Ma vie avec Liberace

Ma vie avec Liberace
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Ma vie avec Liberace
Behind the Candelabra
États-Unis, 2013
De Steven Soderbergh
Scénario : Richard LaGravenese
Avec : Matt Damon, Michael Douglas
Durée : 1h58
Sortie : 18/09/2013
Note FilmDeCulte : *****-
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Avant Elvis, Elton John et Madonna, il y a eu Liberace : pianiste virtuose, artiste exubérant, bête de scène et des plateaux télévisés. Liberace affectionnait la démesure et cultivait l'excès, sur scène et hors scène. Un jour de l'été 1977, le bel et jeune Scott Thorson pénétra dans sa loge et, malgré la différence d'âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. 'Ma Vie avec Liberace' narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.

THE GREAT LEE

Il y a sept ans, un film indépendant américain racontant une histoire d’amour entre deux hommes rencontrait une popularité inattendue et internationale, jusqu’à se retrouver nommé aux plus hautes marches des Oscars. L’espoir fou que Brokeback Mountain allait changer les choses et ouvrir la voie à plus de visibilité queer à Hollywood était légitime. C’est tout l’inverse qui s’est produit. Aucun studio de cinéma américain n’a souhaité produire le nouveau film de Steven Soderbergh, dès lors contraint à être directement diffusé à la télévision. Réalisateur populaire et crédible et casting de stars n’ont pas suffi face à un sujet devenu, semblerait-t-il, encore plus tabou et risqué. Félicitation à Thierry Frémaux d’avoir mis en lumière le film en le plaçant directement en compétition. HBO ou pas, Ma vie avec Liberace est en effet avant tout un vrai film de cinéma. Non pas un simple biopic du showman de Las Vegas mais bien l’émouvant récit d’une histoire d’amour. Si la facture du nouveau Soderberh semble classique, son audace est bien là : dans sa manière de vouloir faire un mélo amoureux gay, de donner à, coup de budget et de stars, des lettres de noblesses cinématographiques à une histoire d’amour entre deux hommes. Dans combien de films hollywoodiens mainstream peut-on voir prises au sérieux des questions de couples gay (sexualité, fidélité, légalisation des unions)? Dans combien peut-on entendre autant de référence à la culture queer, de Charo à I Love Lucy ? Qui d’autre à Hollywood que Soderbergh aurait pu (et voulu) se donner les moyens de le faire ?

Mais Ma vie avec Liberace n’est pas qu’un mélo, et pioche souvent dans la comédie avec un dosage presque parfait. Soderbergh se permet juste ce qu’il faut d’humour pour montrer qu’il a conscience de la partie ridicule du personnage éponyme (sorte de mélange de Michou et Liza Minnelli habillé par Cher) sans tomber dans la moquerie, sans jamais cesser de le prendre au sérieux. Michael Douglas livre une performance exceptionnelle en trouvant lui aussi la nuance idéale : flamboyant sans jamais tomber dans la caricature, ses excès sont à l’image de ceux du personnage. Liberace provoque évidemment un certain éblouissement, qui est autant celui des spectateurs que celui du personnage interprété par Matt Damon. Ma vie avec Liberace ressemble d’ailleurs à une adaptation gay de Gatsby le magnifique dans laquelle la fascination virile et amicale entre Nick et Jay se transformerait en fascination amoureuse. Même monde clinquant de paillettes, même alcool coulant à flot, même solitude derrière les costumes à plumes rococo. Un peu de Dorian Gray aussi dans la tragédie de ces deux amants déconnectés de la réalité et isolés dans leur casino doré, où tout est toujours question d’apparences. Le talent de Soderbergh en matière de storytelling est ici au service d’une histoire de solitude assez bouleversante, où il faut sans cesse sauver la face. Lorsque l'on tente de gratter la surface ou carrément de briser la glace, on ne se retrouve que face à une peinture qu’on ne parvient même pas à tacher. Quand on touche le jackpot, la machine à sous ne crache que du vide. Les ritournelles jazzy illustrent en réalité des scènes de boucherie et l'on dégueule, seul dans la nuit dans sa fourrure de raton-laveur. Une réussite.

par Gregory Coutaut

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