Aprile

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Consterné par la victoire de Berlusconi aux élections de 95 en pleine période de cogitation post-tournage, Moretti signe son second journal intime, un joyeux foutoir entre le documentaire nombriliste et le divertissement embourbé dans l'actualité. Depuis, le cinéaste a connu la consécration avec La chambre du fils et Berlusconi, fasciste manipulateur néanmoins sympa et pétillant, dirige le pays.

Peu de cinéastes peuvent se targuer d'avoir au palmarès un ours berlinois, un lion viennois et une palme cannoise, quoique controversée devant la virtuosité d'un Mulholland Drive asphyxiant la simplicité trop évidente de cette chambre thérapeutique qui permit à Moretti d'asseoir sa suprématie dans un pays où l'intellectuel et le dissident sont chassés à cour. Aprile, bijou à coeur ouvert faisant suite au Journal intime où Moretti jouait préalablement au yo-yo émotionnel entre la société, l'intime et le cinéma, opère une fracture avec son aîné. Si le premier, structuré en trois chapitres, laissait percer des moments de pure émotion d'un généreux narcissisme, Aprile respire la liberté du brouillon euphorique.

Perdu entre sa hargne envers la victoire berlusconienne (et sa déchéance... Depuis six ans sont passés pour retourner au point mort) et la joie de la naissance de son fils, Moretti plonge dans un chaos de contradictions et livre un objet à la première personne bordélique et beaucoup plus attachant, saccadés d'ellipses et de paradoxes extrêmement humains. Nanni observe, avec un cynisme délectable, son pays, son métier, et Hollywood (d'où une petite scène furibarde après la vision du navet Strange Days). Léger et essentiel, Aprile symbolise un parcours du combattant introspectif, entre le désir de création engagée et la bulle lucide. Une félicité sur pellicule à déguster par doses homéopathiques, un film de real cinema à la liberté revigorante.

par Yannick Vély

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