Phil Mulloy

Phil Mulloy
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Réalisateur, Scénario
Royaume-Uni

La plus grosse surprise, lorsque vous découvrez Phil Mulloy pour la première fois, c’est de constater que vous ne pourriez pas le reconnaître si vous le croisiez dans la rue. Pourtant, vous vous étiez fait une telle idée à la vision de ses œuvres que vous vous attendiez à… A quoi d’ailleurs? A un paria, résolument asocial, dont la marginalité transparaîtrait jusque dans son look? A un dandy cynique et poseur, mèche rebelle et fume-cigarette en option? A un alien Zog, parties faciales et tête génitale? Rien de tout cela. Avec ses petites lunettes de premier de la classe, ses cheveux poivre-et-sel de cinquantenaire, son costume noir aux épaules trop larges, Mulloy est passe-partout. Il pourrait être votre voisin – c’est votre voisin. Il ne ressemble à personne d’autre que vous-même, tout comme semblent interchangeables ses petits personnages noir charbon aux sourires uniformément carnassiers.

FUCK YOU, YOU’RE WELCOME

Phil Mulloy en Monsieur Tout-le-monde, vous n’y auriez pas cru. Vous repensez à cette comparaison avec votre voisin. Vous le revoyez sortir les poubelles le matin, la cravate de VRP repliée sur l’épaule pour ne pas la tacher et vous vous dites que Phil Mulloy ne ferait pas cela. Vous connaissez pourtant le passé institutionnel du bonhomme, né bien sagement en 1948 à Wallasey, Cheshire, élevé à la baguette et au crucifix, enfance baignant dans l’iconographie religieuse, partant faire ses études au Ravensbourne College of Art de Londres, élève brillant, diplômé en 1971 du prestigieux Royal College of Art… Mais vous le savez aussi dégoûté par ces mêmes institutions, la religion, l’art de masse, la réussite sociale, les interdits puritains. Ce sont ses courts métrages qui vous l’ont dit. Parfois directement, depuis leurs titres: Cow-boys: Le Conformiste, la série des Dix Commandements ou l’absurde Vie sexuelle d’une chaise. Mais c’est surtout dans la violence directe et sans nuance des images, la simplicité sèche des scénarii, que vous vous étiez construit cette croyance en une fuck-you attitude finalement inexistante. Vous repensez à Cow-Boys: Slim l’entourloupeur, démonstration d’une géniale simplicité de l’abêtissement des masses par le lucre et la propagande; à La Chaîne et ses irrationnels engrenages belliqueux; au sublime Vent des changements, ode cruelle à la résistance artistique contre la dictature politique; à l’incroyable dixième Commandement, Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, cumulant hache plantée dans le dos d’un premier Ministre, zoophilie, frustration et folie grégaire; et surtout au diptyque Intolérance, chef-d’œuvre absolu du réalisateur, pourfendant tabous sexuels, xénophobie et puritanisme, dont la violence et la pertinence de propos vous poursuit toujours. Aussi, s’il vous fallait présenter Phil Mulloy, faire partager votre enthousiasme présenteriez-vous l’homme ou son œuvre?

LA POULE, L’ŒUF, LA GUERRE, LE SEXE, L’ARGENT

Débat vieux comme celui de la poule et de l’œuf. Dissocier la surface sage de Mulloy de son art de tripes éructées, c’est oublier à qui ces mêmes tripes appartiennent. Vous cherchez donc la faille, la cause de ce pourrissement intérieur et de son jaillissement inspiré. Vous connaissez l’anecdote des livres découverts à 12 ans dans la bibliothèque familiale, recueils photographiques d’atrocités, images de guerre, paysans polonais pendus par les nazis. Vous supposez aisément la cicatrice, abondamment rouverte en 1989 avec L’Œil du cyclone... Vous savez le rejet de l’industrie cinématographique hollywoodienne, les choix esthétiques dictés par l’économie de moyens. Vous fantasmez une faconde indomptable… Or si, en découvrant Mulloy, vous n’avez plus aucun doute sur l’extrême minutie de l’animateur-bruiteur-scénariste, travaillant tout dans ses moindres détails, jusqu’au hors-champ, pour assurer une lisibilité et une crédibilité constantes à son épure graphique, ce n’est pas ce que vous espériez trouver en vous attelant à ce portrait. Vous vouliez de la rébellion vacharde et revancharde à la Bill Plympton et vous découvrez une subversion flegmatique, placide, sage, que vous n’attendiez pas. Vous aviez vu l’artiste à l’œuvre, le 14 avril dernier, sur Arte, et déjà cette dichotomie vous avait frappé. Trois toiles vierges lui étaient offertes, tendues verticalement côte à côte. Vous l’aviez observé saisir posément son épais pinceau, l’enduire de peinture noire, et improviser, tout en taillant imperturbablement le bout de gras avec son intervieweur, trois œuvres sales, violentes, grotesques, rehaussées de rouge directement avec la paume et, les surplombant, en lettres épaisses, trois obsessions: WAR, SEX, MONEY. Deux pas en arrière, coup d’œil rapide à son œuvre, Mulloy revint à la charge et paracheva le tout d’un nez rouge en plein centre. Amertume, causticité, provocation: vous aviez retrouvé dans la geste du peintre la férocité de ses œuvres. Sans doute aviez-vous eu tort de chercher plus loin. Vous auriez aussi bien pu replacer Mulloy dans le contexte international de l’animation, en castrateur de Mickey. Mais Mulloy ne vit pas pour l’animation, genre qui ne le passionne que fort peu. En revanche, Mulloy anime ses propres films, parce que c’est ce qu’il fait de mieux. Alors, présenteriez-vous l’homme ou son œuvre? A la réflexion, vous laisseriez les gens choisir…

par Guillaume Massart

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