L'Age d'or d'Argento

L'Age d'or d'Argento

A l'occasion de la ressortie en salles de quelques uns des chefs d’œuvre de Dario Argento, FilmDeCulte se replonge dans la première période de la carrière du cinéaste, de L'Oiseau au plumage de cristal à Ténèbres. Les années ont passé mais peu importe: ces films-là ont laissé une marque indélébile...

  • L'Age d'or d'Argento
  • L'Age d'or d'Argento
  • L'Age d'or d'Argento
  • L'Age d'or d'Argento
  • L'Age d'or d'Argento
  • L'Age d'or d'Argento
  • L'Age d'or d'Argento

L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL (1970)

Été 1969. Le jeune Dario Argento, 29 ans, débute le tournage de son premier film en tant que réalisateur, L'Oiseau au plumage de cristal, premier film de sa trilogie animale qui sera complétée plus tard par Le Chat à neuf queues et Quatre mouches de velours gris. Argento s'est, jusqu'ici, fait la main en tant que critique cinéma ainsi que scénariste, notamment pour Sergio Leone. L'Oiseau... sera son acte de naissance de cinéaste, un film qui expose quelques unes de ses obsessions et autres motifs qui jalonneront son œuvre. A l'image de la scène d'ouverture, durant laquelle un homme est témoin de l'agression d'une femme. Quelques codes du giallo, genre transalpin initié par Mario Bava, sont là: tueur ganté et mystérieux, et dont les meurtres sont exclusivement commis à l'arme blanche. Et puis ce thème de l'illusion qui sous-tend nombre des films du réalisateur italien, la défaillance du personnage qui croit savoir mais qui ne peut voir, ou entendre, la clef de l'énigme pourtant là, sous ses yeux, ou à portée d'oreille. A la fin des 60's, entre le début des années de plomb et la présence inquiétante, à Florence, du serial-killer surnommé plus tard Le Monstre de Florence, l'Italie traverse une période trouble et violente. L'Oiseau au plumage de cristal et sa violence urbaine, dans un décor quotidien, arrive au bon moment et reçoit un accueil très enthousiaste du public. Un succès qui lance la carrière de Dario Argento...

LES FRISSONS DE L'ANGOISSE (1975)

Deuxième sommet dans la carrière d'Argento, Les Frissons de l'angoisse suit l'enquête tortueuse d'un pianiste, témoin du meurtre d'une médium (interprétée par Macha Méril !). Le 5e long métrage de Dario Argento témoigne de son attachement pour les mystères de l'inconscient. Avec une mise en scène qui épouse les fêlures de la psyché, Argento traque l'enfoui, et ses enquêtes sont comme plongées dans un monde du tout-sensoriel. Les Frissons de l'angoisse présente aussi quelques unes des séquences les plus marquantes de son cinéma. On pense à l'exécution de la médium donc (la tête explosée dans une vitre, une de ses marques de fabrique), mais encore plus au meurtre dans la maison isolée et à cet œil glaçant, caché dans le placard - œil sans visage, œil pervers et qui voit tout, comme une mise en abyme de sa mise en scène. Le film marque le début de la collaboration avec Goblin, le groupe dont les synthétiseurs magiques vont hanter bon nombre des œuvres du réalisateur. Et ils ne sont pas pour rien dans cette atmosphère délicieusement glauque qui règne dans ces bien-nommés Frissons de l’angoisse

SUSPIRIA (1977)

Pour la première fois, Argento s'en va sur les terres du fantastique avec Suspiria, premier volet de sa trilogie de sorcières complété plus tard par Inferno et La Terza Madre. Une histoire dont Daria Nicolodi, sa muse et compagne de l'époque (celle qui jouait la téméraire journaliste des Frissons...), est la responsable, ou plutôt sa grand-mère, qui lui a raconté avoir été témoin d'étranges pratiques dans sa pension de jeunesse qu'elle a d'ailleurs fuie. Outre ses séquences graphiques de meurtres sadiques portant la patte de l'auteur (le premier en particulier, un des sommets de sa filmographie), Suspiria joue la carte d'une inquiétante étrangeté absolument hypnotique, qu'il s'agisse des premiers instants dans l'aéroport, où un souffle semble vouloir happer la frêle héroïne, et évidemment cet usage extraordinaire de la couleur qui évoque les bobines chatoyantes de Powell et Pressburger ou encore le satané Couvent de Norifumi Suzuki. Argento ne peut s'empêcher d'utiliser quelques motifs de giallo (le mystère autour du meurtrier invisible, la lame dont l'éclat éblouit l'héroïne en symbole du basculement vers le fantastique) pour nourrir son conte cruel, dont le finale absolument dantesque est devenu culte. Son plus grand chef d'œuvre?

TENEBRES (1982)

Ténèbres! Cet über-giallo porte bien mal son nom car le travail du chef opérateur, Luciano Tovoli, va à l'opposé du look wow-wow-wow-wow hypercoloré qu'il a donné à Suspiria, Ténèbres étant plutôt sous l’influence du Possession d’Andrzej Żuławski (autre grand film d’une blancheur malade, taché par le vomi de sang d’une Isabelle Adjani on fire). Dans Ténèbres, tout est blanc, lumière sans mystère, pavillon aux murs clairs (des murs qui, dans l’épique dénouement, servent de toile improvisée pour une séance de dropping sanglant). La caméra (ou est-ce un esprit?) est partout, à l'image du long plan séquence qui se balade autour de la maison du couple de lesbiennes, avant que celles-ci ne passent à la casserole (dont l’une, plantureuse, trempée et à peine couverte d’une serviette, ne semble attendre que ça). Une façon de trancher avec les diableries des sorcières de Suspiria et de Inferno et de revenir à son genre de prédilection, toujours auprès de l’indispensable Daria Nicolodi. Pour un chant du cygne ? Pour beaucoup, Dario Argento signe avec ce Ténèbres la fin de son âge d’or (qu'on peut en fait prolonger au moins jusqu'au jubilatoire Phenomena). Comme si, de mises en abyme en aller-retours esthétiques, Argento avait déjà essoré son art et ses tripes. The end ?

par Nicolas Bardot

En savoir plus

L'Oiseau au plumage de cristal, Le Chat à neuf queues, Les Frissons de l'angoisse, Suspiria, Phenomena et Opéra ressortent ce mercredi 27 juin en salles.

Commentaires

Partenaires