American Beauty

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American Beauty
États-Unis, 1999
De Sam Mendes
Scénario : Alan Ball
Avec : Annette Bening, Wes Bentley, Thora Birch, Chris Cooper, Kevin Spacey, Mena Suvari
Photo : Conrad L. Hall
Musique : Thomas Newman
Durée : 2h02
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Lester Burnham, quadragénaire coincé dans un mariage morne et un boulot morose, va se réveiller au contact d’une jeune adolescente et chambouler sa vie ainsi que celle de son entourage.

THE FIRST DAY OF THE REST OF YOUR LIFE

Six ans plus tard, qu’en est-il d’American Beauty, auréolé de cinq Oscars (film, réalisateur, scénario original, acteur principal et photographie), premier long métrage d’un metteur en scène venu du théâtre choisi personnellement par Steven Spielberg, patron de Dreamworks, studio encore à ses débuts, pour porter à l’écran un scénario réputé inchangé depuis son premier jet, déjà parfait? L’œuvre, qui avait fait à l’époque l’objet d’un petit phénomène, doit souffrir aujourd’hui de la comparaison inévitable avec nombre de films à avoir exploré les mêmes thèmes (notamment dans le cinéma indépendant) concernant un certain marasme social, qu’il s’agisse de la vie de couple ou bien du rapport aux biens matériels (sur ce point, le film partage une parenté avec Fight Club, sorti la même année, où l’on retrouve également un pion d’entreprise qui va dynamiter sa triste existence). Cependant, la qualité de l’écriture et de la réalisation transcendent la temporalité et font d’American Beauty un film toujours aussi frais et original. En effet, c’est par une exploitation habile des archétypes (pour ne pas dire clichés) du genre et une approche formelle à première vue académique mais en réalité très riche qu’Alan Ball et Sam Mendes ont su livrer un véritable bijou cinématographique.

UNE VIE MOINS ORDINAIRE

Le titre du film désigne une variété de roses. La fleur en question est un motif récurrent du film, symbole d’une vie meilleure, voire fantasmée, par le biais de séquences oniriques où le protagoniste principal, Lester Burnham, voit l’objet de ses désirs, la jeune amie de sa fille, le séduire à grands renforts de pétales de roses. Le titre fait évidemment référence aussi à un autre thème du film, explicité par le personnage de Ricky Fitts, voisin des Burnham, toujours affublé d’un caméscope numérique, prêt à capturer la beauté du monde qu’il perçoit dans le moindre détail insignifiant de la vie, comme un sac plastique que le vent faire virevolter. Ou plutôt voit-il la beauté là où d’autres ne la voient pas, comme chez Jane Burnham. Faire-valoir de sa meilleure amie, Jane est l’adolescente marginale typique, cheveux tirés en arrière, maquillage dark et attitude rebelle. Archétype que le scénariste va mettre en opposition avec son pendant inverse, Angela Hayes, extravertie et sexuellement libérée en apparence, dont la plus grande crainte est d’être "ordinaire". Ordinaire aux yeux de Ricky, qui la considère semblable à des milliers d’autres filles américaines désireuses d’être mannequins mais sans réelle personnalité. Extraordinaire, aux yeux de Lester, pour qui elle représente tout le contraire de sa femme, Carolyn, carriériste embourgeoisée qui s’est fondue autant que lui dans le moule professionnel et social de la middle-class américaine. Pour Lester, Angela est la Lolita qui viendra éveiller ses sens et lui faire redécouvrir la vie. Il n’est pas innocent de voir qu’Angela et la Lolita de Vladimir Nabokov partagent un nom de famille. Lester Burnham est également un anagramme de "Humbert learns" (littéralement "Humbert apprend") en référence au personnage principal du roman de Nabokov. L’ordinaire et la banalité deviennent alors le gouffre duquel souhaite s’extraire Lester.

LOOK CLOSER

Pour illustrer cette structure au sein du scénario où personnages et événements se répondent pour mieux se compléter, Mendes adopte trois styles formels distincts. On remarque surtout une mise en scène soignée au niveau de la composition des cadres, où tout est parallèle et perpendiculaire, ne laissant aucune place au débordement, épousant au mieux cette description d’un quotidien régulier et régulé. Le visuel est alors aussi calme que la vie de Lester est sans relief. Néanmoins, il ne faut pas y voir un classicisme simplet tant la direction de Mendes s’avère riche en détails. Le slogan du film, également thème récurrent, se formule ainsi: "Regardez de plus près". Ainsi, par le truchement de nombreuses techniques, l’auteur attire subtilement l’attention du spectateur sur des détails plus importants, carrément révélateurs. Qu’il s’agisse de cadres dans le cadre (les armatures d’une fenêtre, la lucarne vitrée d’une porte, les barreaux des escaliers) ou bien de jeu avec la lumière (comme par exemple lorsqu’un rai de lumière survient presque surnaturellement pour éclairer le bas du visage de Jane et ainsi révéler son sourire), le réalisateur se sert de l’outil cinématographique pour mieux faire ressortir l’essentiel. Les exemples les plus littéraux ne sont autres que les nombreux zooms effectués par le caméscope numérique de Ricky, très fréquemment dirigés vers Jane, regardant de plus près pour révéler la beauté, voire la vérité. Parce que l’image granuleuse de cette caméra entre directement en opposition avec le formalisme de la mise en scène générale, au même titre que les séquences rêvées de Lester viennent perturber de l’intérieur le conformisme de la vie de ce dernier. American Beauty c’est autant de petits détails, a priori insignifiants ou bien considérés comme acquis, qui viennent être révélés, mis en valeur, au travers d’une esthétique en apparence classique et pourtant dense.

par Robert Hospyan

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