Roi et l'oiseau (Le)

Roi et l'oiseau (Le)
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Roi et l'oiseau (Le)
France, 1979
De Paul Grimault
Scénario : Paul Grimault, Jacques Prévert d'après d’après La Bergère et le ramoneur de Hans Christian Andersen
Avec : Roger Blin, Raymond Bussières, Hubert Deschamps, Renaud Marx, Pascal Mazzotti, Agnès Viala
Musique : Wojciech Kilar
Durée : 1h23
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Despote du royaume de Takicardie, Charles V et Trois font Huit et Huit font Seize, est amoureux de la ravissante bergère qui orne l’un de ses tableaux. Mais celle-ci n’a d’yeux que pour le ramoneur, son voisin. Une nuit, les œuvres de son musée personnel prennent vie; les deux adolescents s’enfuient, le double du roi se débarrasse de son modèle.

Le Roi et l’oiseau - BA - FRenvoyé par _Caprice_

CONCILIABULES

Dans l’aile obscure d’un salon, deux toiles jumelles se répondent. "Une charmante bergère et un petit ramoneur de rien du tout" s’observent du coin de l’œil et attendent l’heure propice pour enjamber le cadre qui les sépare. Sabordé par de viles tractations en coulisses, La Bergère et le ramoneur n’était que l’embryon désavoué d’un long métrage plus corpulent. En 1953, Paul Grimault et Jacques Prévert découvraient en salles une version appauvrie de leur adaptation du conte d’Andersen. Ecartés du tournage qu’ils ont initié, les deux hommes attendront treize ans avant de recouvrer les droits et le négatif du bébé estropié. Douze ans d’opiniâtreté et de pourparlers financiers seront encore nécessaires à la concrétisation de leur projet. Grimault étoffe la première mouture du scénario, planifie de nouvelles séquences, redistribue les pièces maîtresses de l’échiquier. Au fil des greffes et des raccommodages, La Bergère et le ramoneur est rebaptisé Le Roi et l’oiseau, riposte romantique et impertinente à l’hégémonie d’un despote. Aussitôt reconnaissables, les mélodies satinées de Wojcieh Kilar enlacent les cocasseries de Prévert. Le phrasé enjôleur, l’éloquence goguenarde rythment la solitude toxique d’un roi. En tordant les perspectives et en poussant à l’excès les antagonismes, Paul Grimault esquisse le tableau saisissant d’un royaume composite et vertigineux.

ECHELLES ET PRECIPICES

L’impétuosité de l’imagination talonne la majesté du dessin. Vingt-deux ans après sa réhabilitation, Le Roi et l’oiseau n’a rien perdu de sa singularité. La sensibilité du regard sublime les excentricités, tempère les idées noires. Les patrouilles de police investissent les corridors tandis que les œuvres d’art prennent d’assaut le royaume de Takicardie. Charles tombe dans une trappe, la bergère et le ramoneur patinent sur des escaliers raides. Les premières apparitions du roi convient à une délicieuse mise en bouche: un tour du propriétaire insolite, un examen pittoresque des arcanes du pouvoir. Gratte-ciel rétro-futuriste, la cellule dorée de Charles est une meringue hypertrophiée aux ramifications grecques et versaillaises, une agglomération extravagante de temples et de coupoles rococo. La mémorable séquence de l’ascenseur nimbe le château d’une torpeur surréaliste. Une voix monocorde énumère les différentes épaisseurs de la citadelle. Prévert déploie son génie de l’inventaire et des automatismes absurdes. Grimault croque à merveille le portrait du roi, terrassé par la neurasthénie des lieux et un emploi du temps misérable. L’unique terrain d’action du Roi et l’oiseau est un empire prostré, éteint, accaparé par un minuscule bourreau, au strabisme bouffon et à la mégalomanie insatiable. Le ghetto souterrain et les sujets asservis ne sont pas sans évoquer Metropolis de Fritz Lang.

NID D’AMOUR

Jacques Prévert (décédé en 1977) ne connaîtra jamais la version définitive du Roi et l’oiseau. Héritiers revendiqués de Grimault, Hayao Miyazaki et Isao Takahata n’ont jamais cessé de clamer leur attachement au film. Inépuisable aire de jeux, le château est ironiquement coiffé d’un nid contestataire. Un oiseau persifleur et sa portée imprudente narguent le sommeil du souverain. C’est du côté de l’oiseau et de ses gracieux battements d’aile que les fondateurs de Ghibli puiseront leur inspiration. Le Château dans le ciel rend allègrement hommage aux lignes élancées du palais et à la verticalité étourdissante du Roi et l’oiseau. Avec Miyazaki, l’horizon s’élargit de terres idylliques et le rêveur laisse s’envoler la forteresse. Pazu et Sheeta, les enfants pourchassés, bondissent d’une tour à l’autre jusqu’aux racines d’un arbre en apesanteur. Les inventions des pirates et leurs machines volantes rivalisent avec le trône électrique du tyran et les capes empruntées aux chauve-souris. Entre les deux films, la jonction la plus évidente est restée la plus célèbre: un robot géant reposant sous des voûtes secrètes et utilisé à des fins machiavéliques. A peine déguisé, le message politique donne raison à l’être le plus frêle du royaume. Assis sur des ruines, l’Automate converti en Penseur libère un oiseau à peine plus grand que son poing.

par Danielle Chou

En savoir plus

Paul Grimault

Né en 1905 à Neuilly-sur-Seine, Paul Grimault complète une formation à l’Ecole Germain-Pilon (future Ecole des Arts Appliqués) par des cours à l’Atelier d’Art Pomone des magasins du Bon Marché. Le jeune homme affûte ses crayons en tant que dessinateur de meubles puis comme publicitaire chez Damour. Grimault se rapproche du mouvement surréaliste Octobre et réalise quelques courts expérimentaux en prises de vue réelles. Parallèlement à ses travaux pour le cinéma, il trouve sa vocation dans l’animation et fonde avec André Sarrut la société Les Gémeaux. Ses premiers courts, Monsieur Pipe fait de la peinture (projeté en 1937 à l’Exposition internationale de Paris), Phénomènes électriques (1937), Le Marchand de notes (1942) s’inspirent des rondeurs disneyennes. En 1939, il met en chantier une œuvre plus ambitieuse, Gô chez les oiseaux, dont le tournage interrompu par la guerre ne reprendra qu’en 1943, sous le titre des Passagers de la Grande Ourse.

L’Epouvantail reçoit en 1943 le prix Emile Reynaud. Le Voleur de paratonnerres est présenté au Festival de Venise en 1946. L’année suivante, Prévert signe le scénario du Petit Soldat, inspiré d’un conte d’Andersen et distingué à maintes reprises. Les deux hommes ne se quittent plus. Tout premier long métrage d’animation français, La Bergère et le ramoneur sera à l’origine d’un grave conflit au sein des Gémeaux. Contraint d’abandonner le projet, Grimault démissionne et renie la version distribuée en salles. En 1951, il fonde sa propre maison de production et revient à des courts plus expérimentaux, combinant animation traditionnelle et vues réelles: Enrico Cuisinier (1956), La Faim du monde (1957). Suivront des tournages épisodiques, toujours en collaboration avec Prévert: Le Petit Claus et le Grand Claus (1964), Le Diamant (1970), Le Chien mélomane (1973). Entre-temps, Grimault récupère les droits de La Bergère et le ramoneur et remonte entièrement le film, rebaptisé Le Roi et l’oiseau. Après une dernière apparition dans La Table tournante (1988) de Jacques Demy, Paul Grimault prend sa retraite officielle. Il décède en 1994. Sauvé de la décomposition, Le Roi et l’oiseau bénéficie aujourd’hui d’une magnifique copie restaurée.

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