Mike Leigh

Mike Leigh
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Réalisateur, Scénario
Royaume-Uni

Le cinéma de Mike Leigh est celui de l’ordinaire. Il "portraitise" des situations vraies avec des personnages qui appartiennent au quotidien. Pour retranscrire au plus près cette vérité sur grand écran, il s’est forgé une méthode de travail qui n’appartient qu’à lui et à sa famille de cinéma, qu’il retrouve régulièrement sur les tournages. Un cinéaste exigeant que beaucoup ont tenté de copier mais que nul n’a encore égalé. Mike Leigh ou l’art d’un certain cinéma.

CINEMA VIVANT

Les films de Mike Leigh parlent tous, à un degré plus ou moins important, des relations parents-enfants: en avoir, ne pas en avoir, en vouloir, ne pas en vouloir. La famille étant le microcosme parfait de la société. Puisant ses situations dans le quotidien, il n’a pas son pareil pour sonder la profondeur de l’âme humaine, oscillant entre gravité et dérision. Des gens ordinaires, avec une vie ordinaire, des anti-héros qui n’ont pas pour but de le devenir. Cependant, chaque film du réalisateur offre au final un résultat tout sauf ordinaire. Car il possède une vraie richesse du cœur, un regard critique, satirique et humaniste à la fois. Mike Leigh a la réputation d’être le peintre de la classe sociale anglaise et pourtant il est tout sauf un ardent propagandiste. Ce qui l’intéresse en effet, c’est de mettre le doigt sur un problème et de l’exposer, que ce soit l’exclusion et la solitude dans Naked, l’adoption dans Secrets et mensonges, ou encore l’avortement dans Vera Drake. Il se pose en questionneur et ne veut pas tirer de conclusions hâtives. Pour lui, le public doit en sortant de la salle avoir quelque chose à penser, il veut qu’il relate ce qu’il vient de voir sur grand écran avec sa propre vie et qu’il se demande ce qui pourrait arriver aux personnages par la suite. Un film dont on sort heureux sans jamais y repenser n’est pas aussi bon qu’un film que l’on emporte avec soi et que l’on savoure longtemps après. Ce qui explique la (dramatique) fin ouverte de All or Nothing.

LA VERITE EST ICI

Le cinéma du réalisateur semble à chaque fois prendre la température politique et sociale de l’Angleterre au cours de la période qu’il représente à l’écran. Dans High Hopes et Life is Sweet, c’était les années "Thatcher" qui étaient dépeintes, tandis que Secrets et mensonges traite des tensions raciales dans l’Angleterre moderne. L’action de Vera Drake se situe, elle, dans les années 50, car le réalisateur voulait tourner un film à cette époque, qu’il connaît bien, une époque d’innocence. En effet, après la guerre, ce fut le temps de la respectabilité, de l’honnêteté, et il trouvait que cette innocence était appropriée au sujet du film - et surtout il ne voulait pas que son film soit contemporain pour éviter d’être taxé de moralisateur. La vérité dans les films de Mike Leigh tient d’une part à cette particulière façon de filmer mais aussi à son approche documentaire d’un film. En effet, la recherche tient une place prépondérante dans son travail de réalisateur. Il prend toujours le temps et la patience de tout connaître sur le sujet qu’il va traiter, et part parfois avec une idée en tête et modifie celle-ci aux cours de ses recherches car il "tombe" sur un développement intéressant. Le secret d’un film qui sonne vrai tient pour lui dans cette préparation. En effet, il considère qu'un film devrait toujours d’une certaine façon avoir une approche documentaire, plus dans le fond que la forme et le style. Si les films de Mike Leigh ont une telle résonance, si ces gens ordinaires sont au final si extraordinaires c’est tout simplement car les personnages sont réels. Mike Leigh connaît tout sur eux, leur monde mais aussi et surtout comment ils fonctionnent. Chaque film est une nouvelle exploration des sentiments humains. Mais pour atteindre cette vérité, Mike Leigh a mis au point des règles à respecter.

RULES

Avant de commencer un projet, Mike Leigh pose toujours ses conditions aux comédiens, à savoir trois règles principales. Premièrement, ils ne sauront rien de l’histoire; deuxièmement, ils ne sauront rien sur leur personnage; et troisièmement, à aucun moment du tournage ils n’en sauront plus. Quand Mike Leigh travaille sur un nouveau film, il commence donc par caster son équipe, ne sachant rien des personnages, qu’il invente en fait au fur et à mesure en collaboration avec les comédiens. Il travaille ainsi pour maintenir une totale spontanéité pendant les répétitions et créer des improvisations qui seront organiques et sincères. Ce procédé commence des semaines avant que les acteurs ne se retrouvent sur un plateau, devant une caméra. Pour Secrets et mensonges, l’histoire à débuté six mois avant le tournage, six mois à inventer les personnages, leur monde, à improviser pour ensuite trouver une structure. Séquence par séquence, scène par scène, il travaille par improvisation, par des répétitions très rigoureuses, les acteurs développent des scènes, le script est écrit pendant les répétitions. Afin de donner plus de force et d’émotion à son film Secrets et mensonges, il a tenu à ce que Brenda Blethyn et Marianne Jean-Baptiste, les deux principales protagonistes, ne se rencontrent pas avant leur première scène commune. Pour Vera Drake, les autres acteurs ont appris seulement longtemps après le début des répétitions ce dont il était vraiment question dans le film. Il avoue que cette méthode de travail est un véritable défi mais aussi que le résultat est à chaque fois au-delà de ses espérances.

L’IMPORTANCE DE LA FAMILLE

Une telle méthode de travail demande une totale confiance de la part des comédiens qui avancent à tâtons dans la toile du réalisateur. Et si la famille joue un rôle central dans les films de Mike Leigh, il en est une pour lui d’importante, celle du cinéma. Le cinéaste en effet aime s’entourer de ses fidèles. Phil Davis, qui joue le mari de Vera Drake, était déjà présent dans High Hopes et Secrets et mensonges. Peter Wight était également à l’affiche de Naked et Secrets et mensonges. Jim Broadbent, juge dans Vera Drake, avait décroché le prix d’interprétation à Venise pour Topsy-Turvy. De même, Mike Leigh a de nouveau fait confiance à une partie du casting de All or Nothing, filmé juste avant. Abandonnant cela dit le fantastique Timothy Spall, qu’il a déjà dirigé six fois, que ce soit au théâtre ou devant sa caméra, et Lesley Manville, avec qui il a déjà tourné quatre longs métrages. Les plus fidèles alliés du réalisateur étant sans conteste le chef-opérateur Dike Pope, présent depuis Life is Sweet, et le compositeur Andrew Dickson. Imelda Staunton étant une nouvelle venue dans son clan.

RECONNAISSANCE DE SES PAIRS

Mike Leigh se décrit lui-même comme un réalisateur très strict qui n’aime pas faire les choses pour le simple fait de les faire. Par exemple, la structure en flashbacks de Career Girls était imposée par le sujet du film, ces deux femmes qui se retrouvent après des années et qui se rendent compte que le temps a passé. Cette exigence doublée de la rigoureuse méthode de travail que l’on sait porte cela dit ses fruits. De fait, faire la liste des récompenses obtenues par Mike Leigh au cours de ces dernière années reviendrait presque à citer tous ses films. Le réalisateur est en effet un habitué des festivals. Il fut déjà présent trois fois à Cannes, que ce soit pour présenter All or Nothing en 2002, recevoir le prix du meilleur réalisateur et sacrer David Thewlis meilleur acteur pour Naked en 1993, ou encore pour Secrets et mensonges en 1996, pour lequel il a remporté la Palme d’Or et la comédienne Brenda Blethyn le prix d’interprétation. Il semblerait que ce soit effectivement une constante chez Mike Leigh, car il a reçu en 2004 le Lion d’Or à la Mostra de Venise, et Imelda Staunton également la coupe Volpi pour sa performance dans Vera Drake. Topsy Turvy, son premier film en costumes, qui s’inspire librement de la vie de Gilbert et Sullivan, maîtres du théâtre musical à la fin du XIXe siècle, fut le meilleur film de l’année 1999 pour le New York Film Critics et Mike Leigh le meilleur réalisateur. Le film obtint également deux Oscars (maquillages et costumes). High Hopes reçut lui le prix de la critique internationale au festival de Venise en 1988. Une liste non exhaustive qui ne devrait sûrement pas s’arrêter là.

par Carine Filloux

En savoir plus

2005 Vera Drake 2002 All or Nothing 1999 Topsy-Turvy 1997 Career Girls 1996 Secrets et mensonges 1993 Naked 1992 Two Mikes don’t make a Wright 1990 Life is Sweet 1988 High Hopes 1975 The Permissive Society 1971 Bleak Moments

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