L'Enfer

L'Enfer
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Enfer (L')
Jigoku
Japon, 1960
De Nobuo Nakagawa
Scénario : Ichirō Miyagawa, Nobuo Nakagawa
Avec : Shigeru Amachi
Photo : Mamoru Morita
Musique : Michiaki Watanabe
Durée : 1h40
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Deux étudiants, Shimizu et Tamura, ren­ver­sent en voi­ture un ivro­gne. Shimizu veut se dénon­cer à la police, mais son cama­rade l’en empê­che. Il est tour­menté par sa cons­cience, et l’image de la mort le hante de plus en plus.

VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER

Dans ses toutes jeunes années, Ichirô Miyagawa, co-scénariste de L'Enfer, allait jouer près d'un temple bouddhiste. Et restait fasciné devant les peintures extraordinaires qui recouvraient l'édifice. C'est peut-être à l'ombre paisible de ce temple que L'Enfer de Nobuo Nakagawa est né. A l'heure du tournage de cet Enfer, Nakagawa n'est pas un nouveau venu. Il est réalisateur depuis la fin des années 30 et sort d'un triomphe qui restera l'un des films les plus connus de sa carrière: Le Fantôme de Yotsuya, plus souvent titré Histoires de fan­tô­mes japo­nais, adaptation d'une pièce de kabuki qui connaîtra de nombreuses versions. C'est grâce au succès de ce film que Nakagawa bénéficiera d'une certaine liberté sur son nouveau long métrage, tourné un an plus tard. Une liberté cela dit toute relative car à l'époque, la Shintoho est à l'agonie et L'Enfer, tourné avec des bouts de ficelles et des fonds de tiroirs, sera d'ailleurs son dernier film produit avant la banqueroute. Du titre proposé par le producteur, Paradis et enfer, Nakagawa et Miyagawa ne garderont que le pandémonium, inspirés par des éléments aussi divers que l'Ojoyoshu et ses descriptions infernales, le pacte diabolique de Faust, le principe dit de la Planche de Carnéades et ses implications ambiguës sur la culpabilité des personnages, ou encore le même fait divers qui a inspiré La Corde d'Alfred Hitchcock.

C'est dans les flammes qu'apparaissent les rouges lettres du titre. L'enfer, on ne le verra pourtant pas tout de suite, Nakagawa tissant un récit d'une heure, assez abracadabrant, comme une mise à l'épreuve avant le décrochage, le basculement vers l'au-delà. Dès lors, rien ne nous sera épargné. Les malheureux damnés sont éternellement découpés par une scie infatigable, les amoureux cuisent dans une marmite géante, les bébés chouinant errent dans un panier qui dérive sur le fleuve des enfers. Une succession de tableaux hallucinés avec une utilisation inédite du gore (les corps déchirés, dépecés, os à l'air) qui précède de trois ans le Blood Feast de Hershell Gordon Lewis, pourtant considéré par beaucoup comme le premier film gore. L'Enfer selon Nakagawa, par ailleurs admirateur de Charlie Chaplin et Yasujiro Ozu, est peut-être trop poétique pour être simplement qualifié d'une potache appellation "film gore".

Mais comment rendre à l'écran ces visions d'enfer, vertigineuses limbes dans lesquelles se perdent les personnages? Nakagawa devra, avec son équipe, faire preuve d'une belle inventivité, reconstruisant en grande partie l'au-delà avec un hangar vide. Comme lors de l'apparition d'Enma, dieu bouddhiste gardien de l'enfer, c'est le jeu sur le cadre, la perspective, la profondeur de champ, et le jeu sur les couleurs, halos verts et sang, qui rendront grandioses ses peintures démoniaques. L'Âge d'or des studios s'achève, et d'une certaine façon, Nakagawa est entrainé par le flot de la Nouvelle vague nippone, celle menée par Oshima, Yoshida, Masumura, Suzuki ou Imamura. L'Enfer témoigne d'ailleurs d'un "existentialisme qui le rapproche de Oshima et de Masumura", comme le note Stéphane du Mesnildot, auteur de Les Métamorphoses de Sadako, fantômes du cinéma japonais, à paraître en juin. Le legs de Nakagawa sera énorme. A la fois par son œuvre fantastique, qui n'est qu'une partie de son œuvre en général. Et par son influence sur ceux qui ont fait le renouveau du fantastique japonais à la fin des années 90, comme Kiyoshi Kurosawa ou Hideo Nakata, qui emploiera d'ailleurs Yoichi Numata, l'un des deux rôles principaux de L'Enfer, pour jouer dans Ring et boucler la boucle.

par Nicolas Bardot

En savoir plus

L'Enfer est présenté dans le cycle "Le Cinéma japonais au surnaturel : les spectres de la Japan Horror" à la Maison de la Culture du Japon à Paris. Pour toutes les informations sur le programme, cliquez ici!

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