Né en 1957, Frank Miller est devenu l’une des figures incontournables de la bande dessinée américaine contemporaine.




 
En 1977, il commence sa car-rière comme dessinateur pour des firmes telles que DC ou Marvel. Pour cette dernière, il dessine des aventures de Spider-Man, à partir de 1979, et associe même le héros, momentanément devenu aveugle, à Daredevil. A cette époque, son style, très traditionnel, ne le différencie pas tellement des autres dessinateurs de super-héros. La même année, et jusqu’en 1983, il est chargé de s’occuper de Daredevil, tout d’abord en tant que simple
 
illustrateur, puis, dès 1981, il s’émancipe pour devenir aussi scénariste. Son style évolue, les traits sont moins marqués, le dessin est plus abrupt. L’idée de génie de Miller est d’avoir inventé le personnage d’Elektra Natchios, l’amour de jeunesse de Matt Murdock (alias Daredevil), devenue une redoutable tueuse après la mort de son père. Le film Daredevil, de Mark Steven Johnson lénifie la rage meurtrière d’Elektra.



Une des particularités de Frank Miller, est de continuer à s’occuper de certains personnages - en restant scénariste - tout en déléguant le dessin à un autre. Ces associations ont pour fruit des œuvres destinées à un lectorat mature. En 1986, dans Born Again, David Mazzucchelli illustre une série d’histoires parmi les plus violentes vécues par Daredevil. Karen Page, une ancienne amie de Matt Murdock, sombre dans le monde de la drogue et du cinéma porno. Elle
 
divulgue à l’ennemi juré de Daredevil, le Caïd, la véritable identité du super-héros. Dans Elektra Assassin, Miller fait équipe avec le dessinateur Bill Sienkiewicz, dont le traitement a un côté expérimental, en mêlant différents types d’illustrations. Frank Miller reprendra le personnage d’Elektra, en tant que dessinateur et scénariste, dans Elektra Lives Again (1990), où la tueuse ressuscitera, pour de nouveau mourir dans les bras de son ancien amant.
 




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Vers 1983, Frank Miller entamera une collaboration déterminante avec Lynn Varley, qui s’occupera dorénavant du coloriage de son travail. Ronin raconte le fascinant voyage à travers le temps d’un samouraï déshonoré du treizième siècle dans le New York du vingt-et-unième siècle. Son corps se reconstitue à partir d’éléments métalliques qui, progressivement, prennent forme humaine. Au crédit de Miller, auteur, on remarque son goût pour représenter des femmes d’une force de caractère exceptionnelle, que ce soit Elektra, ou
 
Casey McKenna, l’héroïne de Ronin. Autre particularité, une pro-pension pour l’iconoclastie, ce qui peut choquer les lecteurs de bandes dessinées un peu conservateurs, qui ne supportent pas que leurs super-héros soient malmenés. L’exemple le plus flagrant est son traitement infligé deux fois au personnage marmoréen de Batman, ainsi qu’aux autres héros de la firme DC. En 1986, sort The Dark Knight Returns, dans lequel Frank Miller montre un Batman ayant dépassé la cinquantaine, qui décide, de guerre lasse, de se mettre à tuer ses ennemis. Ses méthodes radicales ne plaisent pas à un Superman, contraint d’être un simple exécutant du pouvoir en place. L’ex-Catwoman est devenu une espèce de ma-dame Claude adipeuse, et Green Arrow s’est vu arracher le bras, accidentellement, par Superman. Miller surenchérira en 2002 avec The Dark Knight Strikes Again, en reprenant les anciens personnages trois
 
ans après. Superman a eu une fille cachée de Wonder Woman, appelée Lara. Quant à Batman, qui n’est pas mort, il lutte pour le salut de la terre entière, quitte à y perdre quelques dents. Le style graphique a changé, Miller tend à avoir une vision disproportionnée du corps humain, avec des membres allongés et des pieds énormes. Les couleurs de Lynn Varley sont plus éblouissantes que jamais. En 1998, toujours avec Lynn Varley, Miller a reconstitué la bataille des Thermopyles (480 avant Jésus Christ), entre l’armée spartiate de Léonidas 1er et les troupes perses de Xerxès. 300 (nombre des guerriers spartiates massacrés) est une bande dessinée fascinante de sauvagerie, dont le personnage le plus humain s’avère être un monstre qui n’a pu joindre l’armée spartiate à cause de ses difformités et qui, en conséquence, est passé à l’ennemi.



S’il est vrai que Frank Miller, en tant que scénariste, n’a pas la culture livresque d’un Alan Moore, il est capable de composer des histoires très efficaces. Depuis 1992, il a réalisé sept volumes de sa bande dessinée en noir et blanc Sin City, qui sont autant d’incursions dans le monde du polar. Ses héros endurent généralement des tortures physiques et morales d’une grande acuité. Chaque volume est autonome, mais généralement on retrouve des figures familières, voire des scènes qui se sont déroulées dans d’autres tomes. L’absence de couleurs vives renforce l’ambiance de films noirs. Encore une trouvaille géni-ale de Miller, dans le dernier volume paru en 1999, Hell and Back, le héros Wallace, drogué à
 
mort par ses ennemis, se met à voir (en couleur) les gens qu’il rencontre se métamorphoser en des figures marquantes de la culture américaine (L’inspecteur Harry, Rambo, le chat du docteur Seuss). En 2001 est sorti un jouet MacFarlane, représentant le Marvin du volume 1, assis sur une chaise électrique. En abaissant une manette, on voyait ses yeux s’allumer et il se mettait à dire: "C’est tout ce que vous pouvez faire, mauviettes?". Des parents d’élèves et des psychiatres américains ont poussé de hauts cris en dénonçant le mauvais goût de cet objet. Mais il s’agissait d’une référence aux dernières planches de la première histoire. A considérer donc comme un objet de collection, et non pas comme un jouet à la portée des enfants! En
 
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dehors de la bande dessinée, Miller a été crédité aux scénarii de Ro-bocop II (Irvin Kershner, 1990), dans lequel il jouait un petit rôle, et de Robocop III (Fred Dekker, 1993).