Festival de Gérardmer: La Monstrueuse Parade Universal

Festival de Gérardmer: La Monstrueuse Parade Universal

En 1925, lorsque Lon Chaney, grimé en fantôme de l'opéra dans le film du même nom, découvre son affreux visage, le public se renverse de peur. A l'heure du muet, Universal lance sa vague de films horrifiques, vague qui prend toute son ampleur lors des années 30, âge d'or du genre, qui verront défiler Dracula, La Momie ou Frankenstein, avant que Le Loup-Garou ne cartonne lui aussi en 1941. Et si La Créature du lac noir fait un peu office de chant du cygne une dizaine d'années plus tard, la patte Universal a laissé une trace indélébile chez les spectateurs du monde entier. A l'occasion du Festival de Gérardmer et de la diffusion d'un Frankenstein new look, retour sur une galerie d'icônes horrifiques.

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DRACULA

Tod Browning - 1931

Papa, en quelque sorte, de la monstrueuse marmaille Universal, Dracula est signé par un Tod Browning qui, un an plus tard, allait réaliser son chef d'oeuvre, Freaks, la monstrueuse parade. Mais son adaptation du vampire, davantage tirée des versions théâtrales que du roman de Bram Stoker, a elle aussi atteint l'immortalité. Malgré ses quelques oripeaux kitsch (les inévitables chauve-souris de train fantôme de Nigloland, la répétition des regards azurs éclairés de Bela Lugosi dans le rôle-titre), Dracula brille par son élégance, principalement dans son prologue aux Carpates qui installe très joliment son atmosphère de bout du monde cauchemardesque, des yeux possédés du cocher aux gueules effarées des paysans, en passant par la toute première apparition de Dracula, passée à la postérité. Les ralentissements et écarts de rigueur scénaristique une fois arrivé à Londres sont effacés par quelques éclairs visuels, comme la scène de la fillette croquée hors champ par Lucy: un plan sur la grande grille gothique, les pleurs au loin, puis Lucy hallucinée marchant dans les bois, le tout avec la précision d'un Tourneur horrifique dix ans avant sa Féline.

FRANKENSTEIN

James Whale - 1931

Un homme en costume avance sur scène et s’adresse, face caméra, au public: «Comment allez-vous ?». Le prologue de Frankenstein est à la fois un avertissement, un jeu avec la censure, mais surtout un moyen détourné afin de titiller le public avec cette histoire conçue pour hérisser les cheveux les mieux laqués («elle vous donnera des frissons, il se peut qu’elle vous choque»). Universal fait stationner quelques ambulances devant les salles, tandis que de fausses infirmières offrent des remontants aux spectateurs transis. L’intox ludique est en place, et l’affaire est entre de bonnes mains puisque c’est Edward Van Sloan, le Van Helsing de Dracula sorti quelques mois plus tôt, qui s’en charge à l’écran. Le revival monstrueux n’arrive pas par hasard : le vampire Lugosi et la créature Karloff naissent en plein cœur de la grande dépression, qui est à son pic entre 1931 et 1932. Le public a besoin d’un horrible exutoire, l’adaptation de Mary Shelley est le matériel rêvé. Mais plutôt que le roman de Shelley, c’est d’une pièce que le film de Whale est adapté, comme le Dracula de Browning partait d’une version scénique simplifiée plutôt que de l’œuvre tentaculaire de Bram Stoker. Parmi les changements : on ajoute l’assistant Fritz, on prive la créature de parole. Mais les grandes lignes persistent et le mythe littéraire devient mythe cinématographique… Lire la suite

LA MOMIE

Karl Freund - 1932

Après les triomphes conjugués de Dracula et de Frankenstein, La Momie reprend un argument minimaliste et parvient à faire merveille... tant que le film reste centré sur le monstre star. La scène de l'éveil de la créature en est un parfait exemple, autel impérieux du fantastique autour d'une incantation psalmodiée, du maquillage saisissant de Jack Pierce sur la nouvelle star Karloff (duo magique déjà à l'oeuvre dans Frankenstein), le tout magnifié par la photo soignée de Charles Stumar. La Momie exploite au mieux son décorum exotico-égyptien, ou son onirisme de sarcophages lorsque Freund joue simplement sur la luminosité des yeux de Karloff lors des séquences surnaturelles. Entre quelques longueurs lorsque les falots humains sans bandelette apparaissent dans le champ, La Momie laisse entrevoir un autre film, celui, tranché sur la table de montage, qui laissait plus de place aux scènes de flash-back suivant les différentes périodes de réincarnation de l'héroïne - mais l'arrêt inopiné chez les Vikings ne faisait peut-être plus assez égyptien.

L'HOMME INVISIBLE

James Whale - 1933

La performance de L'Homme invisible est avant tout technique : dès les premiers instants, on découvre cet homme invisible, réfugié dans une chaumière alors que la neige fait rage dehors, et le public alors éberlué voit les vêtements de Claude Rains (à défaut de son visage) flotter avec insolence dans les airs. Le pari est parfaitement relevé, et le film de James Whale, encore lui, fait date dans le genre. Mais aujourd'hui, le long métrage fait un peu figure de véhicule à effets spéciaux, handicapé par un scénario et des figures un peu fades qui marchent comme un décalque de ce que l'on a pu voir dans Frankenstein, du héros damné-fou-mégalo et en fuite à l'héroïne photocopiée (rôle tenu par la jeune Gloria Stuart, une soixantaine d'années avant son triomphe dans Titanic) ou encore le rival amoureux. Reste cet invisible savant fou qui se distingue par son ambiguïté, outsider antisocial faisant autant de bêtises que Sabine Paturel.

LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN

James Whale - 1935

"Nous avons dénombré dix scènes où le monstre étrangle ou écrase des gens à mort sans compter les meurtres des autres personnages. Montrer tant de morts est inconsidéré et nous vous conseillons instamment de les limiter" : ainsi parlait Joseph Breen, le censeur en chef du comité d’éthique, à la vision d’un premier montage de La Fiancée de Frankenstein en novembre 1934. James Whale rétorqua simplement : "Tuez-les tous, Bree fera le tri". La créature remet donc le couvert, alors que Whale était réticent à l’idée d’une suite. Le scénario de celle-ci a d’ailleurs connu quelques errances avant d’aboutir à un classique du genre, surpassant pour beaucoup le premier épisode. Un premier traitement a été effectué par l’ex-journaliste Tom Reed, raconte le critique Scott MacQueen. Une base pour le moins grand guignol qui voit Elizabeth se faire tuer pour ses organes, tandis qu’on vole sa tête à une "géante de foire suicidée", entre autres récupérations de cadavres lors d’un accident de train, le tout dans une farandole de protagonistes faite de villageois, prêtres et danseurs homos. Mais Reed pose néanmoins quelques thèmes et figures repris ensuite : le monstre se mirant dans l’eau, son amitié avec un aveugle, le fait qu’il soit doté de parole et bien sûr, l’apparition de la fiancée. Plus tard, l’écrivain Lawrence Blochman s’inspire du Freaks de Tod Browning et envoie Henry et Elizabeth dans une fête foraine où, devenus marionnettistes, ils rejouent l’histoire de la créature. Cette piste sera finalement abandonnée. Lire la suite

LE LOUP-GAROU

George Waggner - 1941

Le Loup-Garou version George Waggner n'est pas la première histoire de lycanthropie du côté d'Universal : en 1935, la bête est lâchée à Londres et le maquilleur Jack Pierce est encore une fois aux manettes en créateur de la bête (et le sera d'ailleurs ici aussi). Mais c'est la cuvée 1941 qui prévaudra. Dans sa pochette magique, Le Loup-Garou peut compter sur son atmosphère envoûtante, sa très belle photo, sa forêt embrumée dans laquelle se trimballent des gitans magiques (dont les très bons Maria Ouspenskaya et Bela Lugosi, de passage pour quelques répliques), son exploitation de la légende, autant d'ingrédients qui mettent bien en valeur les apparitions du monstre dont le maquillage à poils de yak tient encore tout à fait le coup à la revision. Mais, dans le registre du monstre Universal, Le Loup-Garou manque probablement d'une scène forte qui emporte le tout, dans la canonisation mythique du héros ou la poésie tragique, avec l'impression que le scénario se limite parfois au minimum. La recette atteint un peu ses limites, même si le succès est encore au rendez-vous.

LA CREATURE DU LAC NOIR

Jack Arnold - 1954

Figure arrivée plus tardivement dans le musée de monstres d'Universal, L'Etrange créature du lac noir a, comme un Dracula vingt ans plus tôt, ses petits détails joyeusement kitsch (ses indigènes sacrifiés, son héroïne qui se la joue Virginie Dedieu dans l'eau), mais le choix de Jack Arnold de jouer à fond la carte de l'exotisme-aventure marche radieusement, avec un décor moins guindé que pour un Loup-Garou qui ne laissait pas une énorme marge de manoeuvre pour un regard plus original. Arnold se fend en plus d'une vraie très belle scène de cinéma fantastique dans l'anthologie classique des belles et bêtes, lorsque la naïade d'héroïne nage avec le monstre qui la suit dans les profondeurs. Une fois de plus, le look de la créature est très réussi et lui permet de rejoindre le prestigieux bestiaire des icônes du studio. La partition musicale, elle, se voit largement mise en valeur lors des longues scènes muettes se déroulant sous l'eau. Le résultat, très rafraîchissant par rapport à ses prédécesseurs plus cadenassés, connaîtra deux suites à l'écran.

par Nicolas Bardot

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