En quatrième vitesse

En quatrième vitesse
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En quatrième vitesse
Kiss me deadly
États-Unis, 1955
De Robert Aldrich
Scénario : Al Bezzerides
Avec : Marion Carr, Maxine Cooper, Albert Dekker, Cloris Leachman, Ralph Meeker
Photo : Ernest Laszlo
Musique : Frank Devol
Durée : 1h46

Des truands torturent et assassinent une jeune évadée d’un hôpital psychiatrique, que le privé Mike Hammer avait prise en voiture. Laissé pour mort par les mystérieux tortionnaires, Hammer décide de consacrer toute son énergie à venger la mort de l’inconnue.

MON NOM EST HAMMER, MIKE HAMMER

La filmographie de Robert Aldrich (1918-1983) compte bon nombre de grands films qui furent autant de succès populaires, notamment Vera Cruz (1954), Les Douze Salopards (1967), ou Plein la gueule (1974). Il a aussi réalisé des films plus intimistes, comme le méconnu western El Perdido (1961), dans lequel un très falot Rock Hudson poursuit Kirk Douglas, qui découvre, avec horreur, que la femme qu’il aime est en fait… sa propre fille. Mais de tous ses longs-métrages, c’est sans conteste En quatrième vitesse qui fit l’objet des plus vifs éloges, surtout de la part des critiques français de l’époque. Aldrich décida en 1955 de porter à l’écran le roman noir d’un auteur qu’il qualifiait avec mépris de fasciste. A savoir, le dur des durs Mickey Spillane, qui avait assuré sa fortune en faisant naître le détective privé Mike Hammer, dans le roman J’aurai ta peau, paru en 1948. Sur papier, Mike Hammer est carrément un Superman qui se rit de la mafia, et dont toutes les femmes sont amoureuses, spécialement sa secrétaire aux mensurations de déesse, la dévouée Velda. Sur pellicule noire et blanche, le Mike Hammer du réalisateur est nettement plus faillible et âpre au gain. Il connaît même des éclairs de sadisme, notamment dans une scène d’anthologie, où il coince la main d’un ignoble médecin légiste dans un tiroir. Aldrich montre un gros plan de Hammer ravi de torturer l’individu qui l’a contrarié, et dont les hurlements se font entendre. Pathétique, le détective peut l’être aussi, notamment lorsqu’à la recherche de sa secrétaire enlevée, il se met à pleurnicher son nom, comme un galopin égaré, avec une balle dans le ventre qui ne doit pas l’aider à se maîtriser.

WHAT’S IN THE BOX?

Ce qui transcende le matériau d’origine, c’est l’idée géniale du scénariste Al Bezzerides de changer l’objet de toutes les convoitises, moteur de l’intrigue policière. Très classiquement, dans le livre, Berga Torn, la jeune fille assassinée, est l’instigatrice d’une course de tous les protagonistes (mafia, police) après un fameux paquet de drogue. Bezzerides pense à Oppenheimer, l’inventeur de la bombe A, et le vulgaire sac de poudre devient une sacoche contenant une bombe atomique. Ce n’est pas explicitement dit, et l’on peut presque prendre au pied de la lettre ce qu’affirme le docteur Soberin (Albert Dekker), lorsqu’il déclare à sa maîtresse Lily, qui a tout de Pandore, que la sacoche contient la tête de Méduse. Le spectateur peut ainsi, s’il le souhaite, se croire dans une histoire fantastique. Dès l’introduction, Aldrich surprend: ce qui n’est qu’un passage convenu dans le roman devient fascinant une fois mis en image. La nuit, une femme court sur une route, manifestement nue sous son imperméable. Elle réussit à faire arrêter le bolide de Hammer, d’un air exaspéré, celui-ci fait monter la jeune femme qui ne peut parler tellement elle est essoufflée. Le générique commence alors, accompagné par la chanson de Nat King Cole que joue l’auto radio, entrecoupée par les sanglots de l’auto-stoppeuse.

LE FINAL CHARCUTE

La fin du livre est assez spectaculaire, puisque le détective, blessé par balle, trouve encore la force d’actionner son briquet, pour ainsi mettre le feu à une démente au corps couvert de cicatrices et d’alcool à friction. Dans le film, le même personnage est juste une femme trop curieuse, qui a la malencontreuse idée d’ouvrir la sacoche contenant la bombe. Elle en fera les frais… Pendant longtemps, En quatrième vitesse a été présenté dans une version amputée, contre la volonté du réalisateur. La scène finale d’ouverture de la sacoche, et de fuite des héros hors de la maison de l’ennemi, est généralement coupée. Le spectateur ignore alors si Hammer et Velda réussissent à s’enfuir avant l’explosion, assez peu impressionnante. En revanche, dans la version intégrale, si l’on voit bien le couple se réfugier, hagard, sur la plage, l’horreur de la situation monte d’un cran, puisque se déchaîne un champignon atomique, augurant des jours bien sombres pour la nation américaine. Le DVD zone 1, édité par MGM, présente la version intégrale restaurée, avec en bonus la version alternative couramment diffusée (la scène alternative ne dure qu’une minute, environ). L’édition zone 2, du même éditeur, ne mentionne pas ce bonus. Et il n’est même pas sûr que ce soit la bonne version sur le disque, puisque la jaquette indique une durée de 1h42 (or le film original dure 1h46).

par Yannick Vély

En savoir plus

- Les différents Mike Hammer: Biff Elliot a été le premier à prêter ses traits au détective, dans l’adaptation du premier roman dont le privé est le héros: J’aurai ta peau (Harry Essex, 1953). Ralph Meeker, en incarnant de façon inoubliable Mike Hammer dans En quatrième vitesse, a sûrement joué là le rôle de sa vie. Il croisera de nouveau la route d’Aldrich, mais cette fois-ci pour ne plus être qu’un personnage secondaire, le capitaine Stuart Kinder, dans Les Douze Salopards. Fait assez exceptionnel dans le domaine de la littérature et du cinéma, Mickey Spillane a eu l’occasion d’interpréter sa propre création, dans le film Solo pour une blonde (Roy Rowland, 1963); il faut pourtant avouer que son Mike Hammer rustaud n’était pas le plus mémorable, n’est pas acteur qui veut… Ensuite, le privé de ces dames a été joué par Armand Assante, dans le remake de la première aventure de l’invincible Hammer: J’aurai ta peau (Richard T. Heffron, 1981). Enfin, Stacy Keach, pourtant un acteur remarquable dans les films de John Huston (Fat City, 1972, Roy Bean, Juge et hors-la-loi, 1972) a été un Mike Hammer d’opérette, dans une série caricaturale et édulcorée, transposant les aventures du privé des années 50 dans le milieu des années 80. S’il ne faut en garder qu’un, Ralph Meeker semble s’imposer.

- Références bibliques et mythologiques: L’érudit docteur Soberin mentionne vers la fin du film Ildith, la femme de Loth, le personnage biblique qui échappa à la destruction de la ville de Sodome. La pauvresse fut changée en statue de sel pour avoir regardé en arrière. Cette édifiante histoire est racontée dans un autre film d’Aldrich, à la filmographie étonnamment variée: Sodome et Gomorrhe (1963). Il est aussi question de Pandore, première femme créée par Zeus pour punir la race humaine. Les Dieux lui confièrent une jarre ou une cassette scellée contenant tous les maux qui devaient affliger plus tard l’humanité. Elle ne contenait qu’un seul bien: l’Espérance. Par curiosité, Pandore ouvrit la cassette et le mal se répandit sur terre. Seule l’Espérance resta enfermée, criant en vain pour sortir. S’agissant de Méduse, dans la mythologie grecque, Persée tua cette gorgone aux cheveux-serpents dont le regard transformait en pierre. Pour ce faire, le héros s’approcha du monstre en utilisant son bouclier de bronze comme miroir, il put ainsi la décapiter. Cette histoire est relatée dans le film Le Choc des Titans (Desmond Davis, 1981), qui bénéficie des effets spéciaux hallucinants du maître de l’animation image par image, Ray Harryhausen.

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