John Woo

John Woo
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Réalisateur, Scénario
Chine, République populaire de

Né en 1946 en Chine, John Woo émigre rapidement à Hong-Kong avec sa famille pour échapper au régime communiste. Adolescent, il savoure les vieilles comédies musicales américaines et les cinéastes français de l'époque: Melville, Truffaut et Jacques Demy. Il commence sa carrière au cinéma en tant qu'assistant du vénérable Chang Cheh, réalisateur de renom au sein de la Shaw Brothers (grand studio de Hong-Kong qui produisit les meilleurs films de kung-fu de l'époque). A ses yeux, Chang Cheh sera son mentor, son guide: Woo adoptera les mêmes valeurs morales et les mêmes thèmes que lui.

Woo en arrive finalement à réaliser son premier film en 1975: Hand of Death. Film de kung-fu honnête et comme on en faisait tant à l'époque, le film reste quand même une curiosité car c'est aussi le premier film avec Jackie Chan... Woo tourne ensuite une pléthore de films alimentaires oscillant entre kung-fu et comédie. Heroes Shed No Tears en 1986 marque le début d'une nouvelle étape dans la carrière de Woo: le film d'action moderne. Evidemment, ce n'est qu'un coup d'essai et le film est objectivement assez moyen mais on retrouve par intermittences la "touche" John Woo qui sera déterminante pour la suite de sa carrière.

Repéré et produit par Tsui Hark (le nouveau prodige de Hong-Kong), Woo voit enfin la possibilité de réaliser le genre de cinéma qu'il voulait faire. Epaulé par Ti Lung (acteur dans quelques films de Chang Cheh) et surtout, par Chow Yun-Fat (encore inconnu à l'époque), Woo définit avec Le Syndicat du crime toutes les composantes de son cinéma. L'histoire, simple mais forte, fait des ses protagonistes des héros sur-dimensionnés aussi bien moralement que physiquement. De même, en une seule scène, Woo réinvente totalement le "gunfight" aussi bien au niveau du montage que de la chorégraphie et impose évidemment la fameuse image du tueur avec un flingue dans chaque main. Le cinéma de Hong-Kong était dans une phase transitoire à cette époque (le film de kung-fu traditionnel était mort) et Le Syndicat du crime est arrivé au bon moment, lançant la vague du "polar HK" pour les années à venir. Bien entendu, au vu de ce succès sans précédent, toute l'équipe a travaillé en vue d'une séquelle. Mais la personnalité tyrannique de Tsui Hark aura un certain impact sur le film et Le Syndicat du crime 2 manquera cruellement de personnalité, désservi par un scénario plutôt inintéressant. Reste quand même le climax final: une gunfight ultime et indispensable à voir, Quentin Tarantino dira plus tard que c'est tout simplement "la meilleure gunfight au monde", rien que ça...

La même année (1987), Woo réalise Just Heroes, un polar dont les recettes serviront à payer une retraite bien mérité à Chang Cheh. Le film fera un score honorable au box-office hong-kongais mais restera longtemps invisible en Occident, néanmoins, il jouit d'une bonne réputation. En 89, vient enfin la consécration: The Killer est présenté au marché du film à Cannes et déchaîne les passions. Considéré par beaucoup de fans comme le chef d'œuvre ultime de John Woo, The Killer reprend tous les éléments du cinéma de Woo et les magnifie au centuple. Chow Yun-Fat est impérial dans son rôle de tueur rongé par le remord et sa volonté de rendre la vue à la femme qu'il a aveuglé par accident. Et le côté chevaleresque n'en reste pas là grâce à la relation entre le tueur et le flic: opposés par leur fonction, ils en viennent finalement à s'estimer l'un l'autre et à briser les barrières qui les séparent. Dès les premières images, on est bluffés par la perfection de la mise en scène et du montage. Si vous avez le Première n°219 (Juin 1995), vous y trouverez le montage du début de la première gunfight: ça ne dure que quelques secondes à l'écran mais c'est d'une richesse immense pour tout apprenti-cinéaste. C'est vraiment du grand art dont le point culminant pourrait être la gunfight final dans l'église: les colombes, la musique classique, la vierge marie, la passion qui anime les personnnages, la chorégraphie et les superbes ralentis.

En 90, la rupture avec Tsui Hark est définitive et Woo puisera son inspiration au plus profond de lui-même, délaissant ses héros parfaits et délivrant son film le plus sombre et le plus personnel, à savoir Une Balle dans la tête. L'affiche est on ne peut plus explicite: "Hier les meilleurs amis... aujourd'hui, les pires ennemis". Le spectateur sait d'avance que la descente aux enfers des personnages sera terrible et Woo va jusqu'au bout, plongeant dans une noirceur totale. Le film recèle de scènes traumatisantes et la fin sans espoir en font définitivement un ovni dans la carrière de Woo mais il reste quand même l'un des films préférés des fans. Evidemment, le ton du film n'a pas vraiment plu aux hong-kongais, plus habitués à un cinéma de divertissement, et Woo se remet vite au travail pour décrocher un nouveau succès. "Once a thief" sort pour les fêtes de fin d'année et le public découvre un Woo beaucoup plus léger délaissant quelque peu l'action pure au profit de la comédie. A noter que Woo se fait quand même plaisir en rendant hommage au Jules et Jim de François Truffaut via les relation triangulaire entre ses personnages et le fait de tourner la moitié du film en France. Juste un bon divertissement pour qu'il se remette en selle et attaque un projet plus ambitieux.

Et c'est le tour de force en 92: Hard-Boiled devient LE film d'action par excellence: jamais les gunfights n'ont été aussi impressionantes. Chaque scène d'action est un morceau de bravoure à lui tout seul et c'est là que Woo commence à vraiment percer en Occident via une distribution vidéo adéquate. Les articles élogieux se suivent dans les plus grandes revues de cinéma et rapidement, se constituent un culte autour de John Woo. Le vent en poupe et la rétrocession de Hong-Kong à la Chine approchant, il émigre aux USA. Jean-Claude Van Damme fera appel à Woo (et plus tard: Ringo Lam et Tsui Hark) pour relancer sa carrière. De cette union, émergera Hard Target qui laissera les fans mi-figue mi-raisin: honnête et doté de quelques belles gunfights, le film n'arrive jamais à décoller. Les studios donnent une seconde chance à Woo et il commet Broken Arrow, considéré comme son plus mauvais film: c'est tout simplement un blockbuster insipide et sans âme. Bizzarement, le film tient la route au box-office et les studios, rassurés, donnent enfin carte blanche à John Woo.

Et en 98, Woo renaît de ses cendres avec Volte/face, imposant son style dans le cinéma américain. L'image de Nicolas Cage au ralenti avec son long manteau marquera inconsciemment quelques esprits. Mais évidemment, l'intelligence du film et son thème sur la perte d'identité le démarque de la production américaine classique et les gunfights ne sont pas en reste même si elles sont moins violentes qu'à Hong-Kong vu que le système de censure n'est pas le même. Succès public et critique, Woo peut maintenant tout se permettre, son nom seul étant capable d'assurer la réussite d'un film. Et c'est en toute logique que Tom Cruise en quête d'un réalisateur pour la suite de Mission: Impossible le choisit pour donner une certaine diversité à la série. Sorti en 2000, le film divise quand même les fans: l'histoire est banale, l'action peu présente (sauf à la fin) et on sent une certaine routine s'installer dans le cinéma de John Woo. Malgré tout, Mission: Impossible 2 possède une esthétique forte et la course-poursuite en moto de la fin arrive à mettre tout le monde d'accord. Comme on voit, la carrière de Woo, s'apparente un peu aux montagnes russes et tous les espoirs convergent maintenant vers Windtalkers, un film durant la seconde guerre mondiale avec Nicolas Cage. Woo réussira-t-il à se réinventer? Wait and see...

par Yannick Vély

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