La Garce

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Rosa, femme dénuée de scrupules et dévorée d’ambition, s’ennuie dans sa petite ville du Middle West. Pour échapper à sa morne existence, elle compte quitter son mari, Lewis, un médecin sans ressources, et se faire épouser de Neil Latimer, un riche industriel de Chicago. Son plan arrêté, elle tente de soutirer quelque argent à son époux...

MIRAGE DE LA VIE

Ceci est l'histoire du mal. Le carton d'ouverture de La Garce (traduction qui n'y va pas avec le dos de la cuillère puisque le titre original est Beyond the Forest) annonce la couleur. Noire, tendance très noire. L'affiche américaine préparait le public, en clamant fièrement "Nobody's as good as Bette when she's bad !". Rosa (interprétée par une Bette Davis on fire) s'ennuie à se pendre dans sa petite ville et ne rêve que de Chicago. Rosa n'est pas du genre thé tiède, elle boit son café bien fort, déteste les porcs-épics (qu'elle dézingue à coup de fusil) et pense que vivre dans son patelin équivaut à assister à son propre enterrement. Davis, lookée comme une Betty Boop vénéneuse, déplace les lignes du strict film noir (femme fatale, amours dangereuses, cynisme et pessimisme) vers le mélo féminin tendance camp (sans pour autant atteindre la joyeuse folie des joan crawforderies façon La Meurtrière diabolique). King Vidor, sur un scénario écrit par une femme, Lenore Coffee (chose pas si commune à l'époque), ne lésine pas pour illustrer le feu bouillant qui consume son héroïne, comme lors de ce plan iconique où le visage bouleversé de Davis se superpose à un puits de flammes en arrière-plan.

Des flammes qui illustrent aussi les quelques passions qui se sont confrontées sur le tournage. Bette Davis ne voulait pas faire le film, et ce sera d'ailleurs son dernier pour la Warner après 18 ans de contrat. King Vidor a vu sa scène d'avortement coupée du montage final - pas de ça au cinéma en 1949. Bette Davis s'est, elle, amusée avec les restrictions d'époque, qui lui interdisaient notamment d'utiliser des gros mots. Qu'à cela ne tienne, Rosa, lors d'une de ses multiples colères, écrit SHIT sur une table poussiéreuse. Le geste est gratuit, finalement à peine visible à l'écran, ce qui le rend encore plus beau. A sa sortie, La Garce est tronçonné par la critique. Le film reste pourtant une petite perle du genre, transcendée par son actrice principale. Qui, malgré les difficultés, malgré les disputes, malgré la rupture de contrat, n'a pas mis longtemps avant de se remettre en selle: Eve sortira en salles un an après, avec le triomphe que l'on sait.