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Superman revient à Metropolis après cinq années d'absence, pendant lesquelles le monde a changé et Loïs Lane est devenue mère de famille. De plus, son vieil ennemi Lex Luthor est sorti de prison et prépare un nouveau plan machiavélique...
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Lorsqu’il embarque pour l’aventure Superman, Bryan Singer met fin à près de vingt ans de development hell, au cours desquels nombre d’idées, en grande majorité mauvaises pour quiconque respecte la bande-dessinée originale mais surtout le sens inné de la cohérence et du sérieux, ont émané des divers scénaristes, producteurs et réalisateurs attachés au
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projet. Conquis par le pitch de Singer et ses scénaristes d’X-Men 2, la Warner décide d’abandonner tout ce qui avait été imaginé jusqu’alors pour épouser la version du réalisateur. Une approche que l’on pourrait croire paresseuse mais qui s’avère en réalité plutôt audacieuse: celle d’offrir une suite plutôt qu’un nouveau départ (à la Batman Begins) à la franchise préétablie. L’opération ne se fait évidemment pas sans quelques consignes: on ne garde de la saga que le chapitre premier fondateur (signé Richard Donner) ainsi que quelques idées du second, bien moins glorieux (réalisé par Richard Lester), reléguant aux oubliettes les nanars que sont les troisième et quatrième épisodes. "Inutile de refaire les origines du personnage que les plus vieux connaissent au travers du film de Donner et les plus jeunes, |
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par le biais de la série Smallville", affirme très justement Singer. Le cinéaste fait appel à ses prédécesseurs comme "un vague historique" connu de tous, à l’instar d’un énième James Bond, "on connaît le personnage, l’univers, cela suffit". Cependant, l’auteur ne manque pas de faire hommage à son illustre modèle tout en fournissant ce qui se révèle bel et bien être un nouvel envol pour ce héros disparu. Ainsi, Superman Returns se veut à la fois une relecture du film de Donner ainsi qu’une suite aux évènements du second volet, le tout exploitant au mieux le potentiel offert non seulement par ces films mais surtout par le comic book originel, tout en témoignant de la patte de Singer. |
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On pourrait poser la ques-tion de la pertinence d’un nouveau Superman. Après tout, le film de Singer pourrait sur plusieurs points passer pour un remake. En effet, immensément respectueux du travail de Donner, le réalisateur s’amuse à revisiter l’original, qu’il s’agisse du générique quasi-identique, de la structure scénaristique menant le récit de Krypton à Smallville puis Metropolis (bien que le premier lieu soit presque intégralement absent de cette version cinématographique, une scène importante fut filmée et devrait être présente sur le DVD), ou bien de scènes-clés comme le sauvetage de l’avion en péril et le vol de nuit de Superman et Loïs Lane, sans oublier la relation entre Lex Luthor et sa bimbo et son plan sous forme d’arnaque immobilière (toujours aussi |
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mégalo et donc quelque peu incohérent). Cependant, malgré l’amour de l’auteur pour son ancêtre, il n’est pas impossible de rectifier ses quelques imperfections afin d’améliorer le film et, contrairement aux remakes de King Kong, il ne s’agit plus seulement de profiter de la technologie d’aujourd’hui mais de faire preuve d’une meilleure compréhension du média initial. Outre l’ablation de détails ridicules comme les perruques de Luthor (assez habilement tournées en dérision ici) et son sidekick maladroit Otis - le Jar-Jar de l’époque -, Superman Returns annule également l’idée véhiculée par le film de 1978 selon laquelle Metropolis comprend les tours du World Trade Center et la Statue de la Liberté, si caractéristique du panorama de New York, où furent tournés les extérieurs du film. S’inspirant de la bande-dessinée et de son |
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affection pour les classiques, Singer préfère situer Metropolis dans un environnement urbain indéfini et très rétro. Le design art-déco des immeubles fait écho à l’époque durant laquelle fut créé le personnage. Mais la question ne porte non pas tant sur ces éléments stylistiques plutôt que sur les éléments thématiques qu’il y avait à retirer du matériau de base. |
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Déjà sur ses deux X-Men, Bryan Singer, pourtant néo-phyte en comics, avait tout compris sur son sujet. Il fit de ses héros discriminés la représen- tation de différen-tes minorités qui elles, n’avaient rien de fictives, qu’il s’agisse de discrimination religieuse, raciale ou sexuelle. Ici, l’auteur aborde deux des principaux thèmes qui font du personnage ce qu’il est, à savoir son caractère mythique et sa quête d’une place sur Terre. Enfant adopté et fils unique lui- |
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même, Singer creuse ce sentiment qu’il partage avec son protagoniste, cherchant constamment à être accepté. Lorsqu’il revient après une absence de plus de cinq ans, Clark Kent/Superman se retrouve confronté à un monde où celle qu’il aimait va recevoir un prix pour un article dans lequel elle explique "Pourquoi le monde n’a pas besoin de Superman", en plus d’être la mère d’un enfant dont le père est un autre. Plus encore que par la cellule familiale (Martha Kent a accepté cet enfant venu du ciel dès le premier jour), c’est par cette romance que Singer évoque la théma-tique qui lui est si chère en plus d’être caractéristique du person- nage. Cultivant son goût pour le classicisme, l’auteur refait Casablanca avec Superman dans le rôle de Humphrey Bogart retrou-vant l’amour de sa vie dans les bras d’un autre (James Marsden endossant le rôle finalement pas si ingrat du Viktor Laszlo de service). Ainsi, la question |
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posée par le film revient à demander ce qu’il advient de ce personnage lorsque le seul lien le rattachant à ce monde disparaît. Son cœur étant bien plus vulnérable qu’il ne l’est lui-même face à la Kryptonite, Superman reste seul, souvent plus à sa place dans l’espace froid et vide au-dessus du globe. Sous un ciel sombre, le héros vole au-dessus d’une rue, désintéressé par la foule qui le regarde et s’émerveille alors que la caméra ne magnifie pas du tout l’instant. Ce plan seul suffit à signifier la mélancolie qu’éprouve le personnage le long du récit. Lorsque Clark paraît gauche au Daily Planet, ce n’est plus juste une façade mais un réel malaise de ne plus être à sa place. Une famille d’adoption, une terre d’accueil, un lien qui l’unit à ce monde, ces aspects-là de l’histoire intéressent bien plus Singer que de simples scènes d’action. |
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Créé par deux fils d’im-migrants juifs, Superman est une icône religieuse à plus d’un titre. Sauvé par ses parents qui le placent dans un vaisseau afin de lui éviter la mort, tel Moïse, ou encore envoyé sur Terre par un géniteur le destinant à être élevé par des êtres humains à qui il montrera l’exemple par la suite, à l’instar de Jésus Christ, Superman est plus que jamais un Dieu parmi les hommes. Déjà dans le film de Donner, le parcours du héros était calqué sur celui du Christ, que l’on voit à sa naissance, à ses 18 ans puis l’année de ses 30 ans. Singer prolonge cette idée à plusieurs reprises, montrant le héros se faire transpercer au flanc par un substitut de la Lance de Longinus sous la forme d’une lame de Kryptonite (aussi rudimentaire et néanmoins fatale qu’un couteau taillé en prison, auquel fait référence Lex
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Luthor plus tôt dans le film), se sacrifiant pour son peuple d’adoption avant une résurrection finale. Maintes fois le réalisateur sublime son personnage, auquel il fait prendre des poses christiques ou encore celle d’Atlas, par une mise en scène ne craignant jamais la symbolique la plus frontale, comme dans ce plan où le super-héros surgit du ciel, à travers les nuages, accompagné d’un rai de lumière. On reconnaît là la passion de Singer pour les figures religieuses. Déjà dans X-Men 2, choisissait-il un personnage à l’allure de démon pour représenter la voix de la foi tandis qu’un autre partageait les eaux avant de mourir pour son peuple. Le réalisateur est également réputé pour sa capacité à ancrer ce genre d’histoires dans le réel. Superman Returns, tout en conservant sa dimension mythique, ne déroge pas à la règle. Au début du film, il |
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suffit au héros de zapper sur plusieurs chaînes de télévision pour saisir la situation. Dans cette Amérique où Superman n’était pas là pour empêcher deux avions de percuter le World Trade Center (le sauvetage aérien durant la grandiose première scène d’action n’est pas innocent), la figure messianique du sau-veur est plus que jamais requise. |
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Sans jamais tomber dans la crétinerie d’une scène comme celle du pont dans le premier et pourtant très bon Spider-Man de Sam Raimi (qui voit des New-yorkais lancer des canettes à la tête du Bouffon Vert, clamant que s’attaquer à Spider-Man, c’est s’attaquer à New York et à eux tous), Singer laisse le discours de Jor-El, récupéré du premier film, exprimer sa pensée: " Ils peuvent être un grand peuple, Kal-El, ils souhaitent l’être. Il ne leur manque que la lumière pour montrer la voie. Pour cette raison plus que tout autre, leur capacité à faire le
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Bien, je leur ai envoyé toi, mon fils unique". En 2001, suite aux attaques du 11 septembre, la couverture d’une bande-dessinée voyait Super-man de dos admirant une affiche où figuraient pompiers et officiers de police, les vrais héros de ce jour-là, bien réels. Dans le film, alors qu’il n’a aucun super-pouvoir, le personnage de James Marsden va littéralement voler à la rescousse de Loïs. Et c’est là tout ce que l’on peut espérer, qu’un héros comme Superman inspire des individus lambda à faire le Bien. A faire ce qu’ils peuvent. Le message pourrait passer pour une morale chrétienne mais il n’en est rien. Vers la fin du film, Superman n’est plus seulement comparé à des icônes mythiques mais à une personne bien réelle, dans une situation similaire (que l’on ne dévoilera pas) à celle de John Fitzgerald Kennedy, dont le plus célèbre discours se terminait quant à lui par "Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez
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faire pour votre pays". Superman a beau faire figure de demi-dieu, il incarne surtout l’espoir. Plus fort qu’un quelconque sentiment religieux ou patriotique, c’est cette notion que met en évidence Singer. Il suffit d’une apparition de Superman à l’écran (incarné par un Brandon Routh parfait, à la voix douce mais impo-sante), qu'il atterrisse de tout son poids sur le sol, qu'il arrête un objet de toutes ses forces ou qu'il brise le mur du son, à chaque fois, un son sourd résonne à travers les enceintes de la salle jusque dans le creux de l’estomac et laisse au spectateur l'impression d’avoir assisté à la présence du héros au même titre que les passants dans le film l’ont vu, avec la même stupéfaction, le même émoi, la même sensation. Est-ce un oiseau? Est-ce un avion? Non. C'est Superman. |
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