "sur-western" (terme utilisé par André Bazin dans Qu’est-ce que le cinéma ? - L’Evolution du western: "des westerns qui auraient honte de n’être qu’eux-mêmes et qui chercheraient à s’enrichir par des valeurs extrinsèques au genre"). Et si ce mouvement prenait ses racines hasardeusement dans les années cinquante avec des œuvres comme La Flèche brisée, Shane, l’homme des vallées perdues, Trois heures dix pour Yuma ou encore Sept hommes à abattre, Les Sept Mercenaires est le premier à évoquer haut et fort cette volonté de transformer le genre. Il va même plus loin en faisant état au travers des dialogues entre Chris et Vin de la mort du western. En effet, depuis leur première rencontre lors de la scène du corbillard jusqu’aux derniers mots du film "We lost. We always lose.", les deux hommes n’ont de cesse de déclarer que l’Ouest a changé, s’est civilisé, a perdu de sa splendeur, de son attrait et que les cow-boys fins tireurs se doivent de suivre ce mouvement, se ranger, passer à autre chose.