Ring

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Ring
Ringu
Japon, 1998
De Hideo Nakata
Avec : Nanako Matsushima, Hiroyuki Sanada, Hitomi Sato, Yuko Takeuchi
Musique : Kenji Kawaï
Durée : 1h36
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Dans une maison vide, deux jeunes filles jouent à se faire peur. La conversation porte sur la légende urbaine d'une vidéo maudite qui tue sept jours plus tard ceux qui la regardent. L'une des deux lycéennes pourrait bien avoir vu cette cassette, et ce sept jours plus tôt...

PHENIX SCHIZOPHRENE

Ring, c'est l'histoire d'une renaissance: celle d'un genre épuisé jusqu'à la corde par le cinéma japonais, le yurei eiga (film de fantôme). Oeuvre hybride signée de Hideo Nakata, dont c'est le deuxième essai après Ghost Actress, Ring a su redonner de vives couleurs au cinéma fantastique de l'archipel tout entier, comme une véritable pierre angulaire qui a eu des répercussions phénoménales. Pont entre deux rives, image d'un Japon traditionnel et moderne, Ring concentre deux faces culturelles d'un pays schizophrène en un unique objet visuel, parlant à l'insconscient collectif nippon tout en apportant des éléments neufs. Voici la recette du triomphe: s'appuyer sur des codes visuels et narratifs issus de la tradition du film de fantôme, et les confronter à une certaine modernité.

Ainsi, Nakata épouse la représentation la plus classique qui soit du spectre japonais: une femme, vêtue de blanc, à la chevelure brune qui lui couvre le visage, ainsi que les fantômes étaient représentés dans le théâtre No ou Kabuki. Le puit, où sommeille le fantôme, est également un élément important du film, représentant dans les codes classiques l'antre spectrale par excellence, celle qui contient l'eau dans laquelle baignent les esprits. Au-delà de la coexistence de deux mondes (les morts et les vivants), Ring confronte deux faces du Japon: le Japon urbanisé de Asakawa à celui, rural, de Sadako. Lorsque les fantômes s'échappent de l'un pour conquérir l'autre, c'est aussi l'histoire d'un Japon ancré dans ses racines qui est conté, l'histoire d'une modernité qui ne s'affranchit pas du passé. La cassette vidéo, véhicule de la vengeance, devient ainsi le symbole de la coexistence de ces deux mondes, où l'hétérogénéité des époques s'entrechoque dans l'homochronicité de l'action.

FANTOME ET FANTASME

Chez Nakata, le fantôme devient high-tech: la malédiction se diffuse via la télévision, le magnétoscope et le téléphone, des outils modernes utilisés comme paradoxes de la figure traditionnelle du fantôme. C'est ici que prend forme toute l'intelligence du propos: Ring, c'est le fantasme même du cinéma d'horreur. L'essence du genre a toujours été de glacer le sang, de faire mourir de peur. Ici, Nakata prend l'ambition au pied de la lettre: l'image, plus que simple catalyseur de frayeur, devient l'image qui tue, le film d'horreur ultime où la pellicule elle-même est véhicule de la mort. C'est de l'écran de télévision que sort le démon, c'est par le regard que la vie s'achève. En se tenant à ce principe, Nakata accomplit une réelle gageure à travers Ring: reprendre les bases d'un genre et le conformer au fantasme ultime de ce dernier. En ce sens, Ring atteint comme une limite, un certain sommet.

MECANIQUE DE L'HORREUR

Film à l'ambiance unique, Ring s'appuie sur un soin du cadre dont le sens devient science. A la manière d'un Mizoguchi moderne, Nakata surencadre ses personnages, comme pour les enfermer dans un espace exigu et étouffant. Pourtant, Nakata n'a pas oublié une règle essentielle: Ring, c'est une histoire de démon et d'obscurité, d'inimaginable et de son berceau. La profondeur de champs devient alors propice à la paranoïa, Nakata concentrant ainsi ses personnages tout en les perdant dans des abysses de terreur: ce qu'il y a dans le dos, dans le noir, ce qui ne peut pas être vu. Ce qui demeure visible, c'est la vidéo. Mais l'écran, fenêtre vers l'enfer, n'est pas plus sûr. Le dernier plan du film résume la situation: le ciel, rongé par une progression maléfique, annonce une fatalité incontournable. Autant dire que grâce à sa mise en scène, Ring est un monument d'effroi, magnifié par le génial Kenji Kawaï dont la partition d'outre-tombe, refusant toute mélodie, participe grandement à la réussite de l'entreprise.

La paranoïa, voici l'un des motifs sur lequel Nakata a travaillé dans sa quête de l'ultime effroi. Des questions se posent quant à la mise en scène réactualisée de vieilles histoires de fantômes. Qu'est-ce qui peut le plus effrayer les masses urbaines aujourd'hui? La contamination, sans aucun doute (le roman original faisant dans cette optique référence au sida). Comment toucher le plus massivement possible les foules? Par la télévision - puisque chacun en a une chez soi. L'équation est d'une logique implacable, et parfaitement naturelle: l'horreur chez Nakata provient du quotidien - ici, la télévision, objet le plus banal qui soit, devient extraordinaire de par son pouvoir maléfique. Ainsi, de la perte de repère et dans le passage du mal naît la paranoïa. Pas une goutte de sang, pas une once de gratuité: tout ici semble parfaitement maîtrisé, autant dans sa forme que dans son fond. Mais la maîtrise n'étouffe pas les surprises ni le mystère: la vidéo maudite, par exemple, reste une fascinante enigme, présentant huit tableaux aussi dérangeants les uns que les autres. Un peu à l'image de l'atmosphère générale de ce grand film: fascinant, étrange, effrayant, et assez surprenant.

par Nicolas Bardot

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