Festival de Gérardmer 2016: le bilan !
La 23e édition du Festival de Gérardmer s’est achevée. Quels ont été les temps forts et les tendances du cru 2016 ? FilmDeCulte fait le bilan.
L'édition 2015 du Festival de Gérardmer avait couronné un gagnant très remarqué : l'Américain It Follows de David Robert Mitchell. L'an passé, le festival avait été l'occasion de découvrir quelques uns des films fantastiques dont on a beaucoup parlé : outre It Follows, le film d'horreur autrichien Goodnight Mommy, la comédie néo-zélandaise What We Do in the Shadows ou encore le film de science-fiction Ex Machina. 2016 pouvait-elle faire aussi bien ?
Le festival a en tout cas connu un sommet avec The Witch, premier film de l'Américain Robert Eggers. Ce long métrage est porté par un excellent buzz depuis sa présentation à Sundance et celui-ci est mérité : c'est un petit chef d’œuvre à la fois maîtrisé et audacieux, un conte fantastique passionnant et haletant sur la sorcellerie et, en creux, le fondamentalisme religieux. Le long métrage a semble t-il réuni pratiquement tous les publics - pas une mince affaire car il n'est pas si public-friendly. Dommage, il a été ignoré par le jury de Claude Lelouch, qui lui a notamment préféré le navet industriel Jeruzalem - un peu comme si le jury du guide Michelin préférait un Quick' N Toast à un plat de haute gastronomie. On espère désormais une sortie en salles.
L'autre sommet de la compétition fut l'ovni Évolution, le nouveau long métrage de Lucile Hadzihalilovic. Ce récit d'apprentissage au bord de l'horreur et de la science-fiction a été doublement primé, par le jury et la critique. Cette fable mystérieuse confirme la personnalité à part d'une des meilleures réalisatrices françaises et sera à découvrir dès le 16 mars en France. Il y a par ailleurs une ironie assez mordante à signaler au sujet d'Évolution, plutôt malmené par une partie du public gérômois – ce public qui a beaucoup reproché au jury, sur les réseaux sociaux, de ne rien connaître au genre (il est vrai que les déclarations de certains membres ont pu faire lever les yeux au ciel). Mais ces gardiens du temple ont une définition tellement réductrice et caricaturale du genre, réduit à sa vision la plus infantile, qu'on se demande s'ils y connaissent quoi que ce soit eux-mêmes.
Du côté des trouvailles et découvertes, February d'Osgood Perkins (fils d'Anthony et frère d'Elvis) a été une vraie petite révélation. Perkins se signale comme une personnalité à suivre avec ce long métrage inclassable et stimulant qui navigue entre slasher et film de possession et qui résiste à toute fiche de lecture facile. Signalons également les tours de manège fun que sont The Devil's Candy de Sean Byrne (un réussite peut-être un peu plus mineure que The Loved Ones mais dont le ton reste à part) et Southbound (une anthologie en roue libre avec une grande dose de fantaisie). On entend souvent que la production horrifique est à la peine – ça n'est qu'à moitié vrai. Car année après année, notamment à Gérardmer, on peut voir que le cinéma d'auteur, de It Follows à The Witch cette année, est créatif et gonflé. C'est l'horreur plus mainstream qui est à la peine, comme le paresseux, mou et bêta Howl, qui a l'air d'avoir 15 ans de retard sur les films pré-cités.
Le jury, lui, a privilégié un choix plus confortable avec Bone Tomahawk. Ce western brutal, à la lisière de l'horreur, est soigné et efficace. Au-delà de ses qualités, difficile de ne pas voir ici le choix d'un jury confirmant un goût modéré pour le fantastique sur lequel il s'est épanché dans la presse. On avoue mal imaginer un jury cannois expliquer que tel ou tel genre : c'est no way. Sans demander un jury autiste qui aurait au préalable rempli un QCM du fantastique, on touche probablement là les limites d'un point de vue extérieur, pas forcément spécialiste, privilégiant un choix plus consensuel. Bone Tomahawk ne sortira en tout cas pas en salles mais seulement en dvd.
Hors compétition, quelques films ont retenu notre attention comme le documentaire Lost Soul : The Doomed Journey of Richard Stanley's Island of Dr. Moreau. Comme son nom l'indique, ce film raconte le naufrage du tournage de L'Île du Dr Moreau par Richard Stanley. Si le doc est de facture classique, le résultat est tragicomique et franchement jubilatoire. Signalons également la surprise Summer Camp alors qu'on n'attendait plus grand chose de l'horreur hispanique, ou encore le charmant film de fantômes We Are Still Here. Du côté des frustrations, un manque certain de diversité (la sélection était quasi-exclusivement anglo-saxonne) alors que cette diversité était encore il y a peu l'une des précieuses forces du festival. On espère que ce sera le cas l'an prochain.
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