Solaris
De Soderbergh Steven
Éditeur : Fox Pathé Europa
Zone 2
Nombre de disques : 1
Sortie : 01/01/2002
Envoyé en mission sur la base spatiale qui gravite autour de la planète Solaris, Kelvin retrouve sa femme, morte sur Terre quelques années auparavant. Est-elle réelle? D’où vient-elle? A-t-elle un rapport avec cette étrange planète qui semble influer sur les habitants de la station?
Il était illusoire de croire qu’avec Solaris, Steven Soderbergh chercherait à révolutionner le monde cloisonné de la science-fiction. Il était même peu probable de voir ce même cinéaste se frotter (full) frontalement au genre, tant celui-ci lui avait été jusqu’à présent étranger. Et, bien que rassurante, la référence constante à 2001, l’odyssée de l’espace, le chef d’œuvre de Stanley Kubrick qui, vingt-cinq ans après sa réalisation, continue de placer les bases même du genre, apparaît finalement comme trompeuse, malgré les quelques éléments communs aux deux films. Car au delà de cette référence anecdotique, Soderbergh semble tenté systématiquement par l’idée de s’éloigner d’un genre qu’il maîtrise mal, par le biais de flash-back véritablement splendides qui le ramènent au cœur même de ce qui peut être considéré comme son meilleur film, Hors d’atteinte. Exit la science-fiction, donc. A ce titre, les dix premières minutes (celles de l’arrivée dans la station spatiale – scène matrice du genre) du métrage laissent augurer du pire. Lourdes, ampoulées, elles donnent l’impression de nombreuses coupes dans les plans, impression renforcée par la durée relativement courte du film. Prenant place dans un décor de science-fiction, Steven Soderbergh apparaît, dans ces quelques scènes, comme à l’image de son personnage joué par George Clooney: pas à sa place, tout simplement. Il peine à instaurer une ambiance basée sur des non-dits et sur l’étrangeté des quelques habitants de la station, et ne réussit pas non plus à faire de la planète Solaris un personnage à part entière. A ce stade du métrage, le scénario se traîne, les acteurs piétinent, le réalisateur patauge.
Vient alors la scène. La plus belle du film, peut-être même la plus pure de toute l’œuvre du cinéaste. Ne serait-ce que pour cette seule scène, Solaris doit être vu. Parce que l’émotion cinéma ne s’est jamais faite aussi grande, aussi profonde sur un écran depuis quelques années. Parce que ces différents axes qui font le cinéma (le montage, le dialogue, les acteurs, la lumière…) n’ont jamais donné un ensemble aussi homogène que dans cette scène. Dans son sommeil, Kelvin (joué par Clooney, dont on ne répètera jamais assez qu’il est capable de grandes choses) revoit le visage de sa femme décédée. Est-ce un rêve? Est-ce la réalité? Est-elle dans cette station ou bien seulement dans ce flash-back qui le hante chaque nuit? En quelques plans d’une beauté absolue, Soderbergh donne une tournure inattendue au film, et le sauve par là même de la banqueroute. Car du statut de ratage complet de la science-fiction, le film passe tout simplement à celui de film expérimental malin. Solaris devient ainsi, passé ses dix premières minutes éprouvantes, une œuvre dans la lignée de Full Frontal ou Schizopolis, dans laquelle le cinéaste tente une introspection de son art à travers le personnage émouvant du clone de la femme. Personnage vide à l’origine, vierge comme pourrait l’être une cassette ou une disquette, elle prend vie peu à peu, acquerrant un passé, une existence au fur et à mesure des souvenirs de Kelvin. Copie imparfaite créée à partir d’une mémoire sélective, elle symbolise à elle seule l’échec conscient de la tentative du film: retranscrire dans un espace différent – celui, froid et impersonnel, de la station - le glamour qui a fait le succès des films de Soderbergh et que l’on retrouve lors des flash-back qui ponctuent le film.
C’est principalement dans cette belle idée que Solaris peut être apprécié et appréhendé. Dans l’histoire émouvante d’un personnage fantoche, qui se cherche une existence, un passé tandis que son créateur (Kelvin? Soderbergh?) se cherche un avenir. Bouleversante, cette femme du nom de Rheya l’est à plus d’un titre. Alors qu’elle se remplit des souvenirs de son mari, elle intègre aussi ses propres échecs, ses propres peurs, sa propre détresse. S’acheminant droit vers la répétition d’un moment initial – que nous ne révèlerons pas -, elle ne peut que se raccrocher à une vie qui n’est pas la sienne, et qui lui est accordée en fonction du bon vouloir et de la mémoire aléatoire de Kelvin. Dans cette métaphore lourde d’un homme à qui une chance est donnée de refaire son passé, Soderbergh réussit à introduire ce personnage fort, qui à lui seul permet au film de se maintenir à un niveau correct. Tout au plus regrettera-t-on que ce récit soit celui d’un échec, ce qui ne laisse rien présager de bon quant à la carrière à venir du réalisateur.
Bonus
Tout d’abord, il convient de saluer l’initiative de Mk2 de ressortir dans des éditions digne de ce nom cinq des chefs d’œuvre du maître. Celle de Solaris ne démérite pas et enterre logiquement celle proposée par Films Sans Frontières il y a quelques mois. Première constatation, l’image sublime malgré quelques légers tremblements dans les premières minutes. Un rendu des couleurs absolument parfait (chose peu évident chez un cinéaste soi-disant aussi terne que Tarkovski), une belle clarté dans les scènes de noir et blanc, ajoutés à une piste sonore aussi travaillée que contrastée.
L’édition propose:
Assez anecdotiques, les biographies (écrites et un peu courtes) du réalisateur et de l’auteur du roman original (Stanislaw Lem), ainsi que les filmographies du scénariste et du directeur de la photographie.
Andrei Tarkovski raconté par sa sœur: Déjà beaucoup plus intéressant, un entretien de deux minutes avec la sœur du cinéaste qui revient pour l’occasion sur le professionnalisme, l’intelligence, de son frère, ainsi que sur sa façon de jouer avec la censure soviétique de l’époque. Une interview de l’actrice Natalya Bondarchuk est également proposée, l’occasion pour elle de revenir sur les conditions de tournage imposées par le cinéaste.
Deux galeries photos viennent compléter l’édition.
En savoir plus
Interactivité :
L'échec du film a sans doute empêché l’élaboration d’une édition plus prestigieuse, et si le film bénéficie d'un pressage soigné rendant hommage à la superbe photo signée par le réalisateur lui-même, on ne peut pas en dire autant des bonus. Néanmoins, ne soyons pas chagrins, il s'agit ici de la transposition exacte et sous-titrée en français de l'édition zone 1 américaine.
Dans cet état de fait, on est presque surpris par la présence d'un commentaire audio (VOST) du réalisateur Steven Soderbergh et du producteur James Cameron. Ils se livrent de façon simple sur la genèse et les thèmes du film, tout en se félicitant mutuellement de l'intelligence et du brio avec lesquels ils ont travaillé. Mais une fois passés ces moments d'autocongratulations, il reste d'intéressantes digressions sur les méthodes de travail de l'un des réalisateurs les plus intéressants du moment: Steven Soderbergh. Ils livrent aussi quelques secrets qui se trouvaient cachés derrière l'aspect parfois abscons du film.
Techniquement parlant, on frôle ici le sans faute. Le pressage permet de restituer intactes les couleurs et l'ambiance particulière distillées par le film. La planète Solaris et ses volutes bariolées, ainsi que l'ambiance froide et aseptisée des couloirs du vaisseau demeurent aussi magnifiques que sur grand écran. Les différentes pistes sonores sont codées en 5.1 Dolby Digital et le sous-titre du commentaire est disponible en français séparément.
Les Coulisses de Solaris et La Face cachée de Solaris sont deux documentaires, produit par HBO pour l'un et featurette classique de remplissage de DVD pour l'autre, qui reprennent parfois les mêmes passages d'interview et finissent par finalement devenir redondants. Reprenant des ficelles classiques et usées en alternant images du plateau et bouts d'interviews promo, les documentaires ne parviennent à aucun moment à dépasser leur stade d'outil publicitaire, et ne livrent en fin de compte aucun secret capital ou original. De plus, on pourra regretter (ou apprécier selon l'humeur) leur brièveté. Il sera préférable afin de glaner quelques jolies informations de se rabattre sur le commentaire audio.
Le Script Intégral propose quant à lui une série de 250 planches à faire défiler avec sa télécommande, reprenant la version finale du scénario de Soderbergh. Pour résumer, l'édition de Solaris reste décevante et hormis le film, un commentaire comportant beaucoup de gras et une image magnifique, le reste des bonus demeure totalement inintéressant. Ce n'est pas avec cette édition que la planète Solaris livrera ses secrets.
LISTE DES BONUS
Commentaire audio de Steven Soderbergh et James Cameron Documentaire HBO : Les coulisses de Solaris "La face cachée de Solaris" Script Intégral (250 images) Nicolas Plaire