Sebastiane
Au IVe siècle ap. J.-C., le magnifique Sebastiane est membre de la garde personnelle de l'Empereur Dioclétien. Quand il essaye d'intervenir pour arrêter une exécution, il est dégradé puis exilé dans une garnison éloignée dans un lieu désertique où les soldats, en manque de femmes, s’adonnent parfois à l’homosexualité...
LE PARADIS DES MAUVAIS GARÇONS
Sebastiane de Derek Jarman est une date dans l'histoire du cinéma queer, et la ressortie en version restaurée de ce film ainsi que celles de Jubilee, La Tempête et The Last of England (accompagnée d'une édition dvd) est l'occasion pour nous de revenir sur ce film culte. Sebastiane est, en 1976, le premier long métrage réalisé par le cinéaste britannique (accompagné de Paul Humfress) qui fut avant cela assistant de Ken Russell et a dirigé une ribambelle de courts métrages. Le film s'ouvre par une "danse priapique" assez hallucinante qui donne le ton de cet ovni où l'on parle latin avec un terrible accent anglais. Sebastiane est une relecture de la vie de saint Sébastien - mais pas vraiment du genre à être diffusée lors des cours de catéchisme.
La transe multicolore de la première scène laisse place à un climat plus contemplatif, comme écrasé par une chaleur qui semble à deux doigts de cramer la pellicule. Sebastiane est exilé dans une sorte de désert, parmi d'autres soldats tous mieux faits les uns que les autres. Peintre de formation, Derek Jarman observe et célèbre la nudité masculine (justifiée, pour la blague, par un manque de budget pour acheter des costumes). De batailles d'eau sublimées au ralenti en brûlantes séances de sauna, le film déborde d'un homoérotisme jusqu'ici réservé à un autre type de cinéma - c'est la première fois qu'une érection est filmée hors d'un long métrage pornographique.
Le dénuement du récit et du décor, la nudité et la beauté des corps ainsi que la musique trippante de Brian Eno font de Sebastiane un poème hypnotique. Mais l'art de la subversion de Derek Jarman donne aussi au film un caractère politique et militant. L'amour, le désir et la moindre partie du corps des acteurs sont ici exposés aux yeux d'une société qui ne veut voir l'homosexualité que dans un placard - et on ne parle pas du IVe siècle où se déroule le récit. C'est un manifeste totalement ancré dans son époque - et qui garde aujourd'hui toute sa pertinence comme son pouvoir de fascination.
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Sebastiane, Jubilee, La Tempête et The Last of England ressortent en salles à compter du 21 juin 2017.