Larmes de clown
He Who Gets Slapped
États-Unis, 1924
De Victor Sjöström
Scénario : Victor Sjöström, Carey Wilson
Avec : Lon Chaney, Norma Shearer
Photo : Milton Moore
Durée : 1h20
Un brillant scientifique est trahi par son ami qui lui vole le fruit de ses recherches et les présente à sa place à l’Académie des sciences. Comme il s’insurge, l’imposteur le fait passer pour fou et le gifle. Les académiciens s’esclaffent. Alors, riant aux larmes, pour survivre à la fracassante douleur, il devient sous un chapiteau « le clown qui reçoit des gifles ».
LA VENGEANCE D'UN CLOWN
A plus d’un titre, la naissance de Larmes de clown constitue un moment clef. La MGM vient alors d’être fondée, et ces Larmes… est le premier film qui y est produit. Le studio, qui a préféré patienter pour sortir le long métrage à une date parfaite, a préparé et diffusé d’autres films en attendant, mais c’est au début de Larmes de clown qu’apparaît pour la première fois le légendaire logo du lion rugissant. Une quasi-première, également, pour Victor Sjöström. Sjöström, devenu Seastrom aux Etats-Unis, a alors derrière lui une dizaine d’années de mise en scène, d’écriture et de jeu en Suède. Il vient d’arriver en Amérique, peu après avoir signé l’un de ses films les plus marquants (La Charrette fantôme), et Larmes de clown est son premier projet d’envergure après l’essai Name the Man. Première rencontre également entre la toute jeune Norma Shearer et la MGM, dont elle deviendra l’une des vedettes. Adapté d’une pièce du Russe Leonid Andreïev, Larmes de clown suit la chute sociale, la perte de dignité d’un scientifique qui, humilié, devenu clown malgré lui face à ses confrères, décide de devenir clown pour de bon, sous un chapiteau où bouffonnerie et pathétique se côtoient.
Tragique allégorie : en une superposition, un fondu enchainé, le globe terrestre, entouré de clowns, devient la piste aux étoiles, où les saltimbanques gigotent et grimacent devant un public hilare – la scène est le monde. Le maquillage de clown ne trompe personne : que sont ces gifles si ce n’est l’expression pathétique, l’humiliation sans cesse revécue, masochisme expiatoire d’une défaite, sociale ou amoureuse. Lon Chaney, dans le rôle de lui, qui se fait gifler (le titre original du film), impose sa gueule cassée au cœur d’une armée de clowns plus inquiétants que drôles, rire bonhomme ou rire possédé, mimant la mise à mort mais ne s’agit-il vraiment que d’un jeu ? A cette intrigue se greffe un triangle amoureux dont le clown est forcément exclu (Un instant, j’ai cru que tu étais sérieux, lance la jeune acrobate à son admirateur grimé), renforçant son statut de figure sacrificielle. Perdant magnifique, mais perdant malgré tout.