Baby Cart
Kozure Okami
Japon, 1972
De Kenji Misumi
Scénario : Goseki Kojima
Avec : Akihiro Tomikawa, Masahiro Tomikawa, Tomisaburo Wakayama, Shingo Yamashiro
Photo : Chishi Makiura
Musique : Hideaki Sakurai
Durée : 1h23
Le bourreau du Shogun, Ogami Itto, est l'objet d'un complot ourdi par le clan Yagyu. La femme du bourreau est assassinée mais ce dernier parvient à s'échapper avec son fils âgé de trois ans. Il jure de prendre un jour sa vengeance.
CHAMBARA SPAGHETTI
La ressortie sur grand écran par Wild Side de l'intégralité de la saga Baby Cart permet de revenir sur cette série mythique qui a influencé de nombreux cinéastes, dont bien sûr Quentin Tarantino pour Kill Bill. A l'origine existe un manga culte, Kozure Okami ("le loup et l'enfant"), dont le titre est plus connu sous sa traduction américaine, Lone Wolf and Cub (neuf tomes sont édités en français par Panini Comics). Le manga est signé Kazuo Koike, l'auteur de Crying Freeman. Après le succès rencontré par le premier volet, Le Sabre de la vengeance, Baby Cart va se décliner en cinq longs métrages, tous réalisés entre 1972 et 1974: L’Enfant massacre, Dans la terre de l’ombre, L’Ame d’un père, le coeur d’un fils, Le Territoire des démons, Le Paradis blanc de l’enfer. Sa notoriété dépassera les frontières japonaises. Les producteurs David Weisman et Robert Houston réalisent un nouveau montage pour le public occidental; les deux premiers volumes de la saga deviennent un film d'1h30 qui sort sous le nom de Shogun Assassin. Malgré ce crime de lèse-majesté, son impact ne s'est jamais démenti outre-atlantique, si bien qu'aujourd'hui Darren Aronofsky (Requiem for a Dream) aimerait mettre en scène un remake de l'oeuvre originale, plus fidèle au travail de Kazuo Koike.
PAN DANS TON CULTE
Le statut de film culte accordé à Baby Cart et à sa descendance se justifie dès les premières minutes du Sabre de la vengeance. Dans une séquence à la photo d'une blancheur éclatante, le bourreau du Shogun, Ogami Itto (Tomisaburo Wakayama, impassible) donne sans sourciller le coup de grâce à la jeune progéniture bâtarde de l'empereur. Kenji Misumi établit d'emblée les codes formels de son chambara (film de sabre japonais): mutisme du personnage principal, scènes d'affrontements psychédéliques, vertige graphique et violence outrancière. Le metteur en scène se plait également à briser la linéarité narrative par l'insertion de flash-backs explicatifs qui permettent de mieux cerner la personnalité du héros. Certains épisodes sont véritablement poignants - le refus du hara-kiri pour devenir un Ronin (un samouraï sans maître), le choix laissé à l'enfant en bas âge - mais l'intérêt de la série réside essentiellement dans la modernité de sa mise en scène et l'incroyable inventivité dont fait preuve Kenji Misumi pour ne jamais filmer deux combats de la même manière. Bien sûr on reste dans le cadre du cinéma bis avec les défauts inhérents au genre (un certain goût pour le sadisme, une vision très misogyne du sexe faible, un côté "seul contre tous" un peu lassant), mais Baby Cart mérite amplement sa réputation. Il serait dommage de passer à côté, surtout si vous avez aimé Zaitochi de Takeshi Kitano.