J'ai rencontré le Père Noël
France, 1984
De Christian Gion
Scénario : Christian Gion, Didier Kaminka
Avec : Emeric Chapuis, Karen Chéryl, Dominique Hulin, Armand Meffre
Photo : Jacques Assuérus
Musique : Francis Lai
Durée : 1h19
Les parents du jeune Simon ont été enlevés en Afrique et le gouvernement n'a pas répondu à l'ultimatum posé par les ravisseurs voici quelques mois. Alors que Noël approche et que les enfants préparent leurs listes de cadeaux, Simon n'a qu'un seul souhait dans sa lettre au Père Noël : retrouver ses parents. À l'occasion d'une visite de l'aéroport de Roissy, Simon fausse compagnie à son institutrice et embarque avec son amie Élodie dans un avion à destination de Rovaniemi où, d'après leur institutrice, habite le Père Noël ...
LE PÈRE NOËL A LES BOULES
J'ai rencontré le Père Noël a sa place bien au chaud au panthéon des meilleurs pires films de l'histoire. Comme les meilleurs pires films de l'histoire, J'ai rencontré le Père Noël est plein de bonnes intentions. Il a aussi cette inconscience permanente qui donne l'impression que tout le monde, sur le tournage, était dans un état second, cette folie qui fait les chefs d'œuvre de ce mauvais genre: J'ai rencontré le Père Noël est un nanar qui a la grâce. A l'origine, il y a une volonté de créer un conte classique et éternel, avec un héros quasi-orphelin (ses parents ont été kidnappés), une bonne fée (interprétée par une Karen Cheryl on fire), un ogre (joué par Dominique Hulin, qui sera à nouveau employé comme ogre 17 ans plus tard dans Le Petit Poucet d'Olivier Dahan, un film beaucoup moins drôle) et un Père Noël vivant bien entendu en Laponie. Mais quand ce sommet de périlleux premier degré est piloté par le réalisateur, entre autres, des Diplômés du dernier rang ou du Bourreau des coeurs avec Aldo Maccione, on sent très vite que la porte est grande ouverte à tous les dérapages les plus improbables.
Dès le début, la laideur extraordinaire de l'image, l'interprétation de Karen Cheryl qui joue son rôle d'institutrice (car il y a double ration de Karen Cheryl dans ... le Père Noël) comme si celle-ci avait des crabes dans la culotte, l'horreur absolue des chansons (les tubes de la carrière perso de Cheryl, de La Marche des machos à l'inaltérable A l'envers à l'endroit, passent pour du Debussy à côté des morceaux du film), sont autant d'indices d'un joyeux naufrage. Un désastre de grande ampleur qui tache et éclabousse comme un saut à pieds joints dans des chiottes bouchées. Et même si, à ce stade, J'ai rencontré le Père Noël est déjà con comme Pluton, le décrochage ultime, le point de non-retour, a lieu lorsque le jeune héros, accompagné d'une copine, débarque dans l'atelier aux jouets du Père Noël. La fée (Cheryl, encore elle) nous fait découvrir malgré elle l'envers du merveilleux décor. Sa chanson se veut louange à la magie de Noël, hommage aux petits lutins travailleurs. Mais ladite fée, plus Laurence Parisot qu'Arlette Laguiller, se transforme en passionaria capitaliste, réclamant "rendement", traitant, violence ultime, les hideux enfants-lutins du Père Noël, je cite, d'"étourneaux". Surtout, "pas de feignants, de tire-au-flanc", ceux-là n'ont pas leur place dans le tableau idyllique de cette usine à jouets antichambre de l'enfer. Pendant que la fée fouette ses esclaves, le Père Noël trippe tout seul en faisant la toupie, et la mise en scène a déjà abdiqué, probablement hypnotisée par la débilité ahurissante du spectacle.
L'exotisme nanar de J'ai rencontré le Père Noël ne se limite pas aux jolies neiges de Laponie. Tout un segment du film se déroule en Afrique, où Père Noël et sa fée se rendent pour sauver les parents enlevés. Un épisode extraordinaire, hommage à l'origine du cinéma, où des effets de montage transforment un crocodile (qui manque de becqueter le Père Noël) en oiseau dans le ciel (l'idée en elle-même est déjà grotesque, mais l'exécution est tellement molle que le résultat est, hélas, involontairement hilarant). Le long métrage ne s'embarrasse d'aucune vraisemblance, sa crédibilité et sa logique sont celles d'un épisode des Vacances de l'amour. A la fin, évidemment, tout rentre dans l'ordre. Les gamins chantent dans une église aussi glauque que le film, les retrouvailles avec les parents sont crémeuses, le Père Noël tout souillé peut retourner cuver dans sa cabane. L'ambition était au rendez-vous puisqu'une sortie américaine était prévue pour cette pépite. Karen Cheryl était, elle, invitée aux shows 80's de variété française pour faire la promotion du film en y chantant ses diverses horribles chansons. Aujourd'hui, J'ai rencontré le Père Noël est un lingot d'or de filmo interdite, une sorte de merveilleux cauchemar nostalgique pour tous ceux qui ont Noël en horreur. "Que t'es beau Père Noël!", comme le chante la fée UMP du chef d'œuvre de Christian Gion...