Windtalkers, les messagers du vent
États-Unis, 2002
De John Woo
Scénario : Joe Batteer, John Rice
Avec : Adam Beach, Nicolas Cage, Mark Ruffalo, Peter Stormare, Roger Willie
Durée : 2h14
Sortie : 04/09/2002
Durant la Seconde Guerre Mondiale, l'armée américaine utilise le langage Navajo pour ses transmissions radio. Le soldat Joe Enders, déjà blessé plusieurs fois durant le conflit, se voit affecté une nouvelle mission, celle d’assurer la sécurité d’un soldat Navajo (Adam Beach), mais surtout de protéger à tout prix le code, y compris aux dépens de la vie du soldat).
Visiblement en quête d’une autre reconnaissance que celle de maître du film d’action, John Woo (lire son portrait), avec Windtalkers, se penche sur un autre aspect de son talent: les rapports humains. Plaçant son récit dans l’histoire vraie de ces soldats Navajos protégés par des soldats blancs, il nous conte l’amitié de deux hommes que tout sépare. Le premier a perdu le goût de vivre au combat et cherche désespérément à oublier. Le second est un Navajo qui s’est engagé dans la guerre et qui s’apprête à découvrir les horreurs du conflit.
On est donc ici dans un terrain connu du film de guerre (la perte de l’innocence, les désillusions), mais en basant son film sur ses deux personnages, Woo ne signe pas un film de guerre en soi, mais un film plus personnel, plus attaché à ses thèmes de prédilection : l’amitié, la noblesse et le sacrifice, en passant même par un regard lucide sur l’armée américaine.
La première chose qui surprend dans Windtalkers, c’est ce choix catégoriquement opposé à ce qui se fait en ce moment. Pas de réalisme exacerbé ici, comme on pouvait le voir sur Il faut sauver le soldat Ryan ou dans La Chute du faucon noir. En situant ses batailles dans de larges espaces, en montrant les victimes comme des pions de chaque côté du conflit, on assiste à une guerre plus classique, moins spectaculaire, mais tout aussi cruelle; ce qui pourrait constituer une déception pour les fans de Woo réalisateur de films d’action, mais on l'a compris, là n'est pas l'intérêt premier du film. Jamais, même au milieu des batailles, on ne lâche la folie de Joe Enders (épatant Nicolas Cage), revivant en permanence le traumatisme des conflits précédents, ou le changement de comportement de Ben Yahzee (Adam Beach, révélation du film).
De même, dans les scènes entre les combats, John Woo brille par la sobriété des rapports entre les soldats, ou en instaurant des moments de poésie typique de son cinéma (les liens entre Christian Slater et son homologue indien en sont un sublime exemple). On verra aussi dans les liens entre ces soldats le regard du John Woo étranger en Amérique. Dans cette armée, personne n’est fondamentalement Américain, tous ont des origines qui les séparent, un avenir de richesse (le rêve américain). Woo n’hésite pas à dénoncer ce melting-pot idéal, rappelant la christianisation des Indiens, ou les noms américanisés des étrangers arrivant en Amérique. Là encore on ne peut qu’y voir la patte d’un réalisateur obsédé par les rapports conflictuels entre les traditions et l’avancée du monde, mais aussi entre l’apparence et la personnalité.
Au final, Windtalkers n'est pas le film de guerre explosif que l’on aurait pu attendre de son réalisateur. En se réappropriant un genre, John Woo réalise un film sur l'amitié, l'honneur et le sacrifice, un grand film humain, sur ce que la guerre fait des hommes, ce qui fait de Windtalkers le plus personnel de ses films américains.