The Big Short
États-Unis, 2015
De Adam McKay
Scénario : Adam McKay, Charles Randolph
Avec : Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling, Brad Pitt
Photo : Barry Ackroyd
Durée : 2h10
Sortie : 23/12/2015
Wall Street. 2005. Profitant de l’aveuglement généralisé des grosses banques, des medias et du gouvernement, quatre outsiders anticipent l’explosion de la bulle financière et mettent au point… le casse du siècle ! Michael Burry, Mark Baum, Jared Vennett et Ben Rickert : des personnages visionnaires et hors du commun qui vont parier contre les banques … et tenter de rafler la mise !
C'EST UN PEU COURT, JEUNE HOMME
L'annonce d'un film sur la crise de 2008 par Adam McKay avait de quoi surprendre mais c'est oublier que le cinéaste a commencé par écrire et jouer dans des sketches politiques avant d'entamer une carrière de comédies régressives avec Will Ferrell. Par ailleurs, c'est cette approche largement baignée dans l'humour mais prenant le soin de ne pas tomber dans la satire qui fait l'originalité de The Big Short. Toutefois, malgré tous les efforts du film - la vulgarisation, la narration ludique avec sa brisure du quatrième mur, ses cameos improbables, les stars attachantes - l'intrigue et le charabia boursier du film finissent tout de même par se faire assommants. Ce n'est pas en répétant de manière rébarbative pendant 2h11 "Bon sang mais il faut shorter les MBS parce qu'ils vendent des CDO pleines de subprimes notées AAA alors qu'en fait il s'agit de triple B, ça va être l'apocalypse!" que le film réussira à impliquer le spectateur. Il y a un passage vers le début où le narrateur s'adresse au public en disant : "Vous êtes soulés? Vous vous sentez idiots?", avant d'expliquer que c'est normal car les banques emploient délibérément des expressions compliquées pour nous entuber. Le souci, c'est qu'en dépit de la densité informative du film, très (trop) largement factuel, on n'a pas l'impression d'en sortir en ayant appris quelque chose.
À l'inverse, dans Le Loup de Wall Street, le personnage de Leonardo DiCaprio commençait à expliquer les arcanes boursières en regardant droit dans la caméra avant de s'interrompre pour dire qu'on s'en fout. Et il avait raison. Martin Scorsese avait compris que l'important n'était pas de faire un cours mais de développer un propos, sur le Rêve Américain en l'occurrence, et de le faire via un récit et un protagonistes engageants. The Big Short nous présente une chorale de personnages mais ils s'avèrent presque tous fonctionnels. Seul celui de Steve Carrell a un passé et un arc et offre ainsi un point d'ancrage dans ce film, certes distrayant mais quand même abrasif, avant que le producteur Brad Pitt ne vienne énoncer la morale. Le film présente donc le paradoxe d'apparaître à la fois lourdingue et trop léger. The Big Short a beau être le cousin comique de Margin Call - et c'est parce qu'il est tout de même amusant par moments et documenté qu'il parvient à ne pas être un supplice - il demeure en fin de compte tout aussi opaque. Et si le film remporte l'Oscar pour lequel il est un des trois favoris, ce sera effectivement le casse du siècle.