Classe américaine: le grand détournement (La)

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George Abitbol, l'homme le plus classe du monde, meurt tragiquement lors d'une croisière dans l'atoll de PomPom Galli. Ses derniers mots, "Monde de merde…", suscitent la curiosité de trois journalistes enquêteurs, Dave, Peter et Steven, qui vont tout faire pour en comprendre le sens…

LE TRAIN DE TES INJURES ROULE SUR LE RAIL DE MON INDIFFÉRENCE

Faites l'essai auprès d'un cinéphile. Demandez-lui s'il connaît le titre de ce flim, tombé à tort dans les limbes de l'oubli, croisé un beau soir de Saint-Sylvestre 1993, par hasard, sur Canal+. Une comédie qui réunissait à l'écran une petite brochette d'inconnus nommés John Wayne, Robert Redford, Paul Newman, Dustin Hoffman, Orson Welles, James Stewart, Franck Sinatra, Elvis Presley, Robert Mitchum ou encore Dean Martin. Précisez, retors que vous êtes, que vous êtes même sûr d'en oublier un ou deux — Clark Gable, par exemple, ou encore Burt Lancaster… Voyez alors comme son œil s'allume, comme ses membres se mettent à trembloter avec frénésie, comme la bave lui vient aux lèvres: le casting le plus classe du monde, se désespère-t-il, et personne ne m'y a convié? Tant que vous avez la main, faites durer le suspens: précisez que le flim est français. Votre interlocuteur frisera l'apoplexie, prêt à passer toutes les encyclopédies flimiques au crible. Enfoncez le clou et annoncez, avec aplomb, que ce flim n’a jamais été tourné. Et, tout en éventant votre rat de cinémathèque en état de transe, retrouvez miraculeusement le titre: La Classe américaine. Mieux connu sous le nom de Grand détournement. Puis courez vous mettre à l'abri, le temps que les envies de meurtre de votre interlocuteur prennent le large et qu'il finisse par glapir, excédé: "Je préfère partir plutôt que d'entendre ça, plutôt que d'être sourd!".

ATTENTION, CE FLIM N’EST PAS UN FLIM SUR LE CYCLIMSE!

Habile et subtil patchwork d'extraits de flims du catalogue de la Warner, montés et redialogués par les esprits dérangés de Michel Hazanavicius et Dominique Mezerette, avec le concours des Nuls et des doubleurs officiels des stars suscitées, La Classe américaine est un found footage de génie, sorte d'hommage parodique à l'anti-cinéma debordien, révisité avec force irrévérence comique, autour d’une histoire reprenant, pour mieux le détourner, le fil conducteur de Citizen Kane. La méthode est connue, maintes fois appliquée sous des horizons divers. Depuis les situationnistes La Dialectique peut-elle casser des briques (ou la lutte des classes ramenée à la dimension d'un très basique flim de kung-fu) et autres Filles de Kamaré (ou la lutte des classes ramenée à la dimension d'un très violent porno nippon) du multirécidiviste Viénet, jusqu'aux Cadavres ne portent pas de costard de Carl Reiner (où Rigby Deardon, alias Steve Martin, enquêtait sur la disparition du père de Juliet Forrest dans une atmosphère de flims noirs échappée des années 40) ou au minable Kung Pow – Enter the fist de Steve Oedekerk. En passant évidemment par la sphère privée et le sacro-saint bouton mute, synonyme de soirées éthylico-cathodiques. Voyez où ça nous mène la folie des hommes: on court tout droit à notre perte...

MOI J'VEUX ETRE CONNU, TU SAIS POURQUOI? POUR NIQUER LES GONZESSES!

En 1993, Hazanavicius et Mezerette n'en sont pas à leur coup d'essai et comptent à leur actif deux autres courts métrages, adoptant la même technique haute couture (ceci dit sans faire d'amalgame entre la coquetterie et la classe) de montage et de doublage. Prometteurs, même si plus approximatifs que La Classe américaine, Ça détourne et Derrick vs Superman ont permis au duo d'essuyer les plâtres d'un système de narration éclaté difficile à tenir sur la longueur et de peaufiner leurs délires de resynchronisation labiale. La Classe américaine suit ainsi le fil d'une trame claire et rigoureuse, certes pleine de détours et d'apartés absurdes, mais jamais parasitée par le redouté syndrome de la vignette. Véritable gageure que cette heure dix d'inventions et de circonvolutions insensées, retombant toujours sur ses pattes et jamais essoufflée. Chaque nouvelle vision en témoigne, qui fait resurgir du foisonnement d'idées, ici un détail négligé, un double sens soudainement révélé, là une répétition ou une inversion de plan, dont la résonance comique fait subitement écho… On s'emballe peut-être un peu: le journalisme total, c'est totalement con. N'empêche, en dépit de son statut d'œuvre télévisuelle, impossible de ne pas considérer La Classe américaine comme un flim à part entière. Clute, assurément. C'est ça, la puissance intellectuelle.

J’AI CONNU UN MEC DE DROITE UNE FOIS, IL AVAIT DIX FOIS PLUS DE CLASSE

Clute, oui, mais invisible. Diffusé une seule et unique fois, La Classe américaine se transmet depuis bientôt treize ans sous le manteau, comme ouiche lorraine en temps de famine — à la Warner en effet, on n'aime pas trop les voleurs et les fils de pute, et on ne cède pas facilement les droits d'un si précieux catalogue, ce qui n'est vraiment pas très sympa… L'avènement du net et des supports numériques aidant, un réseau de fans s'est fort heureusement constitué pour assurer la préservation du précieux patrimoine comique. Numérisées avant rupture des bandes magnétiques fatiguées, les copies circulant sur le réseau des réseaux crachotent et bavent, mais maintiennent la légende vivace. Il n'est pas rare de croiser sur la toile quelque groupie incorruptible, travaillant avec amour à une restauration de son Saint-Graal zygomatique — tout en rêvant humide, chaque nuit, à quelque improbable édition DVD des aventures de George Abitbol… Depuis 1993, Hazanavicius a quant à lui fait son petit bonhomme de chemin, jonglant entre télévision (C'est pas le 20 heures, Les Flims qui sortent le lendemain dans les salles de cinéma) et cinéma (le court métrage Echec au capital en 1997 et le fort mal accueilli Mes amis en 1999), sans jamais faire montre de la même force de frappe, confirmant du même coup le statut d'œuvre unique, mythique et sans descendance de La Classe américaine. C'était compter sans sa relecture d'OSS 117. Hazanavicius s'y frotte en effet de nouveau, avec Hubert Bonnisseur de la Bath, à une incarnation de l’Homme ultime, façon George Abitbol, celui que toutes les femmes s’arrachent, qui possède la Classe avec un grand C et à qui tout réussi. Mais également bien gratiné niveau beaufitude, rayon racisme et homophobie — George étant, c'est de notoriété publique, un fasciste de merde, UN FASCISTE DE MERDE! Deux mâles, donc, deux rois de la classe. Et c'est facile de traiter les gens de pédé, tout ça parce que deux garçons vivent ensemble dans un ranch et portent des pantalons en cuir. Moi, j'aime pas les gens bizarres. Vous dites que j'aille me faire foutre? OK, j'y vais.

par Christophe Chenallet

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