Rambo
John Rambo est un héros de la Guerre du Vietnam, errant de ville en ville à la recherche de ses anciens compagnons d'armes. Alors qu'il s'apprête à traverser une petite ville pour s'y restaurer, le shérif Will Teasle l'arrête pour vagabondage. Emprisonné et maltraité par des policiers abusifs, Rambo devient fou furieux et s'enfuit dans les bois après avoir blessé de nombreux agents. Traqué comme une bête, l'ex-soldat est contraint de tuer un policier en légitime défense. Dès lors, la police locale et la garde nationale déploient des moyens considérables pour retrouver le fugitif. Le Colonel Trautman, son mentor, intervient et essaie de dissuader les deux camps de s'entretuer pendant que Rambo, acculé et blessé, rentre en guerre contre les autorités.
A l'origine de Rambo - First Blood, il y a tout d’abord un magnifique scénario adapté du livre de David Morrell (l'auteur de l'excellent Totem et des novelisations de Rambo 2 et Rambo 3), écrit en 1972 alors qu'il assiste à deux reportages télévisés qu'il met en parallèle : l'un sur des émeutes en banlieue new-yorkaise, l'autre sur une offensive américaine au Vietnam. Un livre hargneux, violent, et au destin original : reconnu, salué par des critiques élogieuses, étudié dans les écoles anglophones, réécrit par l'éditeur français qui en modifie la fin, il est progressivement jeté aux oubliettes durant les années 80 en raison de la sortie triomphale de Rambo 2… Triste pour un livre qui, en dépit d'une écriture sommaire, révélait une certaine profondeur dans sa construction et dans sa caractérisation des personnages. Avec l'adaptation, qui tourne à Hollywood durant près de dix ans avant de trouver un producteur (la société naissante Carolco, responsable par la suite de Terminator 2 et Basic Instinct), et l'humanisation du personnage principal, le film perd en violence, en profondeur, ce qu'il gagne en discours et en clarté. Un personnage fort, largement différent de celui du livre, une situation révoltante, il n’en faut pas plus pour imposer une nouvelle icône du cinéma d’action : en quelques plans, quelques lignes de dialogue (émouvante première scène, dans laquelle il apprend la mort de son dernier compagnon de route), Rambo entre dans la légende.
Mais le film, intitulé Premier Sang dans la version originale, va bien plus loin que ce que sa mise en scène, classe mais classique, et son statut de film d’action laissent présager. Rambo, c’est avant tout un personnage touchant et inquiétant, dans sa façon de recréer un espace, un monde, un temps qu'il connaît, qu'il maîtrise : symbole de tous ces ex-bérets verts revenus traumatisés de l’enfer et mal acceptés par une société en pleine mutation, rejeté de la civilisation par un shérif planqué, il redevient une bête sauvage, chassé devenu prédateur, dans des scènes minérales stupéfiantes de violence. Le film aurait pu s’arrêter là, un peu à la manière d’un Traqué de William Friedkin. Mais la suite, véritable idée de génie, présente un nouvel univers que le héros devra façonner, afin de s’y retrouver : cette ville désertée par ses habitants est totalement métamorphosée par Rambo, qui en fait un univers infernal et barbare pour mieux s'y sentir, mieux s’y mouvoir, certains plans (l’ombre de Rambo courant sur les murs) invoquant presque tout un pan du cinéma fantastique. Au demeurant, le monologue final, durant lequel Sylvester Stallone fait preuve d’un talent proprement hallucinant, reste toujours aussi fort politiquement et sentimentalement, aussi triste, aussi émouvant. Voilà ce que l’Amérique a fait. Elle a créé Rambo. A elle d’en payer le prix.