Metropolis
Allemagne, 1927
De Fritz Lang
Scénario : Fritz Lang, Thea von Harbou
Avec : Alfred Abel, Gustave Froehlich, Brigitte Helm, Rudolf Klein-Rogge, Theodor Loos, Fritz Rasp
Durée : 2h33
Johhan Fredersen dirige de main de maître la cité Metropolis. Cette ville est partagée en deux secteurs: d'un coté la ville haute, où vivent dans la richesse les quelques élus, et de l'autre la ville basse, qui abrite les ouvriers permettant aux machines qui donnent la vie à la métropole de fonctionner. Un jour, Freder, fils de Fredersen, rencontre Maria, habitante de la ville basse et découvre la misère de cette partie de la ville et le fonctionnement de Metropolis. Il décide donc d'aller parler à son père au nom des travailleurs, sans succès. Afin de reprendre le dessus sur les ouvriers, Fredersen décide donc de créer un robot, reproduction parfaite de Maria, qu'il pourra contrôler et envoyer semer la terreur dans la ville.
THEMES ET CONTEXTE
Dans cette réalisation, Fritz Lang aborde, et très probablement crée, deux des thèmes principaux de la science-fiction telle que nous la connaissons aujourd'hui: l'intelligence artificielle et la perte du contrôle des hommes sur leurs créations technologiques. Thèmes récurrents tout au long de l'histoire du cinéma de science-fiction (Blade Runner, 2001: L'odyssée de l'espace, Matrix…), ils sont ici représentés par Futura, une androïde qui échappe très vite au contrôle de son maître. Mais Lang ne s'arrête pas là, il réutilise, par exemple, le mythe de Frankenstein (repris de nombreuse fois dans l'histoire du cinéma et dernièrement dans Le Cinquième Elément de Luc Besson), qu'il met en scène lors de la création de Futura. L’œuvre de Lang vaut autant par son esthétisme expressionniste que par les thèmes qui y sont présentés. Ainsi, historiquement placé dans le mouvement expressionniste allemand, Metropolis ne déroge pas à la règle mais laisse une place à une représentation plus réaliste des choses. Le contexte économique et social est très important pour bien comprendre les productions allemandes des années vingt. Les personnages monstrueux, les décors totalement factices et les éclairages fortement dramatiques marquent le traumatisme de cette Allemagne meurtrie, dévastée et apeurée. Cette peur se ressent dans les films qu'elle produit. Dans cette situation, les producteurs allemands, et notamment Pommer pour la UFA, tentent de distribuer leurs films aux Etats-Unis. Mais pour cela, les productions germaniques doivent pouvoir rivaliser avec celles du nouveau continent. Metropolis sera le fer de lance de cette grande manœuvre, et Fritz Lang recevra tous les moyens qu'il désirait (le budget du film avoisina les cinq million de Marks). Echec en Allemagne et passé inaperçu au Etats-Unis (à cette époque les films parlants faisaient leur apparition), Metropolis ruina finalement l'UFA, qui ne s'en remit pas.
LA GENESE
C'est en voyant New York une nuit de 1924 que Fritz Lang fut impressionné par l'immensité des bâtiments et de la ville. C'est là que pour la première fois, il pensa à une gigantesque cité qui devint plus tard Metropolis. C'est sa femme, Thea von Harbou, qui se chargea du scénario après en avoir écrit le livre. La suite est beaucoup moins belle. La montée du nazisme pousse Fritz Lang à fuir son pays alors que Thea Von Harbour, dont les penchants pour les idéologie hitlériennes étaient connus, resta en Allemagne et y occupa une place importante. Dans son film, Fritz Lang tente de mettre en garde contre les méfaits de l’évolution technologique, à l'origine, selon lui, d’un probable esclavagisme de l’homme par la machine. Très négatif dans son ensemble, Metropolis se termine bien, au grand malheur de son réalisateur, ce qui lui valut d’être considéré comme une apologie du socialisme. De nos jours, il est plutôt vu comme un cri d’alarme face à la montée du nazisme dans son pays. Ce film, bien ancré dans son époque, a très bien vieilli et, quelques quatre-vingt ans plus tard, est même plus d’actualité que Lang lui-même aurait pu le penser. La fiction d’une époque devient parfois la réalité d'une autre.
En savoir plus
Il y eu quatre versions du film Metropolis : - 1927, le montage d'origine (probablement perdu a jamais), pour la première a Berlin. - 1927, suite à la censure, un montage réduit est finalement projeté en Allemagne et ailleurs. - 1983, après les travaux de restauration effectués à Munich, le musicien Moroder remonte le film en essayant d'être le plus fidèle possible a l'œuvre originale de Fritz lang. Pari réussi. - 2001, la dernière version en date. Totalement restaurée, cette version s'inspire énormément de l'original, en y rajoutant même les cartons de transition présents dans les films muets. On regrettera seulement que ces cartons soient en anglais et non en allemand comme dans l'œuvre originale.
Fritz Lang regretta toute sa vie la fin de son film et ne l'assumait absolument pas. Il l'a trouvé totalement irréaliste: "Je n'aime pas Metropolis. C'est faux, la conclusion est fausse, je ne l'acceptais déjà pas quand je réalisais le film" (Les Cahiers du cinéma, septembre 1959)