L'Ile nue

L'Ile nue
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Ile nue (L')
Hadaka no shima
Japon, 1960
De Kaneto Shindo
Scénario : Kaneto Shindo
Avec : Masanori Horimoto, Nobuko Otowa, Shinji Tanaka, Taiji Tonoyama
Photo : Kiyomi Kuroda
Musique : Hikaru Hayashi
Durée : 1h34
Sortie : 30/11/1999
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La rude et dramatique vie d'une famille de paysans sur un ilot de la mer intérieure du Japon, dont le sort est lié a la rareté de l'eau.

L'ILE FANTASTIQUE

Une rengaine, une petite île et pas un traître mot. L'Ile nue de Kaneto Shindo joue la carte du minimalisme, il est vrai un peu contraint. Nous sommes en 1960, et la Kindai Kyokai Eiga, société de production indépendante fondée par Shindo lui-même avec Kozaburo Yoshimura, est au bord de la banqueroute. Scénariste pour les plus grands (Mizoguchi, Kinoshita, Ichikawa ou Masumura), réalisateur depuis le début des années 50, Kaneto Shindo décide, dans cette situation de crise, de jouer son va-tout anti-commercial avec L'Ile nue. "Pour ce film, j'ai essentiellement travaillé l'image, et pas du tout le scénario. Dès le début j'ai ignoré les dialogues, je ne voulais que du naturel : le souffle du vent, ou des rires". Les scènes d'une vie simple se répètent : un homme et une femme portent de l'eau sur leur dos, accompagnés par l'obsédante mélodie d'Hikaru Hayashi. Un va-et-vient qui se substitue à tout commentaire selon Shindo, pour qui arroser la terre est une métaphore de l'esprit qui ne renonce pas. Dans cette île au large d'Hiroshima, la vie est dure, les humains vacillent comme leur palanche ploie, mais on résiste sans gémissement, versant l'eau sur la terre aride en attendant de voir enfin percer ses fruits.

Tourné en équipe très réduite (dont une bonne partie de comédiens improvisés), avec une liberté totale, le joker de Shindo aboutit à un résultat fascinant. Fascinant comme ce décor de paradis en trompe-l'oeil, sublimé par le plus beau noir et blanc du monde, par le scope du réalisateur jouant avec les lignes du décor, celle, tranchant le cadre, d'une colline menant à la maison, ou celles, plus irrégulières, des blancs nuages ou de l'horizon. Fascinant comme Shindo parvient à une expressivité absolue des images, pouvoir magique qui ne s'embarrasse pas d'une syllabe pour crever le coeur, lors d'une scène de nuit, la seule de ce film-lumière, où les feux d'artifice lointains éclairent faiblement les ombres du deuil. Pourtant, on continue le va-et-vient, on arrose les champs, Hayashi poursuit son ensorcelante mélopée. Une seule révolte, contre terre, mouillée cette fois par des pleurs, mais la vie reprend le dessus. Kaneto Shindo a conçu L'Ile nue comme un poème perdu au bout du monde, eau douce et larmes amères, hypnose suspendue à une godille, et signe un monumental chef d'oeuvre, l'un des plus grands de la Nouvelle Vague japonaise.

par Nicolas Bardot

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