Larry Clark: Great American Rebel

Larry Clark: Great American Rebel
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Larry Clark: Great American Rebel
France, 2003
De Eric Dahan
Avec : Larry Clark, Leo Fitzpatrick, Mark Gonzales, Tiffany Limos, Gus Van Sant, John Waters
Durée : 56m
Sortie : 01/01/2003
Note FilmDeCulte : ****--

A l’occasion d’une exposition rétrospective sur la carrière de Larry Clark, le documentariste Eric Dahan va à la rencontre du photographe-cinéaste et de son univers.

EROTOSCOPE

"Il y a des photographes simplement nuls, comme Larry Clark; certains peintres, à vrai dire, ne sont pas très brillants non plus; par quelque bout qu'on le prenne, Picasso ne sera jamais qu'un esprit superficiel doublé d'un pitre. Un pitre fade, de surcroît. Bettina Rheims, au moins, est excitante, on peut réellement se branler sur ses photos; mais ont-elles une valeur artistique? Je n'en étais pas tout à fait sûr, celle nuit-là, et c'était très troublant. Car pourtant la photographie est un art, je n'ai jamais eu le moindre doute là-dessus; et d'ordinaire, lorsque je me branle en utilisant un livre ou un film, ça me paraît plutôt un bon indice de leur qualité artistique". C’est sans doute par crainte de ce genre d’inepties (issues en l’occurrence de la plume fatiguée d’un Michel Houellebecq en mal de polémique, pour la préface d’Erotoscope de Tomi Ungerer) que Larry Clark s’est toujours refusé à se laisser regarder de trop près. L’œuvre se suffit à elle-même. L’œil du cinéaste se livre, mais ne se montre pas. Et que plaise aux chiens d’aboyer, la caravane passait cependant. C’est donc déjà un petit exploit de la part d’Eric Dahan, qu’il convient d’applaudir, que d’avoir réussi à amadouer le Great American Rebel. Et de quelle manière.

NUITS BLANCHES A NEW-YORK

On connaît peu Eric Dahan. On se souvient d’avoir croisé ses chroniques arrosées "Nuits Blanches" dans Libération. On sait l’homme fasciné par la marginalité (David Bowie, Paul Morrissey, John Waters…). On sourit en lisant le nom de l’association qu’il préside, "Le Serpent Foundation for Young People who Deserve our Full and Utmost Attention" (LSFYPDFUA). On n’en sait guère plus, et c’est bien assez. Car Dahan ne parle pas de lui, mais de ce qu’il aime, de ce qui le touche, de ce en quoi il croit. De fait, Larry Clark: Great American Rebel est de ces documentaires suffisamment rares pour en devenir un tant soit peu précieux. A mi-chemin entre l’hagiographie polie façon Canal+ et le docu rentre-dedans à la "Cinéastes de notre temps", Great American Rebel est un objet fascinant parce qu’inédit, bien sûr, mais également par sa densité. Dahan livre évidemment ce qu’on attend de lui, à savoir du Kids, du Another Day in Paradise, du Bully et du Ken Park. Quelques anecdotes de tournage. Du biscuit. Mais il ne se contente pas de dérouler la bio de Clark et de l’illustrer, documents à l’appui, en s’extasiant sur la force artistique de son sujet. Au contraire, les extraits sont relativement rares, et est surtout mis en avant ce que l’on connaît moins. L’occasion de nous souvenir qu’avant d’être un cinéaste, révélé sur le tard, à 50 balais, l’homme savait manier un appareil photo (les images qui illustrent cet article en attestent). Et de découvrir un extrait de Teenage Caveman, téléfilm d’horreur apparemment bien barré, tourné pour HBO (chaîne câblée américaine), et encore inédit par chez nous.

SYMPATHY FOR THE DEVIL

Mais la vraie force du documentaire réside dans sa proximité avec l’univers de Clark. Plutôt que d’observer l’homme au travail, Dahan choisit de se mêler à la sphère intime du presque soixantenaire assagi, à l’occasion d’une expo-rétrospective autobiographique, "Punk Picasso" (un "esprit superficiel" doublé d’un punk?), menée en juin dernier à la Galerie Luhring Augustine de New York. Ce n’est donc plus seulement Clark qu’on écoute, mais également ses proches, ses acteurs, ses admirateurs… Gus Van Sant, John Waters, Mark Gonzales, Leo Fitzpatrick, Tiffany Limos, et tant d’autres… En un mot, son inspiration. Car Clark l’avoue lui-même: "Je n’ai pas d’imagination". Il est toujours ce photographe du réel. La légère nuance étant que désormais ses images bougent, parlent et palpitent. On y revient, donc: l’œuvre de Clark, puisque reproductive, suffit à comprendre le bonhomme. Mais pour s’en assurer, il fallait endiguer le tumulte sulfureux de cette œuvre dans une enceinte solide, d’une tranquillité sans doute paradoxale, mais tellement nécessaire. En témoignent les dernières images du documentaire. Serein, clean, survivant, Clark le rebelle prend le frais dans un parc au soleil couchant, en compagnie de sa jeune girlfriend et d’une meute de chiens. D’une voix posée, l’artiste clame son besoin de filmer. Rien de plus. Ce qui tombe bien: c’est tout ce qu’on lui demande.

par Guillaume Massart

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