Aventure interieure (L')

Aventure interieure (L')
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Le lieutenant Tuck Pendleton, aviateur indiscipliné et tête brûlée, est le cobaye volontaire d’une expérience de miniaturisation classée top secret. Enfermé dans une capsule et réduit à la taille d’une particule, il a pour mission d’explorer le système vital d’un lapin. Mais contre toute attente, il est injecté dans la fesse d’un caissier trentenaire hypocondriaque et dépressif. Comme ses réserves d’oxygène s’amenuisent d’heure en heure, la course contre la montre s’engage.

STEVEN SPIELBERG PRESENTE

Rappelez-vous les années 80, cette époque bénie où maître Spielberg (s’)investissait sans compter dans le divertissement de qualité: films d’aventures débridés (Retour vers le futur, Les Goonies, Le Secret de la pyramide), comédies fantastiques (Qui veut la peau de Roger Rabbit?, Poltergeist, Gremlins), avec un succès préfigurant déjà celui de son futur studio Dreamworks. Lorsqu'on lui apporte un scénario aux fortes réminiscences du Voyage fantastique (1966), le classique de science-fiction de Richard Fleischer, tonton Spielby et neveu Dante flairent d’instinct toutes les possibilités gargantuesques qu’offre le script. Les pionniers des effets spéciaux - parmi lesquels le grand Dennis Muren, déjà à l’œuvre sur Star Wars – avaient désormais les moyens techniques de concrétiser à l’écran une représentation réaliste de l’organisme humain, vu de l’intérieur, avec globules rouges et blancs en action. A l’aide d’images inédites et inspirées, et au prix d’un Oscar mérité, ces hommes allaient enfin dépoussiérer l’iconographie de la science-fiction, qui mis à part la sainte trilogie de Lucas, en était restée aux décors carton-pâte de la série Star Trek et au kitsch extraordinaire de Flash Gordon (Mike Hodges, 1980). A l’heure du numérique, ces superbes effets n’ont pas pris une ride et restent fabuleux. Retenant la leçon narrative des Aventuriers de l’Arche perdue, Joe Dante enchaîne sans faiblir rebondissement sur rebondissement et, généreux, s’efforce d’offrir toujours plus que son génial pitch de départ.

LA MACHINE JOE DANTE: ZERO DEFAUT

Là où beaucoup se seraient contenté de 90 minutes sans surprise, et où tant d’autres auraient rallongé sans tenir, Joe Dante ose prolonger l’aventure sur deux heures pleines, sans jamais fléchir. Pour une "petite comédie du samedi après-midi", c’est un exploit. Bien sûr, une fois le film sur ses bases, l’intrigue se révèle n’être qu’un astucieux jeu du chat et de la souris, avec son lot de scènes obligées (courses poursuites, filature, infiltration, capture, évasion…). Mais l’inventivité délurée du cinéaste, combinée à l’efficacité des créateurs d’ILM à matérialiser son imaginaire, affranchissent le film de son statut de simple série B. L’Aventure intérieure est l’exemple concret de ces productions – divertissantes, artistiquement ambitieuses et réussies - qui manquent si cruellement au paysage cinématographique actuel. Si d’aucuns pestent à tort contre le côté copiste de Dante (il est vrai qu’il garnit abondamment ses films de références), force est de reconnaître pourtant qu’il ne tombe jamais dans la parodie ou le plagiat, et qu’il parvient toujours à se réapproprier le concept d’un autre avec succès (Piranha et Les Dents de la mer, Gremlins et E.T.), voire même à le transcender (L’Aventure intérieure surpasse largement le classique de Fleischer). Contrairement au film de 1966, où l’action se déroule exclusivement à l’intérieur du corps humain, Dante et les scénaristes ont par exemple eu l’astucieuse idée de dédoubler l’action à l’extérieur, créant ainsi une mise en abyme maintes fois réjouissante.

LOST IN THE BODY

Pour l’inventivité de son scénario, Dante doit énormément à Jeffrey Boam, génial scénariste trop tôt disparu, sous-employé en raison d’une santé précaire (on lui doit également Dead Zone de Cronenberg, Génération Perdue de Schumacher, Indiana Jones et la dernière croisade et les très bons volets deux et trois de L’Arme Fatale). On peut apercevoir au tout début du film Boam effectuer un caméo de quelques secondes, interviewé par Meg Ryan. Au milieu d’une intrigue en roue libre, de répliques efficaces et piquantes, de redondances réjouissantes entre les deux comédiens principaux et de scènes cultes à la pelle, Boam et Dante se lâchent dans le n’importe quoi jubilatoire, enchaînant avec furie sketchs à la Saturday Night Live (dont Martin Short est issu), course-poursuite avec des méchants miniaturisés taille nain, ou encore transformations faciales grand-guignolesques (dont Total Recall se fera l’écho trois ans plus tard), qui font basculer la science-fiction et la comédie dans le fantastique le plus ludique. Un monde déjanté auxquels participent avec un bonheur démonstratif l’extravagant Dennis Quaid (comme il a pu l’être avec talent en incarnant Jerry Lee Lewis par la suite) et l’enragé – et malheureusement oublié - Martin Short. Le premier incarne sans surprise l’archétype du héros américain, savant mélange entre son personnage de L’Etoffe des héros et le Maverick/Cruise de Top Gun, et habilement réduit ici par la force des choses à un rôle passif. Quaid, qui passe la quasi-totalité du métrage assis dans sa capsule, fait néanmoins preuve d’un énorme charisme et d’un indiscutable leadership en incarnant la conscience du peureux Putter. Ce dernier, sorte de Joe Pesci amputé de sa partie mafieuse, et galvanisé par les conseils de son Jiminy Cricket intérieur, explose littéralement à chaque poussée d’angoisse, et autant dire que rien ne lui est épargné.

JACK PUTTER A LA RESCOUSSE

Au milieu de ce déluge d’images colorées, Dante tente habilement de nourrir son histoire de différentes péripéties amoureuses, plus ou moins abouties (entre Lydia et Tuck Pendleton bien sûr, mais aussi entre Lydia et Jack Putter, et dans une moindre mesure entre Putter et la bêtifiante Wendy), mais assez concluantes (Ryan et Quaid ayant d’ailleurs entamé sur le tournage une longue idylle, aujourd’hui consommée). Scène sûrement anodine au départ, mais devenue culte pour son aspect loufoque et singulier, la rupture du début de film entre Lydia et Tuck est un parfait exemple de la subtile étrangeté de ton, mi-drôle mi-grave, qui fait le charme de Joe Dante, et de cet humour, de cette tendresse qu’il octroie toujours à ses personnages. Sur la superbe chanson Cupid de Sam Cooke, Tuck, les bras en croix, les jambes écartées, et joyeusement à poil dans une rue déserte, regarde sa belle lui échapper dans un taxi en lui beuglant un "Lydia" irrésistible, qui continue encore de résonner. Un peu plus tard, c’est encore sur du Cooke qu’il se remettra, sur le magnifique titre Twisting the Night Away, où Putter et lui s’enfoncent dans une beuverie vibrante, au moins aussi déhanchée que le calypso Day-O qui faisait se remuer la famille Deitz dans Beetlejuice. Les deux compères sont d’ailleurs, et malgré les efforts d’ILM, les deux véritables effets spéciaux du film, qui fonctionne pleinement sur leur parfaite alchimie. Complémentaires et complices, ils offrent une jolie variation du duo Martin et Lewis. Un film à voir et revoir. Et revoir.

par Yannick Vély

En savoir plus

Dante, en bon fan de Tex Avery (il n’y a qu’à voir son présent Looney Tunes pour s’en convaincre) ne peut s’empêcher de faire plusieurs clins d’œil à son héros – Bugs Bunny. Outre la miniaturisation initiale censée se dérouler dans un lapin, l’appartement de Tuck est parsemé de différents Bugs Bunny peluches ou automatisés. Son créateur, le célèbre Chuck Jones, fait même une apparition remarquée dans le film, en reprochant à Martin Short le prix exorbitant d’un flacon d’aspirine.

Plusieurs visages connus, à défaut d’être reconnus, parsèment le film (outre les caméos de Jones et Boam). On y retrouve par exemple Vernon Wells – punk charismatique dans Mad Max II et inoubliable Bennett dans Commando – en tueur à gages manchot, mais aussi le charmant Henry Gibson (chef nazi dans The Blues Brothers, homosexuel chamaillé par William H. Macy dans Magnolia), Dick Miller (ici en chauffeur de taxi, avant ça victime des Gremlins et figure récurrente des films de Dante) ou encore Kevin McCarthy en méchant suprême, hommage à son personnage du Docteur Miles dans L’Invasion des profanateurs de sépultures (l’original de 1956 de Siegel).n

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