Emmanuelle Béart

Emmanuelle Béart
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Actrice
France

"Un corps de pute avec une tête d’ange". En la qualifiant ainsi, Claude Chabrol résume toutes les ambivalences de la vie et la carrière de l’actrice. Femme forte jouant sur les sentiments, à la fois provocante et douce, scandaleuse et respectable, Emmanuelle Béart a toujours su s’entourer des plus grands réalisateurs. Se jouant de son physique de rêve au travers de rôles torturés, pour finir par s’exhiber en couverture de ELLE au printemps 2003, se lançant inexorablement de nouveaux défis qu’elle assume pleinement, elle s’est imposée, en une quinzaine d’années, comme une icône du cinéma français.

L’EAU VIVE

Née le 14 août 1965 à Saint-Tropez, Emmanuelle est la fille du chanteur Guy Béart et d’une ex-mannequin ayant joué chez Jean-Luc Godard. Pour tenir leurs enfants loin des tumultes du showbiz parisien, le couple Béart décide de les élever à Gassin, village provençal de la Côte d’Azur. Petite fille espiègle, complexée par son corps trop harmonieux recouvert de tâches de rousseurs qui lui sont insupportables, Emmanuelle s’imagine perpétuellement s’échapper de son enveloppe charnelle pour devenir une autre. A l’âge de sept ans, participant dans un petit rôle au film La Course du lièvre à travers champs, elle réalise que le métier d’actrice lui conviendrait parfaitement. L’école ne l’intéresse alors plus que pour analyser les comportements de ses camarades et essayer de les reproduire. Quatre ans plus tard, avec tous les enfants de son village, elle retourne devant la caméra pour le film Demain les mômes de Jean Pourtalé. La même année, elle découvre Romy Schneider au cinéma dans Mado. Sa décision est prise, elle sera actrice quoi qu’il arrive. Pour parfaire son éducation, ses parents l’envoient faire ses trois années de lycée au Canada. Elle y devient bilingue et rencontre Robert Altman, qui lui propose de tourner pour lui. Le film sera arrêté au stade de la pré-production, mais Altman encourage Emmanuelle à s’investir plus amplement dans sa carrière d’actrice.

Un bac international en poche, elle rentre en France et s’inscrit dans un court d’art dramatique parisien. Trois mois plus tard, elle se voit proposer son premier vrai rôle pour le cinéma. Premiers désirs, de David Hamilton, a peu d’intérêt, mais les choses se précipitent pour Emmanuelle. Dès 1984, elle est nommée au César comme meilleur espoir féminin pour son interprétation de jeune femme rentrant dans les ordres après avoir connu une déception amoureuse dans le film Un amour interdit. Le réalisateur Edouard Molinaro tombe sous le charme et l’impose au casting de L’Amour en douce, aux côtés de Daniel Auteuil, qui avait proposé Sophie Duez pour le rôle. Le film est un bide, mais il marque le début d’une histoire passionnelle entre les deux acteurs, qui durera près de dix ans. L’année suivante, 1986, Auteuil reçoit le César du meilleur acteur pour son interprétation de Ugolin dans Jean de Florette et propose Emmanuelle pour le rôle de Manon dans la suite à venir. Claude Berri et Yves Montand refusent, mais la demoiselle se bat. Elle fait valoir sa jeunesse en Provence, son petit accent méditerranéen. Daniel est là pour l’appuyer. A la fin de l’année, Emmanuelle "mène les troupeaux, au pays des olives", comme le chantait son père. Elle séduit la profession, le public et obtient avec ce rôle de sauvageonne des garrigues le César du meilleur second rôle féminin.

L’ENFANT DU DESORDRE

En dépit de sa participation à A gauche en sortant de l’ascenseur du même Edouard Molinaro, Emmanuelle Béart décide de s’orienter désormais vers des rôles dramatiques, poussant la Manon destructrice de ses vingt ans dans ses retranchements les plus profonds. En 1989, elle est Marie dans Les Enfants du désordre de Yannick Bellon, une junkie névrosée qui ne survit que grâce au théâtre. Emmanuelle s’investit corps et âme dans ce rôle violent et révolté, qui restera son préféré. C’est avec la même détermination et la même dévotion qu’elle se lancera dans ses films suivants, choisissant toujours des personnages torturés et hors-normes. En 1991, elle arpente les trottoirs sous la direction d’André Téchiné dans J’embrasse pas, incarnant une prostituée aux faux airs de Louise Brooks. Elle se joue ainsi de ce corps qu’elle n’aime pas, le réduisant au statut de simple objet de désir. Elle va plus loin encore dans son audace charnelle en posant nue pour Michel Piccoli dans La Belle noiseuse, de Jacques Rivette. La Croisette est en ébullition. Certains la considèrent comme scandaleuse et outrancière, Claude Sautet voit en elle une certaine fragilité qu’il n’avait jamais retrouvée depuis Romy Schneider.

Le réalisateur en fait sa nouvelle muse pour Un cœur en hiver. Camille Kessler, jeune violoniste brisant une amitié de longue date, éprise d’un homme hermétique à l’amour, touche les critiques et le public en plein cœur. Emmanuelle s’affirme en tant que comédienne de premier plan d’un certain cinéma français de qualité. Mais l’actrice n’en a pas fini avec son corps démoniaque. Plus provocante que jamais, elle signe en 1994 et 1995 pour L’Enfer de Claude Chabrol et Une femme française de Régis Wargnier. Elle y incarne des femmes trop belles et excessives face à des hommes trop amoureux. Lolita mariée à un homme jaloux, femme de soldat volage flirtant avec le politiquement correct, Emmanuelle se montre sulfureuse, tentatrice, amorale. Les deux films sont rejetés par le public, la presse piétine Une femme française et l’actrice par la même occasion, son histoire avec Daniel Auteuil prend fin. Emmanuelle se retire. Elle a perdu le goût du cinéma et rejette tout ce qu’il implique et représente. C’est sa deuxième collaboration avec Claude Sautet pour Nelly et Monsieur Arnaud qui la sortira de cette mauvaise passe. A la fois fatiguée et naïve dans sa relation avec Jean-Hugues Anglade, étincelante et l’émotion à fleur de peau face à un Michel Serrault qui joue tout en retenue et en nuance, elle semble s’épanouir, passer à une autre ère, une autre vie, plus mature.

A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

Plus sûre d’elle et de son corps, voulant toujours jouer avec les plus grands réalisateurs, elle accepte le rôle peu intéressant de Claire, la femme française de Jim Phelps dans Mission: Impossible de Brian De Palma. Bien que l’expérience soit enrichissante, les studios hollywoodiens ne lui plaisent guère. Ses apparitions dans le cinéma américain se feront désormais selon des choix méticuleux, de petits projets qui lui tiennent à cœur, comme Elephant Juice (1999) ou l’œuvre iconoclaste de Rosanna Arquette, Searching for Debrah Winger, présenté à Cannes en 2003. Son retour en France en 1998 se solde par les deux échecs cuisants que sont Don Juan de Francis Weber et Voleur de Vie d’Yves Angelo. Plus mature, elle surmonte la situation avec brio, se nourrissant de sa rencontre complice et atypique avec Sandrine Bonnaire. Emmanuelle continue. En 1999, elle incarne Gilberte, la fille de Swann et d’Odette, l’amour perdu de Proust, dans Le Temps retrouvé de Raul Ruiz. Belle, menteuse, perverse, ce rôle marque le début du renouveau de l’actrice. Le film est en compétition officielle à Cannes, Emmanuelle fait le déplacement. Elle qui fuyait la presse, elle se montre brillante face aux attaques des journalistes. A-t-elle lu Proust avant de se plonger dans le rôle? Peu importe. Elle est épanouie, surprenante, une autre femme. La même année, elle renoue avec la comédie, elle est Sonia, la sœur bourgeoise de La Bûche de Danièle Thompson. Totalement décomplexée, elle s’amuse et nous amuse au milieu d’un casting de choix.

2000, Les destinées sentimentales, le renouveau continue. Amoureuse éperdue sous l’objectif d’Olivier Assayas, Pauline avance dans la vie avec sérénité grâce à l’amour surdimensionné que lui porte Jean (Charles Berling). De nouveau en compétition à Cannes, elle considère le personnage de Pauline comme son "dernier grand rôle de jeune première", et signe une prestation sans précédent. Emmanuelle est au sommet de son art et retourne sur la croisette l’année suivante pour La Répétition, de Catherine Corsini. Un film sombre, voire malsain, jouant sur la manipulation de ses actrices. Un OVNI peu remarqué. Essayant toujours de se rapprocher de la comédie, elle se laisse entre temps embarquer dans le petit film sans saveur Voyance et manigances, qui passe totalement inaperçu, pour mieux rebondir en 2002. Elle fait partie des 8 femmes choisies par François Ozon pour sa comédie semi-musicale tendance années cinquante. Emmanuelle tire son épingle du jeu au milieu d’un casting rassemblant la crème des actrices françaises. Remarquable en soubrette maîtresse du défunt, elle se dandine langoureusement au son d’un A pile ou face revisité. Un réel instant de grâce. En cette année 2003, elle est de retour avec les Les Egarés d'André Téchiné. Mère protectrice se laissant emporter par ses passions pendant la débacle de 1940, elle a de nouveau gravi les marches du palais des festivals, plus sereine et épanouie que jamais.

par Julie Anterrieu

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2005 L'Enfer 2003 Les Egarés 2002 8 Femmes 2001 La Répétition 2001 Voyance et Manigance 2000 Les Destinées sentimentales 2000 Elephant Juice 1999 La Bûche 1999 Le Temps retrouvé 1998 Voleur de vie 1998 Don Juan 1996 Mission: Impossible 1995 Nelly et Monsieur Arnaud 1995 Une femme Francaise 1994 L'Enfer 1993 Ruptures 1991 J'embrasse pas 1991 Un Cœur en hiver 1990 La Belle noiseuse 1990 Le voyage du capitaine Fracasse 1989 Les enfants du désordre 1988 A gauche en sortant de l'ascenseur 1987 Date with an Angel 1986 Manon des sources 1985 L'amour en douce 1984 Un amour interdit 1984 Raison perdue 1983 L'enfant trouvé 1983 Premiers désirs 1975 Demain, les mômes 1971 La course du lièvre a travers les champs

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