Lost Highway

Lost Highway
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Fred Madison se produit chaque soir dans une boîte de nuit et mène apparemment une vie paisible avec sa femme Renee. Un matin, Renee découvre dans son courrier une cassette vidéo contenant des vues de sa maison, d'abord extérieure puis intérieure. Fred commence alors à cauchemarder jusqu'à ne plus faire de différence entre une réalité paniquée et un irréel onirique. Par ailleurs, son existence est menacée par l'apparition d'un homme à l'identité mystérieuse. Un soir, il rêve qu'il découpe sa femme en morceaux et finit condamné à mort. Il réussit à disparaître de sa cellule et un autre jeune homme prend sa place. Mais est-ce vraiment un songe?

"Pour moi, il y a plus d'un mystère dans Lost Highway. Un mystère est ce qui se rapproche le plus du rêve. Le simple mot mystère est excitant. Les énigmes,les mystères sont merveilleux, jusqu'à ce qu'on les dévoile. Je crois donc qu'il faut respecter les mystères."

"A cause des conventions hollywoodiennes, il faut transformer le rêve en quelque chose que le public puisse comprendre. Pourtant tout devient si ennuyeux quand le film commence à avoir trop de sens."

Paroxysme du genre lynchien par excellence, le thriller fantastico-schizophrénique, en incessante quête d'une vérité multiple, d'une déstabilisante recherche de compréhension sous forme de tempête cataclysmique sous un crâne malade. Comment essayer de discerner les lois du genre lorsque ce genre n'existe justement pas? Trip sous acide, collage délirant entre l'organique et le minéral, multiplicité labyrinthique, Lost Highway a réinventé le cinéma, au milieu de l'avant et de l'après, atomisant toute logique. Le film sur le principe d'une temporalité déphasée où la capture de certains événements, donnés à voir avant même qu'ils se soient produits, précède parfois leur accomplissement. En somme, l'exemple type de l'oeuvre à la psychologie en deux dimensions.

Tissant une toile saccadée où le spectateur est forcément mis dans une situation de voyeur dérouté devant cet engrenage fondé sur l'isolation sensorielle, inexprimable et touchant presque à l'ésotérisme, l'intrigue voilée et conspiratrice de ce cauchemar grandeur nature (on nous cache tout, on nous dit rien... De quoi finir totalement parano, d'autant plus que certains effets glacent les sangs sans crier gare) gagne à être revue pour réussir à atteindre cet infime état de réceptivité qui permet de capter chaque fois un petit plus, tout en restant dans le flou le plus hagard. Le dictat de scènes mentales extraordinaires amplifie un effet d'enfer extatique où l'ultra-expérimental griffé Lynch s'affirme comme un remède à tout critère mettant en danger la puissance d'un imaginaire jamais rassasié, vecteur traumatique de sensations événementielles.

Construisant ses méthodes narratives comme un morceau musical enclin à tout larsen, cherchant l'atmosphère et la tonalité perturbante, Lynch se pose en scientifique sensoriel concotant ses lois de l'esthétique aux combinaisons infinies et instinctives. Bric-à-brac underground, d'une violence destructrice et d'un nihilisme contrasté, la bande originale du film joue également sur les ruptures et les variations. Gigantesque mix entre le dub, le jazz, l'easy leastening, le rock et le trip hop, ce voyage sonore entre directement dans un univers angoissant par un Bowie dérangé, radicalisé brutalement par du Ramstein ou la décadence de Kraftwerk. Déjouant les dédales de la mythologie hollywoodienne, ce coït interromptu entre fond et forme célèbre le triomphe de l'émotion plastique des obsessions virtuelles d'un cinéma métamorphosé, désagrégeant temps et espace.

par Yannick Vély

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