Queen (The)
Royaume-Uni, 2006
De Stephen Frears
Scénario : Peter Morgan
Avec : Mark Bazeley, James Cromwell, Alex Jennings, Helen Mirren, Michael Sheen
Photo : Affonso Beato
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 1h43
Sortie : 18/10/2006
31 août 1997. La mort de Lady Diana cause une vague d’émotion populaire. La Reine Elisabeth II, elle, reste silencieuse. Son nouveau premier ministre, Tony Blair, entreprend de faire sortir la monarchie de son mutisme…
NEW DEAL
C’est avec une audace typiquement anglo-saxonne, et une vivacité d’esprit très british, que Stephen Frears réussit le pari de The Queen. Il n’en fallait pas moins pour donner vie à un sujet tout ce qu’il y a de plus téléfilmique sur le papier. Frears avait déjà mis en scène Tony Blair dans The Deal en 2003, où il relatait les luttes de pouvoir au sein du Parti Travailliste. Ici, il passe au niveau supérieur en s’en prenant directement à la sacro-sainte royauté et la crise que la mort de Diana lui a fait traverser, tiraillée qu’elle était entre son respect des traditions et la soif de modernité incarnée par le nouvellement élu Blair. L’aspect didactique que pourrait revêtir le film est évacué dès les premières scènes, qui s’efforcent de montrer un Blair monsieur-tout-le-monde, stressé comme le serait n’importe qui avant son premier tête à tête avec Sa Majesté. C’est ce sens du détail, cette attention aux gestes, aux situations réalistes, presque maladroites, qui lance le film sur des rails bien moins convenus qu’on ne pouvait le craindre. Politiquement, on en apprend peu, le film se résumant, pour le simplifier à l’extrême, à un ping-pong un peu mécanique entre Downing Street et les palais royaux. C’est humainement que Frears réussit son coup; l’éclectique auteur des Liaisons dangereuses signe moins un brûlot à message qu’une comédie de mœurs enlevée et grave.
TROUBLED BROW
A ce titre, la citation de Shakespeare qui ouvre le film paraît à la fois trop générale et trop réductrice. The Queen est bien plus qu’un traité sur les dilemmes de ceux qui détiennent le pouvoir; c’est avant tout un portrait de femme brossé avec élégance et humour. Sa Reine, telle la Mrs Henderson de Judi Dench, est une femme d’un autre temps, d’un autre milieu, contrainte de s’adapter à un nouvel environnement, de nouveaux codes, un monde entier qui change autour d’elle. En face d’une Helen Mirren en route, à juste titre, pour une nomination à l’Oscar, on retrouve Michael Sheen qui, après The Deal, reprend son rôle de Tony Blair. La Reine et son jeune premier ministre, les deux représentants de clans que tout oppose, l’âge, le milieu, les prérogatives. Un autre que Frears aurait pu tomber dans une opposition manichéenne entre modernité et tradition. Il n’en est rien ici: ses deux protagonistes sont dépeints avec humanité et justesse, comme deux symboles bien plus complexes que leurs cours respectives (la famille royale d’un côté, le cabinet du Premier Ministre de l’autre). Et au milieu de ce duel ouaté, Frears s’offre quelques instants de liberté, tous très inspirés: une chasse au cerf vue depuis les cieux, un Prince Charles qui se recueille silencieusement devant le cercueil de Diana et quelques secondes de paix au milieu de la lande, où la Reine, seule au monde, s’autorise à laisser couler quelques larmes.
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Le scénariste du film, Peter Morgan, avait déjà écrit The Deal. L’homme semble obsédé par les grands de ce monde, puisqu’il est également l’auteur de la pièce Frost/Nixon, qui voit s’opposer l’ancien Président des Etats-Unis à un journaliste. Ron Howard est sur les rangs pour en réaliser une adaptation au cinéma.