Batman Begins
États-Unis, 2005
De Christopher Nolan
Scénario : Christopher Nolan
Avec : Christian Bale, Michael Caine, Morgan Freeman, Liam Neeson, Gary Oldman, Ken Watanabe
Durée : 2h20
Sortie : 15/06/2005
Après avoir vu ses parents tués sous ses yeux lorsqu'il était enfant, Bruce Wayne décide de devenir justicier à Gotham City. Aidé par son mentor Henri Ducard, il deviendra Batman.
BATMAN LE DEFI
Huit ans. Huit longues années sans nouvelles du vengeur chauve-souris sacrifié à l'autel du marketing par la Warner et Joel Schumacher. L'incroyable médiocrité de Batman et Robin avait temporairement mis fin aux aventures cinématographiques du héros créé par Bob Kane. Depuis ce fiasco, le sauveur de Gotham City se terrait dans sa Batcave, supplanté dans le cœur du public par un certain Spider-man et une horde de mutants... L'heure du grand retour a enfin sonné. Après de nombreux projets avortés et une kyrielle de scénarii rejetés par un studio soucieux de ne pas brader sa franchise la plus prometteuse en terme de dollars, le sort de Batman a été confié à un réalisateur anglais à la réputation flatteuse, Christopher Nolan. Un choix audacieux. Malgré le statut culte de Memento et d'Insomnia, deux polars très originaux, ce dernier n'avait jamais prouvé sa capacité à tenir les commandes d'un blockbuster de 150 millions de dollars... N'entretenons pas davantage le suspense. Oui, Batman Begins est une authentique réussite, un salvateur retour aux origines du mythe qui remplit parfaitement son cahier des charges. Un pari réussi haut la main qui devrait réconcilier public et critique sur ce que doit être un grand film de divertissement.
DOUBLE FACE
Même si Christopher Nolan a dû accepter des compromis inhérents à une telle production, il a su imprimer sa patte à l'univers très codifié de Batman. Dès son premier film, The Following, et plus encore avec le génial Memento, Nolan avait démontré sa maîtrise d'une narration éclatée à son paroxysme. La première heure de Batman Begins est un modèle du genre, à disséquer dans les écoles de cinéma. Le Londonien entremêle différentes strates temporelles, confond passé et présent, intègre intelligemment les flash-backs traumatiques à l'intrigue principale, la création d'un super-héros, pour emporter Bruce Wayne dans un tourbillon d'images et de sentiments contradictoires. "Je suis très intéressé par le conflit entre la vision subjective d'un individu et la réalité objective. Pour moi, le cinéma est le meilleur médium pour développer cette tension", déclarait-il lors de son passage au Festival du Film Américain de Deauville pour Insomnia. Batman Begins tient justement dans cette remise en question du bien et du mal. Ra's Al Ghul veut raser Gotham City pour rétablir un monde meilleur, Batman utilise la peur comme L'Épouvantail, le terrifiant homme de main de Ra's Al Ghul. Bruce Wayne, sans le vouloir, va finalement créer un copycat extrêmement dangereux....
BAT-DANCE
Aidé par le scénariste David Goyer (la saga Blade), Christopher Nolan a adopté un parti pris réaliste, mettant de côté les fantaisies gothiques de Tim Burton et les délires crypto-gay de Joel Schumacher. Amoureux du cinéma d'action des années 70, et particulièrement des James Bond, il a réussi à retranscrire la magie des films d'espionnage des seventies, à conjuguer enquête policière, dilemmes moraux et même traits d'humour parfaitement intégrés à l'histoire, sans jamais tomber dans le superflu. Le plus surprenant finalement, c'est le sentiment de facilité qui se dégage de Batman Begins. Evidence des choix de casting (Christian Bale est parfait dans le rôle-titre, son visage acéré suggérant pleinement les doutes du héros), lisibilité des enjeux, création d'une ville non identifiable mais pourtant bien réelle (qui n'est pas sans rappeler la cité noyée par la pluie et la lumière des néons de Blade Runner), approfondissement psychologique de chaque personnage, du flic incorruptible à bout de force à l'assistante idéaliste du procureur, intégration parfaite et rationnelle des gadgets de la chauve-souris... Après une telle démonstration de savoir-faire, on se demande comment Hollywood peut parfois engendrer des Daredevil ou confier des projets d'envergure à des faiseurs comme Brett Ratner (X-Men 3). Reste à prier que la franchise, maintenant remise sur les rails du succès, ne tombe pas dans de mauvaises mains...