E.T.

E.T.
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E.T.
États-Unis, 1982
De Steven Spielberg
Scénario : Melissa Mathison
Avec : Drew Barrymore, Peter Coyote, Robert McNaughton, Henry Thomas, Dee Wallace
Musique : John Williams
Durée : 2h00

E.T. est vraiment un grand film. Ou un grand petit film. Un petit film personnel, tourné pour 10M$ par un metteur en scène propulsé star en moins d'une décennie. Après les succès consécutifs de grosses machines comme Les Dents de la mer, Rencontres du 3e type et Les Aventuriers de l'Arche Perdue (et malgré l'échec financier de 1941), Steven Spielberg réalise ici l'un des films les plus représentatifs des récurrences thématiques qui caractérisent sa carrière.

FATHER FIGURE

On se retrouve donc, vingt après, projeté à nouveau dans cet univers si particulier, où les petits enfants de banlieue sont toujours plus intelligents que les adultes, qui ne sont bons qu'à engendrer des familles dysfonctionnelles. Le divorce des parents de Spielberg lorsqu'il était encore jeune a profondément marqué l'auteur, et sa filmographie par la même occasion. C'est donc dans ce foyer brisé par le départ d'un père que le jeune Elliot, cadet d'une famille de trois enfants, va vivre une expérience merveilleuse, peut-être la dernière de son enfance. Cet enfant, désireux de faire partie du groupe d'adolescents que forment son frère et ses amis, mais constamment rejeté par ceux-ci, fait une découverte qui va lui changer la vie. En la personne d'E.T., il y a le jouet ultime, interactif, qui réagit et répond (quand il n'est pas travesti telle une poupée par Gertie, la petite soeur d'Elliot). Il y a évidemment aussi cet ami imaginaire que se font certains enfants avant de grandir, seulement là l'amitié est réelle, palpable et elle va rapidement se transformer en amour.

E.T. devient alors le substitut d'un père absent, en qui Elliot peut transmettre son affection profonde. E.T. remplace aussi tous les amis qu'Elliot n'a pas, que ce soit ceux de son âge ou ceux de l'âge de son frère, trop âgé pour traîner avec un gosse. Cependant, Michael, le frère d'Elliot, retombera en enfance au cours de cette expérience, qu'il partagera avec son frère et non avec ses comparses, bien que ceux-ci les rejoignent lors du dénouement, succombant eux aussi au charme "infantile" d'E.T. En effet, avec ses grands yeux sans cesse en éveil, alertes au moindre détail - dont chacun fait figure de découverte -, E.T. est l'incarnation même de l'enfance. Il ne parle pas, ou presque. Il marche en se dandinant comme les plus petits enfants. Et il est rempli d'émotion. C'est un être simple, naïf, et c'est ce qui fait de lui un être capable de communiquer avec tout le monde. Spielberg représente ainsi par ces émotions le langage universel nécessaire à toute communication entre humains et extra-terrestres.

QUAND J'ETAIS PETIT GARCON

E.T. n'est pas tant un film pour enfant que le film d'un enfant. Toute l'aventure, toute cette histoire est vue du point de vue d'un enfant, que ce soit l'auteur, qui se remet dans la peau de celui qu'il était, ou Elliot, le protagoniste représentant ici ce même auteur. Spielberg filme littéralement du point de vue d'un enfant (et aussi de celui d'E.T.), c'est-à-dire en dessous de la taille. On ne voit jamais le visage des adultes (sauf celui de la mère), ils sont anonymes et plus ou moins "exclus" de cette expérience, car ils ne peuvent pas (ou plus) y croire. Une scène dans le film en témoigne très bien: la mère, Mary, rentre à la maison après avoir fait les courses, qu'elle range dans la cuisine, et pourtant elle ne voit jamais E.T., qui évolue dans la pièce juste à côté d'elle. Ainsi le prétexte inventé plus tôt par Elliot pour convaincre sa petite soeur de ne rien dire à sa mère devient vrai: les adultes ne peuvent pas le voir. En réalité, ils ne peuvent pas y croire.

Les "grandes personnes" sont donc anonymes: le professeur, les chercheurs... À l'exception de l'un d'entre eux, uniquement identifiable par un trousseau de clés qui le caractérise, typiquement le genre de détail sur lequel un enfant focaliserait son attention plutôt que de mémoriser un visage (le personnage est d'ailleurs nommé Keys, qui signifie "clés"). Ces mêmes individus seront d'ailleurs comparés ensuite à des envahisseurs, dans un joli effort de la part du réalisateur, intervertissant les rôles, faisant des humains des êtres non-identifiés (rendus tous identiques par leurs uniformes) pénétrant dans la maison afin d'enlever E.T., ici une victime d'abduction extra-terrestre! Un peu plus tôt, ils avaient déjà investi la résidence, les faisceaux de leurs torches filtrant à travers les portes de placard de la chambre des enfants, tels les rayons lumineux d'un vaisseau spatial inondant l'intérieur à travers les fenêtres (comme c'était par exemple le cas dans Rencontres du 3e type). Car cette histoire n'est pas le point de vue des humains face aux aliens, mais celle d'enfants se liant d'amitié pour un alien, faisant de lui l'un des leurs, comme en témoigne cette scène symbolique où, comme par osmose, Elliot et E.T. ressentent les mêmes émotions (l'ivresse par exemple) alors que l'un est en classe et l'autre à la maison.

Le titre de travail était A Boy's Life (littéralement "La Vie d'un garçon") et d'ailleurs le film est l'évolution de ce garçon, Elliot. On entame l'histoire quelque temps après la séparation des parents pour la terminer avec le départ d'E.T.; entre-temps, Elliot a grandi, il a mûri au contact de cet ami extraordinaire qui lui a tant apporté. D'ailleurs, E.T. est, à sa manière, une figure de messie: descendu des cieux, persécuté par les hommes - excepté ceux qui croient en lui -, il a le pouvoir de guérir, son coeur rougeoie à travers sa poitrine comme le Christ sur certaines représentations picturales et il meurt pour mieux ressusciter... Elliot n'est pas le seul dont la vie a été enrichie par E.T.. Nous avons tous été touchés par cette histoire. Le film est finalement très riche alors qu'il apparaît si simple. Ceci étant probablement dû à la grande sincérité de son auteur, et également à la maîtrise de celui-ci, donnant à chacun le pouvoir de retomber en enfance et donc, par la même occasion, le pouvoir de croire.

par Robert Hospyan

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