Sailor et Lula
Wild at Heart
États-Unis, 1990
De David Lynch
Scénario : David Lynch d'après d'après l'oeuvre de Barry Gifford
Avec : Nicolas Cage, Willem Dafoe, Harry Dean Stanton, Laura Dern, J.E. Freeman, Crispin Glover, Diane Ladd, Isabella Rossellini
Photo : Frederick Elmes
Musique : Angelo Badalamenti
Durée : 2h04
Lula, vingt ans, est éperdument amoureuse de Sailor qui le lui rend bien. Jusque-là, tout semble normal. Mais à cette belle équation amoureuse, il faut ajouter que Sailor a fait un séjour en prison à cause de la mère de Lula et que celle-ci, devenant folle de voir sa fille partir avec lui alors qu'il est en liberté conditionnelle, lance à leurs trousses des tueurs à gage chargés de tuer Sailor et récupérer Lula.
"Labyrinthique", voilà comment qualifier la palme d'or 1990, et l'univers de David Lynch d'une manière générale. En suivant ce fil d'Ariane de deux amants en quête de liberté, le spectateur s'engouffre dans un film rempli de coins et de recoins à l'esthétisme débordant. Tout commence dès le générique d'ouverture. Quelqu'un craque une allumette et l'écran s'embrase sur un fond sonore des plus langoureux, on est projeté dans un autre monde. L'image du feu se répète tout au long du film, et l'on se rend compte que cet incendie est la base de tout, le point de départ de cette histoire sinueuse. Le générique n'était donc pas anodin.
On est ici en pleine esthétique "lynchienne" de la récurrence et du mélange entre les couleurs, les matières et les sons pour illustrer l'état d'esprit des personnages. On se souvient de la robe rose moulante de Lula qui se place comme une déclaration d'amour en début de film, de la veste en croco de Sailor qui "symbolise sa personnalité et sa passion pour la liberté", du visage de Marietta barbouillé de rouge à lèvre lorsqu'elle se rend compte de sa folie, du ricanement de la sorcière qui hante Lula comme la voix d'une mère trop possessive, du heavy metal tonitruant qui accompagne les scènes de danse, odes frénétiques à la liberté, de la bonne fée aux lèvres gonflées et luisantes qui semble sortie d'un porno et qui explique à Sailor que la vraie liberté se trouve dans le grand amour. Il y a ici une recherche plastique évidente de la part de Lynch que l'on retrouve dans tout ses films.
Les personnages sont bien évidemment décalés, aux esprits tout aussi tortueux que le film (voir les discussions entre Sailor et Lula après avoir fait l'amour ou celle sur la terrasse avec les clients du motel) et se croisent dans un univers perdu et hostile. Echoués en plein désert texan, Sailor et Lula semblent pris au piège de leur propre envie de liberté. Alors même qu'ils sont en train de créer la vie, l'image de la mort (l'accident de voiture, le père de Lula, Santos.) et de la destruction (l'incendie, l'attaque de la banque) plane autour d'eux. Le tout est filmé avec un soin du cadre particulier (le meilleur exemple est la toute première image du film, avec ce plan large sur les caissons d'un plafond) et un rythme très étudié. David Lynch a mis tout son savoir faire au service de son imaginaire et signe ici un magnifique film.