Party (The)

Party (The)
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Hrundi V. Bakshi, acteur indien engagé par un grand studio hollywoodien, saccage le tournage et détruit par mégarde l’onéreux décor principal. Blacklisté, il se retrouve suite à un quiproquo invité à la soirée privée de son propre producteur, qui vient de le virer.

C’EST PARTY MON KIKI

Alors que le film ressort ces jours-ci (le 17 novembre 2004 plus exactement) dans les salles parisiennes, c’est surtout l’excellence de l’édition DVD récente qu’il faut aujourd’hui saluer. The Party film culte? Oui, cent fois oui, et cette édition a le mérite d’expliquer en long et en large, par le biais de documents savoureux et passionnants, les raisons d’un tel engouement. Pour les comprendre, il faut remonter à la genèse même du film, à sa création, sa production, et au désir du cinéaste – dont c’était le dix-septième film – de retrouver pour la troisième fois son alter ego cinématographique Peter Sellers autour d’un concept simple: comment parasiter ces fameuses soirées privées hollywoodiennes dont tout le monde parle sans y avoir jamais assisté. Unique collaboration hors-Panthère rose entre l’acteur et son metteur en scène, The Party a été pensé, imaginé, écrit, réalisé par le second autour du premier, qui laisse libre court à son génie absolu de l’improvisation dans les 99 minutes du film. Selon les sources, on parle d’un scénario de quarante pages… ou de soixante-trois. L’un ou l’autre, cela reste excessivement court, et ce script s’apparentait plutôt à un canevas sommaire et caustique de "l’histoire", que Sellers avait pour mission d’écorner un peu plus à chaque nouvelle scène. A Blake Edwards de suivre son trublion au travers d’un décor coloré et cartonné (le plus cher – 200 000 dollars - jamais construit à Hollywood à l’époque), à l’aide notamment d’une innovation technologique sur laquelle nous reviendrons. Visuellement et scénaristiquement, The Party est une mini révolution dans laquelle la perfection de cadrages minutieusement étudiés à même le plateau n’a d’égal que la rigueur mathématique d’un dispositif dans lequel chaque gag renvoie à un autre, chaque situation s'enchaîne à la suivante dans une logique en apparence brouillonne, mais au final totalement infernale. Le résultat, une perle absolue au niveau de l'agencement des gags, et de la façon de les inscrire dans le plan.

MEN IN BLAKE

Génie de l’improvisation au talent comique évident, Peter Sellers est celui sans qui le film n’existerait pas. Il n’est pas question ici de minimiser le rôle de Blake Edwards, dont la tâche était des plus ardues: suivre dans ses délires les plus rocambolesques, par le biais d’un matériel technique sophistiqué, l’acteur dans ses moindres délires. Mais force est de reconnaître que The Party a été conçu entièrement autour de l’acteur. Décédé prématurément il y a maintenant 24 ans, ce comédien anglais reste la référence sans cesse citée par les comiques actuels. Mike Myers, et son Austin Powers, lui doit tout, et il ne s’en cache pas: "Le personnage d’Austin Powers, explique t-il, est un hommage à mon père. Lequel nourrissait une véritable admiration pour Peter Sellers… Comme moi". Woody Allen et Michael Palin, cofondateur des Monty Python, ne tarissent pas non plus d’éloge sur l’interprète des trois rôles principaux de l’extraordinaire Dr. Folamour de Stanley Kubrick. Principalement connu et admiré pour son rôle légendaire de l’inspecteur Clouseau dans les épisodes de La Panthère rose (sous la direction, déjà, de Blake Edwards), Hrundi V. Bakshi reste le personnage sans doute le plus admirable et le plus marquant de cet acteur caméléon habitué aux rôles multiples et changeants - voir celui de Clare Quilty dans Lolita, également de Kubrick. Dans The Party, le pari consistait à laisser entrevoir, sous les traits caricaturaux du personnage, derrière cet accent proprement hallucinant, une réelle sensibilité, une courtoisie à toute épreuve, susceptible de déstabiliser ses interlocuteurs ainsi que le spectateur. Les dialogues, qui sont tous sans exception à retenir, aident ainsi à dessiner un caractère doux et amer, contrastant avec celui carnassier de la plupart des invités. On n’oubliera pas de sitôt les fameux "birdy num num" et autre "Wisdom is the province of the aged, but the heart of a child is pure".

PARTY DE PLAISIR

La réalisation du film s’articule autour de trois pôles: Sellers, évoluant dans un décor modulable et suivi par une caméra mobile. C’est justement sur ce dernier point que le film fait réellement date dans l’Histoire du cinéma, puisqu’il est le premier à utiliser un retour vidéo à même le plateau. Auparavant, les caméras vidéos, plus légères et permettant une projection immédiate des images filmées, étaient utilisées sur les plateaux mais sous des angles différents de ceux cadrés par la caméra principale. Pour la première fois, grâce à une technologie développée pour le cinéaste, la caméra vidéo est intégrée à la caméra principale, et le moniteur vidéo peut ainsi diffuser exactement les images tournées pour le film. Technique utilisée aujourd’hui encore sur la plupart des tournages. Blake Edwards explique dans certaines interviews que Peter Sellers, perfectionniste au possible, se montrait absolument fasciné par le moniteur et qu’il souhaitait systématiquement visionner le plan tourné pour en déceler les éventuels défauts de jeu. Historiquement, The Party fait donc date, et la caméra créée pour l’occasion a ensuite été louée et utilisée par des dizaines d’autres réalisateurs, la demande étant telle que ses créateurs, pour la satisfaire, ont dû en céder les brevets à leur maison de production. C’est l’adéquation des facteurs humains (artistiques) et techniques qui ont propulsé cette comédie au rang de culte incroyable qu’il occupe aujourd’hui. Porté par une frénésie interminable de gags savoureux et minutieusement mis en scène, The Party est sans doute le plus grand film comique de l’Histoire, une œuvre proprement hallucinante qui peut toutefois rebuter par la lenteur, la préciosité et la mise en place de son dispositif.

par Anthony Sitruk

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