Adieu ma concubine

Adieu ma concubine
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Adieu ma concubine
Ba wang bie ji
Chine, République populaire de, 1993
De Chen Kaige
Scénario : Lei Bik-Wa, Lilian Lee, Lu Wei
Avec : Leslie Cheung, Gong Li, Fengyi Zhang
Photo : Gu Changwei
Musique : Zhao Jiping
Durée : 2h45

1924, Douzi et Shitou se rencontrent à l’académie de l’opéra de Pékin. Ils y apprennent les rôles principaux de l’opéra "Adieu ma Concubine" qu’ils interprèteront durant toute leur vie. Inséparables, ils traverseront de nombreuses péripéties durant le demi-siècle qui changea la Chine à jamais.

OPERA TRADITIONNEL

Vibrant hommage à l’opéra de Pékin, Adieu ma Concubine est l’oeuvre maîtresse de la filmographie de Chen Kaige. Ce dernier fait partie de la "Cinquième Génération" de réalisateurs qui popularisa le cinéma chinois en Occident. Grâce à ce film, Chen présente au monde entier cet art typique de son pays d’origine, un art totalement codifié où rien n’est laissé au hasard. Chaque acteur revêt une tenue et un maquillage définissant son caractère. Ainsi, les spectateurs comprennent aussitôt à quel genre de personnage ils ont affaire. Ici, Douzi et Shitou incarnent les rôles principaux de l’opéra traditionnel Adieu ma Concubine dans lequel est conté le combat entre les rois Chu et Han. Chu est un guerrier invincible qui tombe dans une embuscade tendu par Han. Les guerriers de Han se mettent à entonner des chants et font croire au peuple que Chu est vaincu et que leur pays est totalement envahi. C’est la débandade. Tout ce qui reste au roi Chu sont sa femme Yu et son cheval. Il essaie de la faire fuir mais celle-ci refuse. Yu danse une dernière fois pour son époux, lui vole son épée et se donne la mort en se tranchant la gorge.

TRADITION ET MODERNITE

Traditionnellement (même si ce n’est plus le cas aujourd’hui), les personnages féminins étaient joués par des travestis. C’est donc Dieyi, nom de scène de Douzi, qui endosse le rôle de Yu, la concubine alors que Shitou, devenu Xiaolou, prend le rôle de Chu. Soutenue par une image majestueuse, dans laquelle le réalisateur et le directeur de la photographie montrent l’ampleur de leurs talents, l’histoire, une tragédie presque shakespearienne, est des plus fascinantes. Deux stars de l’opéra traversent les décennies en assistant aux bouleversements de leur pays. Pendant 52 ans, Dieyi et Xiaolou vivent dans l’ancienne société qui prône la souffrance comme seul moyen de réussite. Ils subissent la Révolution culturelle et l’émergence du communisme, causes majeures de leur propre déchéance et de celle de leur art. Cette évolution du système politique chinois est ici parfaitement représentée. Le réalisateur n’utilise pas seulement ces changements comme un arrière-plan décoratif, au contraire il les intègre à l'odyssée de ses héros. Ainsi l’apparition du nouvel ordre politique et social entraîne l’inexorable disparition des vestiges de l’ancienne société. Ce nouvel ordre poussant les hommes à se trahir les uns les autres, afin de pouvoir survivre dans ce monde qui les rejette. Non content d’appréhender le thème de la trahison avec un talent indéniable, Chen Kaige s’attaque aussi à l’homosexualité. Le personnage de Leslie Cheung, travesti jouant le rôle de la concubine, est amoureux de son partenaire.

RECOMPENSE MERITEE

Mais malgré l’intention visible de dénoncer cette coutume qui voulut que seul des hommes pouvaient jouer dans les opéras de Pékin (y compris les rôles féminins), Chen nous laisse un peu sur notre faim en ne montrant que les sentiments de Dieyi. Jamais les deux personnages principaux n’abordent ouvertement le sujet, nous laissant dans le doute quant aux intentions réelles du réalisateur et de ses personnages. Deux angles d’attaques possibles pour le spectateur, l’aspect historique ou l’histoire d’amour/amitié, une image majestueuses, des décors et des costumes grandioses, Il n’en fallait pas plus pour que la reconnaissance arrive: la Palme d’or (1993, ex-aequo avec La Leçon de Piano de Jane Campion). Mais sa critique envers le nouveau gouvernement et la Révolution culturelle étant bien trop forte, le film fut d’abord censuré et interdit en Chine avant que le succès international ne fasse changer d'avis les censeurs qui autorisèrent la distribution. Il eut été dommage que les habitants du pays nous offrant un tel film ne puissent pas eux-mêmes en profiter.

par Yannick Vély

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