Je t'aime, je t'aime

Je t'aime, je t'aime
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
  • Je t'aime, je t'aime
  • Je t'aime, je t'aime

Après une tentative de suicide, Claude Ridder se prête à une expérience scientifique : un voyage dans le temps. Il est ainsi projeté dans son passé, et se retrouve heureux, auprès de sa femme Catrine, un an auparavant...

REMIX TEMPOREL

Film étrange dans la filmographie d'Alain Resnais. Maudit, également: sélectionné pour le Festival de Cannes en 1968, il n'avait pu être présenté au public en raison des événements de mai, et ne sortit que plus tard, dans l'indifférence générale. Resnais resta ainsi six ans sans tourner. Finalement, il sortit de sa retraite en 1974, en répondant à l'appel de Jean-Paul Belmondo pour tourner Stavisky. L'étiquette de "cinéaste intello" colle à la peau d'Alain Resnais, pourtant c'est aussi un réalisateur qui, par ses goûts éclectiques (chansons populaires, bd, culture anglo-saxonne...), s'intéresse aussi aux films de genre. La preuve avec ce film, où Resnais s'attaque à la science fiction, une SF adulte contenant des concepts philosophiques (sur le temps, l'éternel retour) proches de ceux du court métrage mythique, La Jetée, de son ami Chris Marker.

Cette oeuvre, comme son titre l'indique, est aussi l'histoire d'amour d'un couple qui va peu à peu se déchirer. Malheureusement, par un effet de remix temporel, cette histoire, Ridder, tel Sisyphe, va devoir la revivre indéfiniment. En effet, enfermé dans une machine temporelle (ressemblant à une citrouille géante désignée par Jean-Claude Forest), Ridder, cobaye volontaire, est envoyé par les scientifiques dans son passé pendant une minute. Il choisit une minute parfaite, un instant de bonheur avec sa femme Catrine, à la mer. De ce refuge temporel, il ne veut plus sortir. C'est à partir de là que l'expérience cafouille, déraille, et Ridder se retrouve à revivre d'autres moments de son existence, ayant tous un rapport avec Catrine. Son imagination, ses fantasmes vont eux aussi se mêler à ces bribes de passé, l'entraînant ainsi vers sa perte.

Le scénario, écrit avec l'écrivain belge de SF Jacques Sternberg, auteur de La Géométrie de l'impossible et de nouvelles dans la revue Fiction, explore les thèmes favoris de Resnais, certains étant très proches de ceux de Mon Oncle d'Amérique. Claude Rich, comme Depardieu, sont des cobayes manipulés par la société. D'ailleurs, sur la plage, pendant ce fameux instant de bonheur, Catrine trouve une souris blanche, symbole même du cobaye, que l'on retrouvera plus tard dans Mon Oncle d'Amérique. C'est aussi une oeuvre expérimentale, avec son récit éclaté refusant toute linéarité dans la narration. Pour cela, Resnais utilise un montage poétique, aléatoire. On revoit ainsi plusieurs fois les mêmes séquences, avec parfois de légères modifications. Quant à l'interprétation de Claude Rich, elle est remarquable, très loin des rôles qu'il tenait à l'époque dans Oscar ou Les Tontons flingueurs. Un film de SF français méconnu, conceptuel, et étrange. A (re)découvrir donc.

Ghislain Vigouroux

par Palpix

Commentaires

Partenaires