Nouveau monde (Le)

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Nouveau monde (Le)
The New World
États-Unis, 2005
De Terrence Malick
Scénario : Terrence Malick
Avec : Christian Bale, Colin Farrell, Q'Orianka Kilcher, Christopher Plummer, August Schellenberg, Wes Studi, David Thewlis
Durée : 2h16
Sortie : 15/02/2006
Note FilmDeCulte : ******
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En 1607, des colons britanniques investissent Jamestown, le "Nouveau Monde", mais se heurtent aux tribus indigènes. Prisonnier du chef Powhatan, le capitaine John Smith est sauvé in extremis par une fascinante jeune fille, prénommée Pocahontas.

L’EMPIRE DES SENS

Sept ans après la vertigineuse Ligne rouge, Terrence Malick signe un nouveau chef-d’œuvre élégiaque et philosophique, une réflexion divinement filmée sur la question de la civilisation, le pouvoir de l’amour et le rapport de l’homme à la nature. L’auteur des Moissons du ciel possède un don unique. Personne, aujourd’hui, ne capte comme lui l’essence même du cinéma, ne filme une brindille comme un personnage à part entière, ne se moque autant des règles narratives en vigueur. En adaptant l’histoire d’amour fondatrice de l’Amérique entre Pocahontas et John Smith, Terrence Malick prenait pourtant un risque, celui de se perdre dans la fade illustration historique, de ne mettre en scène que le décorum. L’insensée réussite du Nouveau Monde, le plus beau film de ce nouveau millénaire, soyons définitif, tient dans le fragile équilibre entre le respect à la légende et son interprétation poétique. Malick réussit à raconter une passion intime et à toucher à l’universalité, à raconter le destin d’une jeune femme et celui de l’humanité. Maelström de sensations, film-trip d’une perfection absolue du premier au dernier plan, Le Nouveau Monde tient du miracle, du tour de magie d’un cinéaste au sommet de son art.

L’AUTRE RIVE

L’ouverture du Nouveau Monde est digne de celle d’un opéra. Trois bateaux entrent dans la baie de Chesapeake alors que résonne L’Or du Rhin de Richard Wagner. Très vite, Terrence Malick abandonne les colons pour s’intéresser aux Indiens qui guettent, avec excitation et curiosité, l’avancée majestueuse des navires comme on guette l’arrivée des Dieux. Parmi eux, une jeune fille au visage si doux scrute l’horizon, le regard mélancolique. Sait-elle déjà qu’elle va précipiter, par sa bonté d’âme et ses élans du cœur, la chute de son peuple? Aidé par le travail magnifique du chef opérateur Emmanuel Lubezki (Sleepy Hollow), Malick traduit les doutes et les espoirs des émigrants arrivés en terre promise. Il montre un paradis perdu, un monde apaisé, des forêts immenses, des marécages sans fin, des étendues d'herbe. Tourné en 65 mm, Le Nouveau Monde est une symphonie pastorale dédiée à la nature américaine. La première heure, quasi muette, est à peine troublée par les pensées de John Smith et les éclats de rires de Pocahontas. Telle une balade hypnotique dans un territoire sauvage que l’homme n’a pas encore conquis.

LE CHOC DES CIVILISATIONS

Le film trouve sa respiration dans les battements de cœur de la jeune femme. La narration s’accélère quand elle tombe amoureuse de John Smith puis se fige quand les amants sont séparés. Cinéaste de la rupture de ton et de l’échappée lyrique, Malick se permet tout. Des séquences magnifiques d’une naïveté confondante, des plans de béatitude en harmonie avec l'environnement. Il ne met pas en scène une vérité mais un mystère de nature divine. Le réalisateur de La Balade sauvage a toujours laissé une grande liberté aux acteurs pour composer leurs personnages et se contente, sur les tournages, de saisir des bribes de vie et de dialogue. Une méthode qui atteint la perfection avec le Nouveau monde. Malick filme les mains, les regards, les corps et tout discours devient superflu. Excellent directeur d’acteur, il offre des rôles en or à ses interprètes. Si Colin Farrell (Alexandre) et Christian Bale (Batman Begins) sont parfaits, c’est bien sûr Q’Orianka Kilcher, présence magnétique, qui crève l’écran. Inconnue jusqu’alors, la jeune actrice sera à jamais la frêle silhouette qui porte sur ses épaules le destin d’une civilisation.

WE ARE THE FLOOD

Résumer Le Nouveau Monde à une simple histoire d’amour contrariée magnifiée par la beauté des images serait réducteur. Terrence Malick, poète-philosophe amoureux de l’œuvre d'Henry David Thoreau, expose de nouveau sa vision de l’humanité. Le monologue intérieur de John Smith rappelle ceux des soldats de La Ligne rouge, ou le discours de Bill dans Les Moissons du ciel. Même désir de tout reconstruire à zéro, de comprendre les errements de la nature humaine. D’inspiration rousseauiste, même si Malick ne cache pas la volonté des Indiens de massacrer les colons s’ils s’installent définitivement sur leur territoire, Le Nouveau Monde oppose culture collectiviste, celle des autochtones, en communion avec la nature, et inspiration individuelle, représentée par les querelles de pouvoir et la quête de la propriété. "La terre appartient à celui qui la cultive", affirme même l’un d’entre eux en guise de menace. L’amour exclusif de Pocahontas pour John Smith ("Je suis, je suis, clame-t-elle) répond à la logique des seconds et provoquera la perte des siens. Dans un sublime revirement, elle aussi débarquera dans un nouveau monde, l’Angleterre. Pays dans lequel la nature est domestiquée, les arbres sont bien taillées mais où chacun ne vit que pour soi et regarde l’autre comme une bête curieuse (Pocahontas croise le regard compréhensif d’un grand homme noir - superbe scène). Film-fleuve envoûtant, démonstration de la force du cinéma avec une utilisation magistrale de la musique, Le Nouveau Monde est bien la nouvelle rêverie panthéiste d’un artiste hors du commun et hors du temps.

par Yannick Vély

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