Les Deux orphelines vampires
France, 1997
De Jean Rollin
Scénario : Jean Rollin
Avec : Alexandra Pic, Isabelle Teboul
Photo : Norbert Morfaing-Saintès
Musique : Philippe D'Aram
Durée : 1h43
Henriette et Louise sont deux jeunes filles aveugles qui ont été recueillies par un orphelinat tenu par des religieuses. Parmi tous les pensionnaires, elles font l'admiration des nonnes par leur piété et leur gentillesse. Mais elles cachent un terrible secret: ce sont des vampires. En vérité, elles ne sont aveugles que le jour. La nuit, elles retrouvent l'usage de leurs yeux et en profitent pour s'échapper discrètement de l'orphelinat afin de saigner des animaux ou des noctambules imprudents. Ces expéditions accomplies, elles regagnent furtivement leur chambre et personne ne soupçonne leurs activités criminelles. Les choses changent brusquement pour elles lorsque le docteur Dennery, un médecin de la capitale privé d'enfants et ému par leur apparente cécité, décide de les adopter...
LES NUITS BLEUES DE ORPHELINES VAMPIRES
Adapté de son propre roman publié quelques années auparavant, Les Deux orphelines vampires de Jean Rollin a pu naître dans des conditions un peu différentes par rapport aux autres productions rolliniennes. Jamais auparavant le cinéaste n'a bénéficié d'un tel budget pour un de ses films... et peu importe si cette somme ne représente pour d'autres que le budget nécessaire à un clip. En admirateur de Gaston Leroux, Rollin adopte une structure de feuilleton, le chemin des deux orphelines en admiration devant un volume des aventures de Fantômas, croisant toute une galerie de personnages, autant de créatures de la nuit qui enrichissent l'imaginaire du film, fait d'aventures nocturnes où se mêlent femme-louve ou femme-oiseau en passant par des goules. L'insolite règne en maître, parce que le film ne ressemble à rien d'autre (ou alors à rien d'autre qu'un film de Rollin), mais aussi parce qu'il part régulièrement en aquaplaning sur les terres de l'improbable, avec ses vampirettes se saoulant au Calvados ou ce moment incroyable digne de Tex Avery: après un meurtre, les héroïnes trouvent une échelle sortie d'on ne sait où pour grimper sur les toits.
L'improbable surréalisme (et ses approximations) souffle aussi un vent de liberté sur le film. Libertés prises avec le mythe du vampire, son ail, son jour qui tue, ses pieux dans le cœur. Liberté labyrinthique également lorsque la structure jour/nuit (les orphelines sont aveugles à la lumière du jour et ne voient que la nuit) devient, au fil du film, de plus en plus floue, cohérence temporelle maltraitée où les nuits semblent succéder à d'autres nuits (fausses, d'ailleurs, puisqu'américaines) si bien qu'on ne sait plus trop où l'on en est, de vraie nuit en faux jour. Entre quelques images puissantes (les orphelines marchant autour d'une grande porte perdue dans la campagne), Les Deux orphelines vampires est aussi une ludique histoire de fantasmes, qui évoque deux autres figures atypiques du cinéma français. Les nuits bleues de Rollin rappellent l'heure bleue guettée par les moins vampiriques Reinette et Mirabelle chez Rohmer, mais il y a surtout ce jeu de rôles, la reconstitution des souvenirs de deux jeunes filles projetées dans le merveilleux, à l'image de Céline et Julie vont en bateau de Rivette. Comme dans ce dernier, le doute subsiste: Louise et Henriette sont-elles réellement des réincarnations de déesses aztèques, d'artistes de la Belle Époque? Sont-elles seulement des vampires? La mélancolie du dernier chapitre joue sur ce doute ludique, comme un ultime tour de magie d'Houdini, lors d'une dernière fuite éthérée.
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